Souvenez-vous :
le 17 décembre 2010, un jeune vendeur de fruits et légumes
tunisien, Mohamed Bouazizi, s’immolait par le
feu. Cela a été suffisant, selon certains, pour embraser un
pays de plus en plus touché par le chômage et la corruption.
Suffisant, surtout, pour détruire le puissant pouvoir de Ben Ali,
obligé de fuir la Tunisie, le 14 janvier 2011. Les origines directes
de la Révolution tunisienne seraient donc à rechercher du
côté de l’immolation de Mohamed Bouazizi.
Mais cette
explication n’est pas suffisante pour
d’autres. En effet, des soulèvements avaient déjà
éclaté
dès 2008, à quelques kilomètres de la frontière
algérienne, dans la ville de Redeyef. Ils
auraient commencé à ébranler, à leur petite
échelle, le pouvoir de Ben Ali et avaient également pour causes, notamment, le
chômage et la corruption.
Depuis, la
situation semble s’être apaisée dans cette ville.
L’armée était intervenue pour calmer les manifestants.
Aujourd’hui, Redeyef vit en autonomie :
plus aucun représentant de l’État, plus de
municipalité, plus de policiers. Seulement quelques militaires
gérant les affaires courantes.
Est-ce
l’anomie pour autant ? Point du tout. Les habitants ont pris eux-mêmes
intelligemment les choses en main et la ville est désormais autogérée.
L’article de fhimt.com indique que deux grandes familles du crû encadrent le processus décisionnel mais
que, pour autant, on ne pourrait parler d’oligarchie, personne
n’étant exclu dudit processus.
La notion
d’impôts locaux est bannie mais, contrairement à ce
qu’on aurait pu craindre, cela n’empêche pas les habitants
de la commune d’apporter une participation financière en
fonction de leurs moyens. Une authentique solidarité s’est installée
au point que les hommes de l’État tunisien, intelligents, ont compris
qu’il était préférable de ne pas risquer de
saborder cette paix sociale.
L’auteur
de l’article, Julien Giry, souligne que ce
phénomène de résistance au joug de l’État
et des municipalités tend à toucher de plus en plus de villes
du pays, surtout depuis la Révolution.
Il donne ainsi
l’exemple de Gafsa où le conseil municipal a carrément
jeté l’éponge, faute de moyens financiers. Reste que la
société civile a trouvé la parade à cette
désertion – presque forcée – des dirigeants locaux.
Mais
c’est surtout le cas de Sfax qui doit retenir l’attention puisque
cette ville est considérée,
à juste titre, comme le centre économique du pays. De
tradition, Sfax a toujours bénéficié d’une
société civile forte et a, à ce titre, été
ménagée par le pouvoir tunisien, y compris sous Ben Ali.
La situation a
encore évolué depuis la Révolution puisque,
désormais, les gouverneurs successifs sont contraints au départ
s’ils empiètent sur les nombreuses attributions de la
société civile.
Les
municipalités manquent de plus en plus de moyens mais cela ne
prête pas à conséquences puisque ladite
société civile est apte à s’organiser sans
l’appui des hommes de l’État, y compris pour des
tâches censément régaliennes.
Le printemps
arabe n’a pas tenu, pour l’instant, toutes ses promesses dans la
plupart des pays où il s’est produit. La Tunisie semble pourtant
être un cas légèrement à part car les
libertés individuelles et l’autogestion semblent s’y
développer plus qu’ailleurs.
Il est vrai
que la situation économique du pays s’est dégradée
en 2011, du fait, surtout, des conséquences de la Révolution et
de la guerre civile chez le voisin libyen. Néanmoins, outre cette
salutaire autogestion dans les villes précitées, des efforts
ont indéniablement été faits pour garantir les
libertés individuelles. Cette situation, encore fragile, pourrait
s’améliorer si les instances européennes
n’essayaient de dicter aux autorités tunisienne une marche
à suivre contestable.
Le document de
travail mis en lien l’illustre parfaitement : « La loi sur
la protection des consommateurs n’est pas encore harmonisée avec
la pratique UE » (p. 11). Plus précisément, les pays
de l’Union européenne disposent de Codes de la consommation
très étoffés. Ils souhaiteraient que les responsables
tunisiens adoptent des règles identiques ou, du moins, ressemblantes
aux leurs en la matière. Sauf, qu’outre le fait que la Tunisie
n’est pas encore au même niveau de développement que la
plupart des pays membres de l’Union européenne, il est pour le
moins péremptoire de s’autoproclamer « modèle
à suivre » pour ce qui concerne le droit.
Cette
ingérence des pays européens est le meilleur moyen de provoquer
un nouveau rejet arabe de l’Occident.
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