La base de la confusion monétaire

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Published : October 31st, 2016
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Category : Today's Editorial

Les débats relatifs à la stabilité ou l’instabilité de la monnaie dégénèrent souvent pour devenir une dispute à la « nous contre eux », avec d’un côté les avocats d’une monnaie instable qui qualifient les défenseurs d’une monnaie stable de libertaires vieux-jeu et irréalistes.

Défendre un camp ou l’autre à la manière de supporters d’équipes de foot ne fait rien pour établir un débat constructif, qui doit être abordé avec un esprit ouvert.

C’est quelque chose qui est désormais devenu crucial, parce que les politiques monétaires conventionnelles et non-conventionnelles ont échoué à parvenir à leurs objectifs. Il est donc temps d’observer le problème sous un autre angle. C’est l’objectif de cet article, qui reviendra sur les implications du paradoxe de Gibson, sur sa récente résolution, et sur son apparente disparition depuis les années Volcker.

Introduction

Le paradoxe de Gibson établit une corrélation entre le coût d’emprunt au gros et le niveau de prix au détail, et une absence de toute corrélation entre le coût d’emprunt au gros et le taux d’inflation des prix. Il a été évident au Royaume-Uni pendant environ deux-cent ans, et son histoire est peut-être plus longue encore. Il est une réalité contre laquelle il est impossible d’argumenter. Vous pourrez le voir dans les deux graphiques suivants. Le premier montre la corrélation entre le coût d’emprunt au gros et le niveau de prix au détail :

24hGold - La base de la confus...

Le deuxième montre quant à lui l’absence de corrélation entre le coût d’emprunt au gros et le taux d’inflation des prix. Elle n’est pas discutable, et elle est importante, parce que les politiques monétaires d’aujourd’hui sont mises en place dans l’idée que cette corrélation existe :

24hGold - La base de la confus...

La base même des politiques monétaires est donc erronée, peu importe ce qu’en disent les macro-économistes. Mais revenons-en à la corrélation entre le coût d’emprunt et le niveau de prix. Au Royaume-Uni, elle a été visible jusqu’en 1970, comme le montre ce troisième graphique :

24hGold - La base de la confus...

Mais à compter du milieu des années 1970, cette relation a pris fin, comme vous pourrez le voir ci-dessous :

24hGold - La base de la confus...

Aux Etats-Unis, la corrélation entre le niveau de prix et les taux d’intérêt s’est prolongée jusqu’à la fin des années 1970 :

24hGold - La base de la confus...

Avant de prendre fin et de ne plus réapparaître jusqu’à aujourd’hui :

24hGold - La base de la confus...

Que s’est-il donc passé ? En clair, le paradoxe de Gibson a été valable jusqu’au milieu des années 1970 au Royaume-Uni, et jusqu’en 1980-81 aux Etats-Unis. C’est une réalité qui est acceptée par les historiens économiques ainsi que par Fisher, Keynes et Friedman. La différence entre la période d’avant et la période d’après les années 1970 est que la Banque d’Angleterre a porté ses taux d’intérêt jusqu’à des niveaux record en 1974, ce qui, en parallèle à la seconde crise bancaire, a écrasé la demande commerciale en monnaie. Aux Etats-Unis, la Fed de Paul Volcker a fait grimper les taux d’intérêt en 1980-81 afin de mettre fin à l’inflation des prix, une politique qui a aussi supprimé la demande commerciale en crédit. A cette date, le marché libre du crédit commercial a été détruit par des taux d’intérêt nominaux extrêmement élevés, et par la prise de contrôle des banques centrales sur les prix des prêts industriels.

La résolution du paradoxe de Gibson, qui a jusqu’alors beaucoup déconcerté les économistes, a été très simple. Sur un marché libre, les taux d’intérêt ne sont pas déterminés par des épargnants avares, comme le pensaient Fisher, Keynes et Friedman, mais par la demande du capital d’investissement des entrepreneurs et des hommes d’affaires. Les intérêts qu’ils pouvaient se permettre de verser étaient déterminés par les prix qu’ils pouvaient obtenir pour leurs produits, d’où la corrélation entre le coût d’emprunt et les prix au gros.

