Après des années d’achats dispendieux, la banque du Japon a déclaré ce 4 décembre qu’elles possédaient pour 521,6 trillions de yens d’actifs en date du 30 novembre 2017. Dans son portefeuille, il y a des obligations japonaises, de l’or, des obligations d’entreprise, des parts de sociétés d’investissement immobilier cotées, des ETF actions, du crédit, etc. Un bien beau portefeuille : il s’élève à 96 % du PIB japonais.
En termes de ratio, le bilan de la FED, avec ses 23 % du PIB américain, fait pâle figure à côté de celui de sa consœur japonaise. Quand on parle de QE, personne n’arrive à la cheville du Japon. Rien qu’en obligations japonaises, son portefeuille s’élève à 443,6 trillions de yens. Son bilan ressemble typiquement à un bilan post-crise financière… sous stéroïdes :
Il y a néanmoins quelques différences entre la BoJ et les autres banques centrales : tout d’abord, la Banque centrale du Japon s’est lancée dans des assouplissements quantitatifs bien avant que l’on mette un nom sur cette politique. Ce n’est cependant qu’en 2013 qu’elle est passée à la vitesse supérieure, ses injections monétaires massives du passé devenant subitement modestes en comparaison. En 2005, la BoJ avait déjà tenté de réduire la taille de son bilan pour rapidement abandonner.
Mais aujourd’hui, il y a du nouveau : depuis décembre 2016, c’est-à-dire lorsque la Federal Reserve a commencé à relever son taux et quelques mois après que quelques Gouverneurs de la FED aient commencé à évoquer publiquement la possibilité de réduire la taille du bilan de leur institution, la BoJ a commencé à freiner ses ardeurs.
La taille de son bilan poursuit sa hausse, mais à un rythme moins soutenu. Au pic d’intensité de son QE, soit durant l’année 2016, la banque a ajouté pour 93,4 trillions de yens d’actifs à son bilan. Dans les 12 mois précédant le 30 novembre 2017, elle n’a ajouté « que » 50,8 trillions. Cela reste énorme, mais c’est presque la moitié par rapport à l’année précédente.
Le graphique ci-dessous montre la valeur des actifs ajoutés au bilan de la BoJ sur base des 12 derniers mois depuis la crise financière :
En termes de pourcentage, la baisse d’ardeur de la Banque centrale japonaise est encore plus claire. Au début 2014, elle faisait exploser son bilan de 47 %. En novembre 2017, cette augmentation sur base annuelle est de seulement 10,8 %.
La BoJ a utilisé l’outil du QE en tant que prétexte politiquement correct pour garder le contrôle de la dette publique japonaise en siphonnant le marché de ses obligations japonaises, ce qui a étranglé ce marché et donc empêché une crise similaire à celle qu’a connu la Grèce.
À vrai dire, elle n’avait pas vraiment le choix : fin 2016, la dette japonaise s’élevait à 250 % du PIB, soit le ratio le plus élevé du monde, et de loin. À titre de comparaison, le ratio américain vient d’atteindre les 105 %. Entre l’énorme portefeuille de la BoJ et les obligations détenues par des institutions publiques comme la caisse des retraites du gouvernement, les autorités japonaises contrôlent la majorité de la dette nationale.
Il semble que la BoJ estime que c’est suffisant. Elle a donc ralenti la cadence de ses achats.
La FED prend les initiatives et les autres banques centrales suivent. Mais cette règle ne s’applique pas à la BoJ, qui est seule sur son île. Vu la dette avec laquelle elle doit composer, c’est un cas à part. Néanmoins, pour la réduction de ses achats elle a suivi la FED qui a décidé de ne plus être accommodante.
De même, la BCE a réduit ses achats en avril 2017, de 80 milliards d’euros à 60 milliards d’euros. Le 26 octobre, elle a décidé de réduire ses achats à 30 milliards d’euros. Mais contrairement à la BoJ, la BCE communique ses décisions via des communiqués et des conférences de presse relayés par tous les médias, et seulement après avoir préparé les marchés à ces annonces.
En conclusion, l’open-bar des QE qui a plongé les marchés mondiaux dans l’ivresse a de moins en moins de bouteilles, bientôt ce sera la panne sèche. Viendra alors le moment de la gueule de bois.
Source : WolfStreet.com