Malgré l’intense ralentissement
économique global qui a commencé en 2008, l’économie de la Chine semble être
restée intacte. Ayant défié l’effondrement mondial de l’immobilier, le PIB du
pays a gagné 8,7% en 2009. Après avoir établi un plan de relance initial de
586 milliards de dollars, la Chine a finalement injecté 20 trillions de
dollars additionnels dans une bulle sur les actifs immobilisés afin de
parvenir aux objectifs de croissance du PIB établis par le gouvernement.
Inspiré peut-être par le film Jusqu’au
bout du rêve, le gouvernement chinois a cru en le vieil adage « construisez,
et ils viendront ». Au cours des six années qui ont suivi, la Chine a
construit des villes fantômes à la pelle. Ces nouveaux bâtiments demeurent
aujourd’hui largement inoccupés. On estime à 52 millions les logements
vacants, et 90% de ces unités vides ont été achetées à des fins d’investissement
uniquement.
Les nouveaux appartements ont
été achetés par des investisseurs des classes moyenne et supérieure, pour
rester vides après que leurs propriétaires ont manqué de trouver des
locataires capables de payer les loyers demandés.
Les investisseurs se sont
accablés de lourds prêts immobiliers et de propriétés foncières dont la
valeur a commencé à plonger à mesure que se tarissaient les prêts du système
bancaire parallèle. En conséquence, les autorités chinoises ont cherché à
créer une autre bulle, sur une classe qu’elles pouvaient plus facilement
manipuler. Si le citoyen moyen n’était plus en mesure de s’acheter de
propriété, pourquoi ne pas créer un effet de richesse en générant un marché
haussier perpétuel sur les actions ?
Substituant les comptes de
courtage sur capital modeste aux villes fantômes, les prêteurs chinois ont
établi des comptes de marge avec la même ferveur que les prêteurs américains
de prêts hypothécaires à risque en 2006. En plus des comptes de courtage
conventionnels, 40 prêteurs en ligne ont établi plus de 7 milliards de yuans
de prêts destinés à des investissements sur le marché boursier au cours des cinq
premiers mois de 2015. Les volumes de ces prêts ont gonflé de 44% entre le
mois d’avril et le mois de mai.
Le problème de financement sur
marge de la Chine a rapidement atteint des proportions désastreuses. Les
opérations sur marge ont été multipliées
par trente sur le marché de Shanghai au cours de ces trois dernières
années. La dette de marge a gonflé de 123% sur un an, pour atteindre un
nouveau record de 2,3 trillions de yuans (370 milliards de dollars) le 18
juin dernier.
En revanche, certains analystes
pensent que les sommes empruntées par les investisseurs chinois sont plus
importantes encore. L’étendue des financements sur marge du système bancaire
parallèle, qui inclut les fonds ombrelle et les prêts garantis par des
actions, pourraient facilement représenter en Chine continentale deux ou
trois fois les financements de marge conventionnels effectués par l’intermédiaire
de courtiers.
Contrairement aux autres marchés
boursiers majeurs, qui sont dominés par des professionnels de la gestion
monétaire, les investisseurs particuliers représentent 85% du négoce chinois.
Pendant une brève période, cette
solution a permis de faire face comme par magie à l’éclatement de la bulle
sur l’immobilier. Le Shanghai Composite a commencé l’année 2015 à 3.234
points pour atteindre 5.023 points le 4 juin – une hausse de 150% sur douze
mois – avant de décliner jusqu’à 3.800 points aujourd’hui.
Mais le marché est encore loin d’être
négocié à escompte. Malgré le récent carnage, les actions de Shanghai se
négocient à 57 fois les bénéfices. C’est bien moins que le ratio
cours/bénéfice de plus de 100 enregistré au mois de juin, mais toutefois
trois fois plus que le ratio cours/bénéfice du S&P 500.
Le régime totalitaire établit
tous les jours de nouvelles modifications dans une tentative désespérée de
limiter l’effondrement. Mais la baisse des taux d’intérêt de la Banque
populaire de Chine, la réduction du ratio de réserves obligatoires et l’assouplissement
des règles de négoce ne sont jusqu’à présent pas parvenus à calmer les
investisseurs.
