La
création d'une Banque publique d'investissement (BPI) est
censée répondre aux difficultés que rencontrent les
entreprises françaises pour trouver des financements. Le souci est
légitime, mais l’ironie de la situation, est que ces
difficultés sont essentiellement créées et
amplifiées par… l’État.
Le
dernier exemple nous est donné par le projet de loi de finances 2013,
qui va durablement dissuader les investisseurs d'investir leur argent en
France en alourdissant la fiscalité sur les revenus du capital. Les
entreprises ont effectivement besoin de capitaux pour se développer, et
il s’agit avec cette loi de taxer précisément le
carburant de l'activité économique.
La
mécanique de la taxe est pourtant simple. Quand on taxe les cigarettes, c'est pour que les gens fument moins. Quand
on taxe l'investissement, même si l’objectif déclaré
n’est pas de réduire l’investissement, le résultat
est implacable : les gens investissent moins. Et il faut ensuite
déployer des trésors de créativité
législative pour essayer d’enrayer les effets néfastes de
la créativité précédente.
Ainsi
est née la BPI.
Pour
commencer, pourquoi publique ? Si c'est pour faire le travail que font les
banques privées, pourquoi alourdir les dépenses de
l’État ? Et s'il s'agit de financer les « canards
boiteux », c'est alors
confondre investissement et charité.
De
plus, l’État a malheureusement presque toujours
démontré son inaptitude stratégique et gestionnaire. Les
exemples les plus éloquents étant l’affaire du Crédit
Lyonnais et de ses 130 milliards de Francs de pertes, et les 31 milliards
d'Euros de pertes de Dexia, dont la moitié furent à la charge
des contribuables, et que trois interventions successives de l’État
n'ont pas suffi à sauver. Les chiffres plus récents ne sont
guère plus encourageants : Si l'on se réfère au
dernier bilan de l’État actionnaire, entre l'été
2011 et l'été 2012, la valeur des sociétés
cotées détenues par l’État a reculé de près
de 13%. Durant la même période, les entreprises du CAC 40
progressaient de + 5%. Soit un différentiel de près de 18%.
Quant aux participations supérieures à 1% que
l’État détient dans une cinquantaine de groupes non
cotés, les dividendes sont en recul de 2 milliards d'Euros, passant de
7,9 à 5,8 milliards d'Euros.
Politique et
investissement
Il
est par ailleurs douteux d'imaginer les Présidents de régions
intervenir dans 90% des choix des entreprises à soutenir, tel que le
prévoient les statuts de la BPI.
Le
métier de banquier, c'est l'appréciation du risque, pas
l'appréciation politique inspirée par le clientélisme
local.
De
plus, il est prévu que la BPI puisse être à la fois
actionnaire et prêteuse, et l'histoire financière récente
a démontré combien ce mélange des genres était
dangereux pour une banque.
Les
entreprises n'attendent d'ailleurs pas de voir l’État
intégrer leur capital. Elles estiment pour la plupart que le
Gouvernement ne les aide pas de la bonne manière. Nombre d’entre
elles souhaiteraient en réalité renforcer leurs fonds propres
par elles-mêmes, ce qui passe par une amélioration de leurs
marges, rendue impossible par le poids de la fiscalité
française.
Enfin,
il est bien sûr à souhaiter que les initiatives entrepreneuriales
se multiplient. Mais il faut accepter que les ressources ne sont pas
illimitées et qu’il est nécessaire de choisir entre de
très nombreux projets pas tous aussi prometteurs. C'est là tout
le métier du banquier que d'évaluer la pertinence de telle ou
telle idée sur le marché. Les bonnes intentions d'une banque
publique ne suffisent pas à déclencher des succès
économiques et risquent au contraire de se solder par de cuisants
échecs qui alourdiront la dépense publique, pèseront inévitablement
sur l'activité, donc sur la compétitivité.
Le
retour à une croissance forte passera par une fiscalité qui
incite l’investissement au lieu de le dissuader, par
l’acceptation des choix stratégiques des agents
économiques, et par la transparence et la sobriété de
l’utilisation de l’argent public.
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