L’erreur commise auparavant par les économistes qui ont tenté d’expliquer le paradoxe était leur inconsistance avec la théorie subjective des prix, selon laquelle les prix sont déterminés par les acheteurs. En empruntant du capital, les entrepreneurs louent de la monnaie aux épargnants ; ils sont donc les acheteurs, et les épargnants les vendeurs. Ce loyer, qui prend la forme d’intérêts versés par les entrepreneurs, doit être lié aux profits que les entrepreneurs pensent pouvoir enregistrer en empruntant leur argent à des épargnants. C’est pourquoi les taux d’intérêt négatifs n’ont aucun sens. Ils s’opposent à la théorie des prix et reviennent à déclarer que l’usage de monnaie autrement qu’en tant qu’espèces n’a aucune valeur.

Quelles implications pour les politiques monétaires

Comme je l’ai mentionné plus haut, la relation établie par le paradoxe de Gibson a été brisée par les taux d’intérêt exceptionnellement élevés imposés par les banques centrales entre 1974 et 1981, du moins sur les marchés anglo-saxons. Comme nous avons pu le voir au travers de l’absence de corrélation entre les taux d’intérêt et le taux d’inflation des prix, les politiques monétaires qui tentent de plafonner l’inflation en manipulant les taux d’intérêt ne peuvent pas fonctionner. Les banques centrales ne disposent que d’un instrument mal aiguisé à déployer si elles portent les taux d’intérêt au-delà du niveau que les entrepreneurs sont prêts à payer. Elles n’ont rien d’autre pour en contrôler les conséquences.

Le problème avec l’établissement des taux d’intérêt à un niveau inférieur à celui que les entreprises viables sont prêtes à accepter est qu’ils encouragent aussi les entreprises moins robustes à emprunter, une conclusion qui a été confirmée par les cycles économiques autrichiens. Le fait que, depuis les années 1980, les économistes autrichiens ont pu affiner leur théorie des cycles économiques de croissance et de récession n’est peut-être pas une coïncidence. En revanche, de récentes récessions ont été évitées, et une majorité de la dette non-productive s’est retrouvée accumulée d’un cycle à un autre.

Bien que les banques centrales aient pris le contrôle des taux d’intérêt aux dépens du marché, la relation de Gibson existe encore aujourd’hui, bien qu’elle ne soit plus apparente. Aucun emprunteur sensé n’accepterait de verser plus d’intérêts qu’il ne pourrait le justifier par rapport au prix de son produit. De la même manière, lorsque les taux se trouvent réduits par les banques centrales, les opportunités d’emprunt deviennent commercialement viables.

Plutôt que d’avoir un équilibre des coûts d’emprunt déterminé par la demande sur le marché, nous avons des taux d’intérêt déterminés par des banques centrales qui n’ont aucune idée de ce qu’elles devraient être. Cela permet aux banques centrales de favoriser un taux d’intérêt très bas pour faciliter leurs politiques monétaires. La conséquence en est que les entreprises qui devraient faire faillite peuvent éviter cette réalité commerciale, et sont capables de reporter le remboursement de leur dette alors qu’elles devraient faire défaut. Elles empruntent dans le seul objectif de ne pas mettre la clé sous la porte, plutôt que pour investir sur le progrès économique. Les taux de retours de certaines entreprises ne sont justifiables que par la faiblesse des taux d’intérêt. Ces conditions soutiennent souvent des entreprises basées sur le travail et qui n’ont pas su évoluer avec les besoins de leur clientèle, n’ont pas investi sur des systèmes de production plus rentables, et sont en conséquence devenues inefficaces.

Ces entreprises toxiques ont recours à une main-d’œuvre qui serait plus efficacement utilisée ailleurs, et ne sont capables que de verser des salaires qui soulignent ce manque de productivité. Nous voyons en conséquence apparaître un nombre croissant de travailleurs qui, en tant que consommateurs, trouvent de plus en plus difficile de satisfaire leurs besoins de la vie de tous les jours, et ont tendance à reposer sur le crédit.