Les sociétés de courtage et
gestionnaires de fonds se sont engagés à acheter de grosses quantités d’actions
grâce à une ligne de liquidité directe fournie par la Banque populaire de
Chine, qui monétise directement les prêts titrisés de China Securities
Finance Corporation (une société de financement sur marge soutenue par l’Etat
chinois).
Le pays tente également de
pousser les dirigeants de sociétés à racheter leurs propres actions. Mais au
vu des pratiques comptables douteuses de la Chine et des prix des actions aujourd’hui
complètement détachés de leurs bases fondamentales, mieux vaudrait demander à
Jim Jones de boire son propre Kool-Aid. La Chine a également promis de mener
l’enquête sur les positions à découvert « malintentionnées » (en d’autres
termes, elle a mis fin aux ventes à découvert au travers de menaces de séjour
dans les prisons de son gouvernement communiste) et interdit les ventes d’actions
par tout actionnaire qui détiendrait plus de 5% d’intérêts dans une compagnie.
Pire encore, plus de 50% des
actions sur la bourse principale de Shanghai sont désormais en arrêt de
négociation. Imaginez où en serait le marché boursier chinois si elles étaient
échangées librement. Si tant est que nous puissions encore parler de « marché
boursier ». Peut-être le gouvernement chinois sera-t-il en mesure d’empêcher
les actions de plonger davantage, mais il ne pourra rien faire pour éviter l’effondrement
ultime de son économie fictive.
La situation fâcheuse dans
laquelle se trouve aujourd’hui la Chine est bien pire que l’effondrement
boursier qui a frappé les Etats-Unis en 1929 et la bulle économique japonaise
de 1989. Malgré ce que nous disent les aboyeurs de carnaval de Wall Street, l’économie
chinoise souffre aujourd’hui de l’évaporation de l’effet de richesse. Les
nouveaux millionnaires chinois, étayés par leur nouveau capital boursier, ont
alimenté l’économie de consommation qui était censée remplacer un modèle de
croissance basé sur les exportations.
Mais après une débâcle boursière
qui a vu disparaître environ 3,2 trillions de dollars de valeur perçue, les
ventes automobiles ont perdu 3,2% sur un mois en juin. Il s’agit là du premier
déclin enregistré par le secteur en plus de deux ans, qui réfute l’idée que l’économie
chinoise continue de croître au taux bidon de 7% annoncé par le gouvernement.
Autrefois chouchou de l’utopie
keynésienne, la Chine florissante a attiré ceux qui pensaient que le pouvoir
de commandement et de contrôle d’une économie était de loin plus efficace que
celui du marché libre.
Alors que le régime économique
communiste commence à se défaire, la bulle sur la théorie selon laquelle un
petit groupe de planificateurs centraux est capable de prendre de meilleures
décisions que plusieurs millions de personnes agissant de leur propre gré et
dans leurs propres intérêts devrait elle-aussi éclater. Et il y a de fortes
chances que la bulle sur la confiance en la capacité des banques centrales à
sauver tous les marchés possibles n’en sorte pas non plus intacte.
Les Chinois sont des communistes
qui se font passer pour des capitalistes. Ils n’ont aucune idée de ce qu’est
un marché libre. Ils ont établi une bulle artificielle sur les actions, en
équilibre sur la bulle sur l’immobilier. Et les voilà qui s’acharnent à les
faire toutes deux flotter à perpétuité.
N’allez pas croire que la Chine
soit la seule à dédaigner les marchés et à chercher à établir une façade de
prospérité à tout prix. Les gouvernements et les banques centrales du Japon
et des Etats-Unis ont eux-aussi éviscéré le mécanisme de découverte des prix.
Ce qui nous reste aujourd’hui n’est que des bulles sur les actifs qui
flottent au-dessus d’économie synthétiques, et qui sont parvenues à établir
une confiance universelle en la capacité des gouvernements à emprunter et à
imprimer leur chemin vers une prospérité perpétuelle.
Ces banques centrales Potemkine
ne seront jamais capables que d’ériger des économies creuses sur de la
monnaie contrefaite. Il vous faut donc établir une stratégie qui vous
permettra de profiter du destin inévitable de ces économies, qui sera une
inflation hors-de-contrôle et une dépression prolongée… qui durera jusqu’à ce
que les gouvernements embrassent à nouveau le pouvoir du marché libre.