Les
marchés sont faits d’opinions, certaines meilleures que
d’autres...
« Il y a
toujours beaucoup d’opinions sur l’or. Et en ce moment, elles orientent
clairement le marché. Mais pas de façon attendue», écrit Adrian Ash
pour BullionVault.
« Il y a trop d’haussiers, moi
inclus », a affirmé en décembre la légende
des hedge-funds et commodités, le
commentateur financier Jim Rogers, lors d’une
émission sur la chaîne américaine CNBC. Et comment !
Les
multiples prévisions des cours de l’or pour 2013
La banque d’investissement Morgan Stanley a
adopté « un point de vue haussier », seulement
pour contredire
l’avertissement de Goldman Sachs que l’or commencera à baisser après avoir
atteint un nouveau pic en début 2013.
Prévisions
des cours de l’or pour 2013 par
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Dollars US/ once
|
Goldman Sachs
|
1 750
|
Barclays
|
1 815
|
Morgan Stanley
|
1 853
|
UBS
|
1 900
|
Bank of America
|
2 000
|
Capital Economics
|
2 200
|
La banque suisse UBS a conservé mi décembre ses prévisions de 2013 pour
l’or à une moyenne de 1 900 dollars l’once (une
augmentation de 14% de la moyenne de 2012 jusqu’ici) alors qu’un
autre faiseur de marché de l’or à Londres, Barclays, voit
maintenant le métal jaune l’an prochain à une moyenne de
1 815 dollars, soit une petite baisse sur ses dernières
prévisions.
Bank
of America estime que l’or atteindra une moyenne de 2 000 dollars
l’once l’an prochain, augmentant à 2 400 dollars en 2014,
alors que le cabinet-conseil Capital Economics (qui
a une opinion sur presque tout) prédit un pic à 2 200 dollars
fin 2013, quelques 10% au-dessus de ses précédentes
estimations.
Il est égal que pour le cabinet-conseil
basé à Londres l’année 2013
voulait dire une once à 2 500 dollars. C’était en 2011. Et comme beaucoup
d’haussiers sur l’or en ce moment, Capital Economics
estime que le traitement de l’or sous les réglementations
bancaires mondiales, c’est-à-dire les Accords de Bâle III,
pourrait « offrir au marché une poussée
psychologique importante ».
Si
c’est vrai, de quelle façon ?
« Les régulateurs
européens semblent de plus en plus désireux de
reconnaître l’or en tant qu’actif liquide de haute
qualité », explique aujourd’hui le chargé de
recherche sur les commodités chez Capital Economics,
Julian Jessop, dans un rapport, se
référant au changement de la réglementation bancaire
(Bâle III), très commenté mais peu compris.
« Les autres suivront probablement. La
demande croissante pour l’or afin de satisfaire les besoins plus
importants en liquidités pourrait alors en partie permettre
d’atténuer ce qui aurait été sinon un grand risque
de baisse quand les autorités reprendraient au final
l’exceptionnelle liquidité qu’elles avaient offerte au
système bancaire. »
Le rapport complet de Capital Economics affirme que quand les banques centrales auront
finalement éteint les rotatives pour imprimer la monnaie et
commenceront à augmenter les taux d’intérêt, les
cours de l’or baisseront probablement. Tout signe en 2013 que
l’économie reprend des forces pourrait vouloir dire, selon eux,
que ce processus est sur le point de commencer.
Le cabinet-conseil note aussi que sous Bâle
III, les banques commerciales auront besoin d’augmenter leurs
réserves de liquidités. Ceci réduira bien sûr le
volume des crédits, ce qui pourrait porter préjudice aux cours
de l’or. Mais le fait de détenir de l’or en réserve
pour satisfaire ces besoins plus soutenus en liquidités pourrait
compenser cet effet.
Vous pouvez trouver la même opinion (avec
parfois moins de compréhension, de subtilité ou de mise en
garde) presque partout sur internet. Attention à tout
« analyste » qui dit que l’or est sur le point de
devenir un actif de « classe un » (ce qui fait
référence aux réserves et provisions de capitaux, pas
aux liquidités). Attention aussi s’ils revendiquent que cela est
sur le point d’avoir lieu, immédiatement, en commençant
par le premier jour de l’an !
En effet, la plupart des pays
développés peinent à implémenter Bâle III,
la dernière série d’accords bancaires internationaux.
Mettre Bâle III en place pour 2013 est maintenant une
« ambition » que la plupart des régulateurs
nationaux ont bien retardée et différée vers une échéance
lointaine, voire jamais. Et le nouveau statut de l’or dans le cadre de
ces réglementations reste encore très incertain. Il pourrait
peut-être être évalué à 50% de son cours
quand les régulateurs comptent les réserves liquides que
détient une banque. Ou, il pourrait être porté à
100% du cours du marché, causant des maux de tête aux comptables
à mesure que les cours augmentent (ou baissent) toutes les minutes.
L’or,
un actif liquide de haute qualité
Toujours est-il que la réévaluation
possible de l’or en tant qu’actif « liquide de haute
qualité », marquerait une étape important
après douze ans de gains annuels. Cela marquerait
« l’utilisation croissante [de l’or] comme
nantissement », comme l’annonce Capital Economics.
Cela marquerait une nouvelle étape dans le retour de l’or au
système bancaire, à partir de son état de relique
détestée et sous-évaluée. Ce qui n’est pas
sans rappeler le retour de l’or pour les citoyens américains
comme un actif « investissable »
en 1975, le jour de l’an.
Pendant plus de trois décennies la
possession d’or était illégale aux Etats-Unis. L’ordre
exécutif de Gerald Ford de supprimer cette interdiction a clairement
aidé la longue avancée du marché haussier des
années 1970 vers son sommet de 1980. Les épargnants
américains avaient déjà manqué un gain par cinq.
Le marché des épargnes le plus riche au monde pouvait alors
enfin participer au marché haussier de l’or alimenté par
l’inflation.
Figure 1 : Cours de l’or en
dollars/ once, de 1974 à 1981 (les zones grises correspondent aux
périodes de récessions américaines).
« L’or a augmenté de 600%
dans les années 1970 », affirmait
Jim Rogers en 2007.
« Ensuite, l’or a baissé quasiment tous les mois
pendant deux ans. La plupart des gens ont laissé tomber. »
Vous ne pouvez pas blâmer les investisseurs
qui abandonnent le marché de l’or entre 1975 et 1977. Le cours
de l’or a baissé de près de moitié après
tout. Mais c’est simplement « ce qui se passe sur les
marchés haussiers », déclarait alors Rogers. Et
entre 1977 et 1980, « l’or a augmenté d’un
autre 850% ».
Avance rapide vers la fin 2012, et
« l’or subit une correction », a affirmé
Jim Rogers à la mi-décembre 2012. « Il s’est
corrigé pendant 15-16 mois, maintenant, ce qui est normal selon moi,
et il est possible que [la] correction continuera pendant un peu plus
longtemps. »
Et le tout, juste à temps pour
l’entrée en scène très médiatique de nouveaux
acheteurs, les banques commerciales. Bonne ou mauvaise, en tout cas,
c’est mon opinion.
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