La semaine dernière, nous avons vu comment l’offre d’argent pourrait être fortement mise à mal si les Indiens poursuivaient leur rotation de l’or vers l’argent. Cette semaine, nous allons continuer de nous pencher sur l’offre, mais cette fois de l’or.
Le facteur inquiétant à propos de la crise de l’offre d’or qui arrive est qu’elle n’a pas besoin d’une force extérieure pour se produire. Elle est inscrite dans le marbre. Je déteste utiliser le mot « garanti », mais peu importe les développements du secteur à venir, la production d’or est en berne et peu de choses peuvent être faites pour renverser la tendance.
La première raison pour laquelle l’offre d’or tombera est que la production des mines est mûre pour une baisse. Les sociétés minières ne peuvent aisément ou rapidement augmenter la production même si le cours de l’or bondit, comme nous allons le voir. C’est quelque chose que je maîtrise assez bien, vu que j’ai travaillé dans le secteur minier en tant qu’analyste pendant un bon nombre d’années.
Si vous réduisez vos dépenses pour chercher de l’or, quelles sont les conséquences à votre avis ?
Les graphiques suivants dressent un tableau clair de ce qui s’est passé dans le secteur minier de l’or.
Lorsque le cours de l’or grimpait, les producteurs ont dépensé beaucoup d’argent pour l’exploration. Mais lorsque le cours s’est effondré, devinez quel poste a vu son budget baisser ? L’exploration fut l’un de ceux qui fut le plus réduit, car il s’agit d’une méthode simple pour abaisser rapidement les coûts lorsque vous gagnez moins d’argent.
Depuis 2012, les sommes dépensées pour l’exploration et la recherche d’or ont baissé de 2/3. Il s’agit d’une baisse incroyable. Car évidemment, si vous dépensez moins de temps et d’argent pour trouver de l’or… vous en trouverez moins.
Voici la preuve. Même avant le massacre du cours de l’or, voyez la tendance des découvertes de gisements d’or durant la décennie précédente.
C’est incroyable, mais le nombre d’onces d’or découvertes pour les marchés par l’industrie minière a plongé de 85 % en seulement 10 ans.
Mais c’est encore pire que cela. Non seulement de nombreux producteurs ont baissé leur budget d’exploration, mais ils ont aussi dépensé moins pour le développement de nouveaux projets. En bref, cela signifie qu’ils n’ont pas construit l’infrastructure nécessaire pour produire plus de minerai, que ce soit sur des projets existants ou à venir. Même si le cours de l’or devait exploser demain, il leur faudra des années pour augmenter la production et être capable d’offrir davantage de métal au marché.
En raison de tout ceci, ainsi qu’un cours de l’or assez bas, la quantité de métal dont la production est rentable a chuté. Le mot « réserve » a des critères légaux bien définis, mais inutile de préciser qu’il se réfère à du minerai dont tout porte à croire qu’il contient la quantité d’or… estimée par la société qui possède ces réserves.
Soit, voyons ce qui s’est passé avec les réserves depuis 2011 :
Les quantités d’onces qui peuvent être extraites à travers le monde ont chuté de plus d’un tiers depuis 2011. Clairement, dépenser moins d’argent pour trouver de l’or mène à une baisse de la production.
Cette tendance est également due en partie à ce qu’on appelle le « high grading »… la plupart des dépôts ont des filons qui possèdent une densité plus ou moins importante d’or. Habituellement, les gestionnaires mélangent les minerais afin d’obtenir un rendement à la tonne constant. Mais lorsque le cours de l’or a chuté comme une pierre d’une falaise, que pensez-vous que les gestionnaires ont fait ? Ils furent nombreux à exploiter les filons les plus riches des dépôts. Cela leur a permis de rester profitables malgré des prix en berne. La conséquence de cette pratique fut également d’épuiser plus rapidement les réserves, mais aussi de laisser sur le carreau les filons les moins riches en or, dont beaucoup sont devenus non rentables. Mélangés à des filons riches, ils étaient exploitables, mais maintenant que ces filons ont été épuisés, il ne sera pas intéressant de les exploiter. Une grande quantité de ce minerai ne sera pas rentable même à des prix plus élevés. Et même si c’était le cas, les sociétés minières seront très réticentes à l’idée d’investir pour récupérer du « low grade ».
On ne peut tout simplement pas échapper au fait que…
La production minière est en train d’atteindre un pic
Les chiffres définitifs pour 2016 ne sont pas encore sortis, mais la plupart des analystes s’accordent à dire que la production 2016 sera inférieure à celle de 2015. Si cette baisse devait se confirmer, le début de la baisse de la production d’or des mines aura démarré.
En admettant que ce ne soit pas le cas, il est virtuellement inévitable pour que cela démarre bientôt, comme le montrent les graphiques ci-dessus.
Tous les rapports des analystes que j’ai lus sur le sujet anticipent une baisse de la production d’or des mines dans les années à venir. Le moment auquel cela se produira est le seul point de désaccord. Ils mettent tous en exergue que les sous-investissements du secteur auront des conséquences durables.
Combien de temps cette pénurie durera ? Crédit Suisse estime que même si le cours de l’or rebondit, l’offre en 2022 sera, au mieux, inférieure de 4 % par rapport à 2015. BMO Capital Markets pense que l’offre des mines continuera de baisser au moins jusqu’en 2025. (…)
- Voici un point intéressant à éclaircir : des cours de l’or plus élevés ne mettront-ils pas un terme à ces problèmes ? Non, pour plusieurs raisons :
- Il faut des années pour lancer un projet de production. Même les projets sur une voie de garage ne peuvent reprendre la production rapidement. Il faut du temps et de l’argent, ainsi qu’une main-d’œuvre conséquente, pour augmenter l’exploration, trouver des dépôts rentables, les développer et démarrer la production commerciale.
