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Nous avons vu
lors de derniers billets (1
et 2)
que la pratique des réserves fractionnaires par les banques est
indépendante de l’étalon monétaire adopté
par un pays. En fait, il est historiquement plus aisé de trouver des
exemples de banques pratiquant les réserves fractionnaires que les réserves couvertes à
100% par de la monnaie de base.
Cependant, l’étalon or impose une limite naturelle à la
pratique des réserves fractionnaires du fait de la rareté
naturelle de l’or et des coûts élevés inhérents
à toute intensification de la cadence de son extraction. Ceci
n’empêche pas pour autant la banque de pratiquer les
réserves fractionnaires. Il lui suffit de la confiance du public à
qui elle garantit la convertibilité totale des dépôts et
notes bancaires sur simple demande. Cette garantie de convertibilité
va en même temps servir de moyen de dissuasion à
l’expansion des dépôts et comme support des
réserves fractionnaires, limitées il est vrai, des banques sous
un étalon or.
L’étalon
papier, par contre, n’impose plus de limite naturelle à la
pratique des réserves fractionnaires, car le papier n’est pas
rare naturellement et ses coûts de production sont relativement
négligeables. Pour autant, ceci ne veut pas dire que la banque
à réserves fractionnaires sous un étalon papier pourra
procéder à des expansions déchainées des
dépôts. Le risque d’insolvabilité reste
présent, surtout si les expansions sont liées davantage à
des crédits à long terme qu’à des crédits à
court terme. La situation change si
dans le cadre du système d’étalon papier, la banque a le soutien
d’une banque centrale (BC) qui, en cas de besoin, mettra à
disposition des quantités de liquidité illimitées
(c’est-à-dire, la monnaie de base, ici le papier-monnaie)
nécessaires au maintien de l’édifice crée par l’expansion
des dépôts bancaires. En effet, la BC est condition sine qua non pour maintenir le
système à flots.
Il a
été fait mention que les banques commerciales ne sont pas les
seules à bénéficier de l’essor des réserves
fractionnaires sous un étalon papier. En fait, un État
dépensier a tout intérêt à instaurer un
étalon papier, autoriser les réserves fractionnaires, et
créer une BC pour réguler le tout. Le problème de la « générosité »
étatique est son mode de financement. Si celui-ci est fondé sur
l’imposition présente de la population, le coût de la
prodigalité étatique, même si elle cherche sa
légitimité par la production de biens publics, est
évident et impopulaire. Un financement fondé sur
l’endettement, par contre, permet à l’État
dépensier de rendre le coût relativement indolore
puisqu’elle se traduira seulement à terme par une augmentation
du niveau des impôts. L’endettement public permet, en effet,
à l’État de maintenir inchangé le niveau de
taxation actuel et donc la production de biens et services privés,
tout en fournissant de plus en plus de biens et services publics à la
population. Ainsi, une sorte de faux équilibre est trouvé entre
incitation à la production et offre de biens publics. Cette dette, et
ses intérêts, devront néanmoins être payés dans
le futur. La rhétorique de l’État balaye « ce détail »
en arguant que la croissance future, améliorée par
l’investissement étatique, permettra de lever des recettes
fiscales accrues sans avoir nécessairement à augmenter les taux
de prélèvement.
On aimerait y
croire mais cette description laisse de côté le fait que l’expansion des
dépôts et de la base monétaire est beaucoup plus rapide que
l’expansion de la structure productive d’un pays. Quand le taux
de croissance de l’endettement public dépasse le taux de
croissance de l’économie et donc le taux de croissance des
recettes fiscales, il devient alors impossible d’augmenter ce dernier
sans augmenter le taux de prélèvement fiscal dans le
présent.
Sous un
étalon or à réserves fractionnaires, le taux de
croissance de la dette publique dépasse trop rapidement le taux de
croissance de l’économie réelle pour être
acceptable. En outre, la limite naturelle des réserves d’or
empêche une extension excessive du crédit. C’est seulement
sous un étalon papier avec BC que l’augmentation des
dépenses publiques devient possible, surtout si la détention de
titres de dette publique par les banques leur permet d’obtenir des
liquidités de la BC. Dans ce cas, les banques
n’hésiteront pas à prêter à l’État,
même à perte, car tant qu’elles peuvent trouver des
liquidités pour maintenir leur expansion des crédits (et donc
des dépôts) au secteur privé, plus rentable, elles ne
verront pas de problème à l’existence d’un écart
entre taux de croissance de la dette publique et taux de croissance de
l’économie.
On peut ainsi
comprendre pourquoi l’État ne se finance pas directement
auprès de la BC. Car si tel était le cas, le financement
passerait par la création de monnaie de base et les tensions
inflationnistes se feraient rapidement sentir. Le passage obligé par
les banques permet donc d’avoir accès à une manne
beaucoup plus importante de financement : l’expansion du
crédit bancaire.
Le
schéma ci-dessus implique un endettement vertigineux, en grande partie
à cause de l’accumulation des intérêts. Cependant, cela
ne peut faire peur qu’à ceux qui ont un intérêt
inhérent à la gestion équilibrée de leur
patrimoine. Ce n’est certainement pas le cas de l’État
dont le patrimoine n’appartient à personne en termes pratiques. L’objectif
d’un groupe politique est avant tout de se maintenir au pouvoir, que ce
soit dans une démocratie ou dans une autocratie. Il en est rarement
autrement. Il devient alors clair
que le gouvernement d’aujourd’hui n’a aucun
intérêt à penser à la santé
financière du gouvernement de demain. Surtout, si les détresses
financières du gouvernement de demain peuvent servir à la
victoire de l’opposition de demain.
En conclusion.
Sous un étalon or sans BC,
le schéma de surendettement décrit ici est institutionnellement improbable, indépendamment des
groupes politiques au pouvoir. Sous un étalon papier avec BC, l’émergence ou
non du schéma décrit ici dépend entièrement des
volontés politiques du moment.
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