Dans mon article d’aujourd’hui,
je reviendrai sur l’histoire de l’or, de l’argent et des devises fiduciaires
en tant que monnaies aux Etats-Unis. Je me pencherai sur les diverses
guerres, paniques et dépressions, décisions du Congrès et ordres exécutifs
qui ont affecté le prix du dollar et des métaux précieux, ainsi que le ratio
or/argent qui en découle.
Nous remonterons jusqu’en 1792,
après l’établissement par le gouvernement américain d’une première devise
nationale garantie par l’or et l’argent, pour nous arrêter en 1971, date à
laquelle Nixon a fait du dollar une devise flottante contre les autres
devises globales.
Je reviendrai ultérieurement sur
l’histoire du ratio or/argent depuis 1971 et jusqu’à aujourd’hui.
Voyons donc l’histoire de l’or
et de l’argent en tant que monnaies aux Etats-Unis, de 1792 à 1971. Cette
période de 179 ans est en quelque sorte une archive des tentatives du
gouvernement de contrôler l’offre et la demande d’argent et son prix en
dollars par rapport aux prix de l’or établi.
Notez que l’or et l’argent
étaient communément utilisés en tant qu’instruments monétaires, ou « espèces »,
par de nombreux gouvernements entre 1700 et la fin des années 1900.
En 1787, la Constitution des
Etats-Unis a conféré au Congrès le pouvoir d’émettre de la monnaie et d’en
réguler la valeur. Cette décision impliquait également une interdiction pour
les Etats de faire de « tout instrument autre que l’or ou l’argent un change
légal pour le remboursement de dettes ».
Un étalon monétaire bimétallique
a été formalisé en 1792 par le Mint Act, qui a fixé le ratio or/argent à 15
pour un, avec un prix de l’or de 19,39 dollars l’once, et un prix de l’argent
de 1,29 dollars. Le Coinage Act de 1834 a entraîné une dévaluation de l’argent
en portant le prix de l’or à 20,65 dollars l’once, alors que le prix de l’argent
est resté inchangé. L’or a été fixé autour de ce prix jusqu’à la Grande
dépression, qui a fait rage cent ans plus tard.
En 1859, le Comstock Lode a été
découvert dans le Nevada, et les réserves d’argent des Etats-Unis ont significativement
augmenté en seulement quelques années. Bien que cette hausse des réserves d’argent
n’ait pas eu un impact immédiat, il a finalement entraîné une surabondance
puis une dévaluation de l’argent au cours des années 1870.
Afin de financer la Guerre
civile contre la Confédération dans les années 1860, l’Union a imprimé de
gros volumes de devises non-garanties par des métaux précieux. En
conséquence, le pays s’est lourdement endetté, et le prix de l’argent a fini
par atteindre 2,94 dollars en 1864. Le prix de l’argent est resté historiquement
élevé pendant plus d’une décennie, et sa relation avec le prix de l’or s’est
trouvée dénaturée.
Le Coinage Act de 1973 a servi à
la démonétisation de l’argent aux Etats-Unis et a affaibli la demande en
métal blanc, ce qui en parallèle à la production du Comstock Lode a entraîné
un déclin de prix prolongé. En 1877, le prix de l’argent était inférieur au
prix précédemment établi d’1,29 dollar par once.
En conséquence, le Sherman
Silver Act de 1890 a tenté de faire remonter le prix de l’argent en demandant
au gouvernement d’acheter de l’argent et de frapper des pièces. Cette action
irréfléchie a laissé place à une ruée vers l’or des investisseurs étrangers,
qui a contribué à la panique de 1893 qui a vu l’argent perdre 16% sur un an.
Le Gold Standard Act de 1900 a
complètement abandonné le bimétallisme. Entre 1900 et 1933, le dollar était
entièrement garanti par de l’or, et les billets de papier pouvaient être
échangés contre de l’or sur simple demande. Le déclin de l’argent s’est
poursuivi, pour durer de 1864 à la fin de la seconde guerre mondiale.
Pendant la bulle sur le marché
boursier de 1907 et la dépression de deux ans survenue ensuite, l’argent a
perdu 29%.
A l’exception de quatre années
pendant et après la première guerre mondiale, au cours desquelles les dettes
de guerre se sont de nouveau accumulées, l’argent a poursuivi son déclin. Il
a perdu 26% suite au krach de 1926, pour atteindre 25 cents en 1932, au plus
profond de la dépression. Le prix de l’or, bien que supposément fixé à 20,65
dollars, était en moyenne de 26,33 dollars en 1933 face aux paniques
bancaires et au déclin de la confiance en le dollar en tant que monnaie.
Le gouvernement américain a
tenté de résoudre le problème au travers des actes du Congrès de 1933 et 1934,
qui ont mis fin à la convertibilité des billets de papier en or, et rendu la
propriété de barres et pièces d’or illégale. Roosevelt a drastiquement
abaissé les réserves d’or qui servaient à la garantie du dollar, et fixé le
prix de l’or à 35 dollars par once, soit une dévaluation de sa devise de près
de 70%.
Avec les accords de Bretton
Woods de 1944, tous les pays industrialisés ont adopté le dollar en tant que
devise de référence garantie par l’or. Suite à ces accords, toutes les
transactions internationales ont été réglées en dollars, et les autres
devises ont été amarrées au dollar, lui-même rattaché à l’or à hauteur de 35
dollars par once. Les gouvernements étrangers étaient autorisés à convertir
leurs réserves de dollars en or à ce taux.