- Les dirigeants seront très hésitants à accroître significativement l’exploration et les coûts de développement. Pour ce faire, il faudra que le cours de l’or soit significativement plus élevé, et que cette hausse soit durable. Ils se sont brûlés durant ces dernières années, si bien qu’ils ne seront pas enclins à ouvrir le robinet jusqu’à ce que le cours de l’or soit plus élevé, et susceptible de le rester.
- Même à un prix moyen de l’or à 1300 $ l’once, l’offre continuera de baisser. Chaque analyste propose en guise de coût moyen pour produire une once d’or un chiffre différent, mais les plus réputés parlent de 1200 $ l’once (ce chiffre inclut l’ensemble des coûts opérationnels des mines, il est donc plus élevé que les chiffres cités dans les rapports des sociétés minières). Quand on voit le cours actuel de l’or, quel profit pensez-vous que les sociétés minières dégagent ? Si la plupart des mines ne peuvent générer de profits lorsque l’or est au-dessus de 1200 $ l’once, combien pensez-vous qu’elles dépensent pour le développement de nouveaux projets et l’exploration ? Le secteur ne sera pas au point mort, mais on ne risque pas d’assister à une croissance digne de ce nom aux cours actuels.
- Ceci est également vrai pour le recyclage. En général, cette source de l’offre a besoin de cours élevés pour encourager les recycleurs à travailler au maximum de leurs capacités. De nouveau, le secteur du recyclage de l’or ne mourra pas, mais il ne se développera pas sans un cours de l’or significativement plus élevé.
Le seul scénario qui pourrait renverser cette tendance est celui d’un monde qui atteindrait une véritable croissance économique et la stabilité. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je ne retiens pas ma respiration dans l’attente d’une telle éventualité. La dette mondiale, les problèmes des devises et de la fiscalité doivent être d’abord résolus. Difficile de voir comment cela pourrait être le cas sans une crise majeure (ou plutôt des crises, comme c’est plus probable).
Tout ceci nous mène donc à une conclusion inévitable :
Dites bonjour à la crise de l’offre
La baisse de l’offre minière est un facteur important, car il s’agit, et de loin, de la source la plus importante de métal frais arrivant sur le marché. Donc, si votre source numéro 1 baisse abruptement, et que l’on s’attend à ce qu’elle reste réduite pendant des années, cela aura évidemment des implications sur le métal disponible.
Et je ne pense pas que les arguments à propos de la quantité totale d’or disponible en surface changent quoi que ce soit. Oui, il y a une grande quantité d’or disponible en surface, oui la majorité de l’or produit durant l’histoire de l’humanité existe toujours, et il est aussi vrai que l’offre croît d’environ 1,5 % par an.
Mais lorsqu’il s’agit, pour vous et moi, d’acheter une pièce d’or, ces faits n’ont pas beaucoup d’importance. La majorité de cet « or à la surface » n’est simplement pas disponible.
- Va-t-on démonter la chapelle Sixtine afin de pouvoir recycler son or en pièces ?
- Va-t-on réduire le nombre d’ordinateurs et de téléphones que l’on fabrique ?
- Va-t-on déterrer les cadavres des défunts qui avaient des dents en or ?
Rappelez-vous, les pièces et les lingots pour les investisseurs (cela exclut les achats des banques centrales et les bijoux en or en Inde) sont fabriqués avec environ 15 % seulement d’or « existant à la surface ». Le reste provient de la production minière, soit la grande majorité.
Et ne pensez pas que vous pourrez simplement acheter des lingots et des pièces produits auparavant. En toute logique, ils ne seront pas disponibles. Si les cours de l’or grimpent, les investisseurs ne vendront pas, ils achèteront. Cela réduira encore plus l’or d’investissement disponible.
Quel sera l’impact de cette crise de l’offre de l’or ?
L’offre d’or étant mûre pour décliner durant de nombreuses années, il y aura des conséquences. Bonnes ou mauvaises, cela dépend de si vous possédez déjà de l’or ou si vous souhaitez en acheter.
1. Le cours de l’or sera dopé rien que par ce fait, peu importe ce qui se passe à ce moment. En conjonction avec une crise financière, cette crise de l’offre aurait les conséquences que vous pouvez imaginer.
2. Les pièces et les lingots d’or seront de plus en plus difficiles à trouver, et de plus en plus chers. Les primes seront sans conteste plus élevées, les délais de livraison allongés tandis que le rationnement n’est pas à exclure.
3. Vendre son or durant une crise de l’offre permettra aux acheteurs de la première heure de maximiser leurs profits. Nous obtiendrons un magnifique prix de revente, nous récupérerons une grande partie de la prime que nous avons payée tandis que les acheteurs se bousculeront au portillon.
Vendre durant une ruée ? C’est la seule chose dans la vie qui me donne la chair de poule. Il est clair que si la crise de l’offre se matérialise telle que prédite par les analystes, vous serez récompensés si vous êtes déjà positionné ou vous aurez de gros regrets si vous ne l’avez pas fait. (…)
Article de Jeff Clark, publié le 20 janvier 2017 sur GoldSilver.com