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Si une tempête tropicale devait
s’approcher du Royaume-Uni, les météorologues la baptiseraient sûrement «
Nigel ». En effet, Nigel Farage et son parti l’UKIP (UK Independence Party)
risquent fort de tout détruire sur son passage aux prochaines élections
britanniques, qui se tiendront le 7 mai 2015. Les sondages créditent l’outsider
de près de 25 % des voix, ce qui pourrait lui fournir plus de 100 sièges au
parlement. Une révolution dans un pays qui n’a plus connu l’émergence d’un
nouveau parti depuis l’arrivée des travaillistes. Face à ces sondages
mirobolants, Nigel Farage tente de modérer l’espérance de ses supporters et
ne prétend viser que 25 sièges. Mais la nervosité règne dans le camp
conservateur et les premières défections apparaissent.
Dans quelques jours, Mark Reckless
deviendra probablement le second élu de l’UKIP à la Chambre des communes. Cet
élu de Rochester s’était présenté en 2010 sous les couleurs du Parti
conservateur, mais déçu par la politique européenne de Cameron, il a rejoint
l’UKIP ce 27 septembre. Il a donc démissionné de son poste de député et remis
son mandat en jeu auprès de ses électeurs. Annoncée lors de la conférence
annuelle des Tory, cette défection ébranle l’appareil du parti. M. Reckless
n’était pas un élu particulièrement visible, mais son départ suivait de peu
celui de Douglass Carswell qui a rejoint l’UKIP en août dernier. Celui-ci est
depuis retourné devant ses électeurs le 10 octobre et est devenu le tout
premier élu national de l’UKIP.
Préparé dans le plus grand secret, ce
doublé gagnant pour Nigel Farage a immédiatement alimenté des rumeurs
d’autres défections possibles. Tous les regards se sont portés sur Daniel
Hannan et Boris Johnson. Le premier, chef de file du Parti conservateur au
Parlement européen, a rappelé la promesse faite par le Premier ministre
d’organiser un référendum sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union
européenne. Ce serait une « tragédie » de se diviser maintenant et de rater
cette occasion. Quant à Boris Johnson, le charismatique et fantasque maire de
Londres, il a également confirmé son soutien aux Tory, n’hésitant pas à
comparer les transfuges « à des gens qui ont des relations sexuelles avec
leur aspirateur. »
Si la presse présente régulièrement
l’UKIP comme un parti populiste d’extrême-droite, ce portrait est
passablement injuste. Dans sa constitution, il se décrit comme un « parti
libertarien et démocratique ». Il réaffirme son attachement aux libertés
traditionnelles du Royaume-Uni et récuse toute forme de discrimination. Son
récent refus de s’allier avec le Front national au Parlement européen prouve combien
son approche est différente du nationalisme continental. S’il passe pour un
parti anti-immigration, c’est parce que son discours est relativement dur par
rapport aux normes britanniques. Mais comparé aux normes françaises, il
apparaîtrait probablement plus ouvert que celui de l’UMP. Ainsi, lors de son
transfert, le député Carswell a déclaré avec emphase qu’il n’avait « rien
contre l’immigration » et que la Grande-Bretagne « devrait souhaiter la
bienvenue à tous ceux qui veulent venir ici pour travailler. Il n’y aurait
pas un hôpital, pas un cabinet médical, pas un supermarché dans ce pays qui
pourrait fonctionner sans leur compétence et leur motivation. »
Néanmoins, l’UKIP est bien un parti
anti-système qui remet en cause le duopole des conservateurs et des
travaillistes. Tant qu’il s’agissait de gagner les élections européennes, son
influence restait limitée dans le pays. Mais une percée au niveau national
mettra en cause la stabilité même du régime. D’autant plus qu’un autre
trouble-fête apparaît. Le Scottish National Party capitalise sur le
référendum et pourrait augmenter significativement sa présence au parlement.
Les Lib-dems, quant à eux, souffrent d’une désaffectation majeure dans
l’opinion publique, mais un fort ancrage local devrait leur permettre de
limiter la casse. Il y a fort à parier que le prochain parlement sera
dépourvu d’une majorité évidente.
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