Le prix moyen de l’or est
ensuite resté de 34 à 35 dollars l’once jusqu’en 1968, avec une exception :
une moyenne de 31,69 dollars l’once pendant la sévère récession de 1949.
Après la seconde guerre
mondiale, le prix de l’argent n’a cessé de grimpé. Il a gagné 58% en 1845 et
a poursuivi sa hausse jusqu’au début des années 1960. Il s’est trouvé artificiellement
plafonné à hauteur de son prix historique de 1,29 dollar par des ventes du
gouvernement américain entre 1963 et 1966, afin de décourager l’accumulation
et la fonte de métal. Le Coinage Act de 1965 a mis fin à la production de
pièces d’argent de dix et vingt-cinq cents aux Etats-Unis, et dévalué le
contenu en argent des demi-dollars de 90 à 40%. L’argent a été éliminé
complètement de l’alliage de cette pièce en 1970.
A mesure que la balance
commerciale des Etats-Unis est devenue négative et que le dollar s’est trouvé
affaibli dans les années 1960, l’or et l’argent ont gagné de la valeur. Avec
un dollar sévèrement surévalué par rapport à l’or et aux autres devises
majeures, les accords de Bretton Woods ont commencé à se désagréger après le
départ de l’Allemagne de l’Ouest en 1971.
Au travers d’une série de trois
dévaluations du dollar entre août 1971 et août 1973, Nixon a fait grimper le
prix de l’or contre la devise de réserve du monde. Son premier ordre exécutif
a mis fin à la conversion du dollar en or par les gouvernements étrangers,
notamment la France et la Suisse, afin d’interrompre l’épuisement des
réserves d’or de Fort Knox.
Suite à son dernier ordre
exécutif, les accords de Bretton Woods ont finalement été abandonnés, et les
devises majeures et l’or ont pu flotter librement sur les marchés du monde.
A ce moment-là, la devise de
réserve du monde est devenue un nouveau paradigme. A compter de l’abandon de
l’étalon or en 1971, les métaux précieux ont grimpé, ainsi que le ratio or/argent.
Les trois graphiques qui suivent
illustrent les permutations enregistrées par le système monétaire américain
basé sur les métaux précieux entre 1792 et 1971. Comme nous l’avons vu plus
haut, voici les prix annuels moyens de l’or et de l’argent en dollars
américains, ainsi que le ratio or/argent sur la période :
Le graphique du ratio or/argent
nécessite quelques explications :
Le ratio historique de 15 pour
un a été fixé par le gouvernement de 1972 à 1833, avant de passer à 16 pour
un en 1834. Pendant et après la guerre de 1812, les prix des métaux précieux
ont augmenté à mesure que des devises fiduciaires ont été créées pour
financer la guerre.
Une forte inflation de l’offre
de devises s’est produite pendant et après la Guerre civile. Bien que le prix
de l’or soit resté fixé à 20,65 dollars, le prix de l’argent a
significativement augmenté, et le ratio a atteint un record historique à la
baisse de 7 pour un en 1864.
Avec la hausse de l’argent, le
ratio est resté inférieur à 16 pour un jusqu’en 1877. Et suite à la
démonétisation de l’argent de 1873, son prix a été autorisé à flotter, ce qui
a porté le ratio jusqu’à 20 pour un jusqu’à la panique de 1893, date après
laquelle il a explosé à la hausse.
Avec un prix de l’or toujours
fixé à 20,67 dollars l’once et une vacillation puis une baisse du prix de l’argent,
le ratio s’est maintenu entre 30 et 40 jusqu’à ce que les coûts de la guerre
viennent de nouveau ravager le système monétaire entre 1916 et 1919.
L’effondrement du marché
boursier de 1929 et la dépression qui s’est installée ensuite ont généré une
chute du prix de l’argent. Le ratio or/argent a été très volatile sur la
période, et présente une hausse parabolique sur le graphique. Il a atteint
plus de 80 en 1932. Après la dévaluation du dollar par Roosevelt au travers
du passage du prix de l’or à 35 dollars par once en 1934, une nouvelle
relation et un ratio plus élevé ont été établis entre les deux métaux. Le
prix de l’argent s’est généralement maintenu autour de 50 cents, et le ratio
or/argent annuel est resté anormalement élevé pendant la dépression et la
seconde guerre mondiale.
Il a atteint un record
historique à la hausse de 98 en 1939.
Les accords de Bretton Woods de
1944 et la fin de la seconde guerre mondiale en 1945 ont d’abord donné lieu à
un effondrement puis à un déclin continuel du ratio à la fin des années 1940
et jusqu’au début des années 1960, à mesure que le prix de l’argent
remontait. En 1963, le prix de l’argent a atteint la valeur du contenu en
métal précieux des pièces américaines. Afin d’éviter l’accumulation et la
fonte de pièces, le gouvernement a vendu de l’argent de 1963 à 1966 pour
maintenir le prix du métal autour de 1,29 dollar l’once, et le ratio autour
de 27 pour un.
Quand la frappe de pièces d’argent
a été abandonnée après 1965, le prix du métal a fortement augmenté, et le
ratio a enregistré une moyenne de moins de 20 pour un de 1967 à 1970. A l’exception
d’une seule période de deux mois, il n’est jamais plus retombé aussi bas.
Mais j’y reviendrai plus tard.
Je parlerai dans mon prochain
article de ces 45 dernières années de paradigme économique post-étalon or au
cours desquelles la devise de réserve du monde n’a été garantie par rien si ce
n’est la promesse de remboursement d’un gouvernement insolvable et surendetté.
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