En conséquence, ce ne sont pas que les entreprises non-profitables qui ont accumulé de la dette, mais un grand nombre de consommateurs. De plus, les gouvernements se sont joints à eux, et bénéficient de la même manière des politiques de suppression des taux des banquiers centraux qu’ils nomment. La conséquence en est une accumulation de dette non-productive sur tous les secteurs de l’économie, au point qu’une légère hausse des taux d’intérêt soit tout ce qui serait désormais nécessaire pour déclencher une nouvelle crise de la dette. J’estime qu’aujourd’hui, un taux d’intérêt américain légèrement supérieur à 2% au niveau des taux des fonds fédéraux génèrerait une liquidation générale de la dette. Et ce niveau se réduit à mesure que gonfle la dette.

Remarques de conclusion

Les défenseurs de la monnaie instable ont enfin commencé à accepter le fait qu’il y a des problèmes avec leurs solutions monétaires. La réponse, disent-ils, est de prendre des mesures plus radicales encore, comme par exemple le pardon de dettes, la frappe d’une pièce de platine de 10 trillions de dollars ou encore le Plan Chicago. Ce dernier implique la nationalisation des actifs des banques par le gouvernement dans le cadre d’un swap d’espèces contre de la dette, et de l’abolition de la fonction bancaire de dépôt sur le secteur de l’investissement. Le système bancaire de réserve fractionnaire serait ainsi aboli, les banques centrales fermeraient leurs portes, et la création monétaire ainsi que les taux d’intérêt deviendraient la responsabilité directe du gouvernement. Compte tenu de l’échec des politiques monétaires actuelles, je me méfierais beaucoup de ce Plan Chicago en tant que solution à la crise monétaire.

Le succès ou l’échec d’un tel plan dépendra de l’honnêteté des gouvernements futurs, qui en tant que base d’action est franchement naïve. L’idée est que les taux d’intérêt puissent être établis par les gouvernements selon une formule basée sur des règles, et sans l’intervention de banques centrales. L’objectif du projet, selon le FMI, est d’abolir la borne du zéro (P.38-39). La conséquence en sera certainement le remplacement des politiques monétaires actuelles par des mesures plus inflationnistes encore.

Mais il est évident que les banques centrales s’opposeront à de telles mesures. Je me souviens de Milton Friedman, qui dans les années 1970, est apparu à la télévision britannique pour en dénoncer le côté très peu pratique. C’est un sujet qui avait déjà été discuté dans les années 1930 avant d’être rejeté. Il a aussi été considéré et rejeté pendant la crise de l’inflation, quarante ans plus tard. La même chose a de nouveau été proposée plus récemment par les économistes du FMI, et sera certainement proposée une nouvelle fois dans un avenir proche.

Le fait est que les planificateurs centralisés en soient arrivés au-delà du point de non-retour avec leurs politiques monétaires, c’est pourquoi nous avons désormais de plus en plus de propositions désespérées destinées à échapper à la réalité. Il est clair que la dernière option qui sera considérée sera le retour à une détermination des taux d’intérêt par la demande des entrepreneurs et des entreprises. La relation de marché naturelle entre les taux d’intérêt et le niveau de prix exprimée par le paradoxe de Gibson continuera d’être ignorée par la macroéconomie, qui n’est pas intéressée par l’étude des taux d’intérêt au-delà d’un effet de premier ordre.

Ils pensent également que la résolution du problème de la dette qu’ils ont eux-mêmes créé en supprimant les taux d’intérêt mènera à une résolution des problèmes de l’économie. Ils oublient le fait que l’économie a été lourdement affectée par les mal-investissements et les entreprises qui ont manqué de faire faillite. La monnaie et le crédit ne sont pas toute l’étendue du problème, et une solution purement monétaire ne pourra pas résoudre les difficultés créées par les politiques monétaires du passé.

Si seulement ils avaient prêté plus d’attention au message du paradoxe de Gibson, et dépensé plus de temps à essayer de le comprendre. Le cours de l’histoire économique aurait pu être fondamentalement différent. Mais plutôt que de favoriser les marchés libres, ils leur ont porté un coup fatal.

Les pertes généralisées et les conséquences des politiques monétaires employées auront des conséquences, et c’est là la réalité à laquelle les avocats d’une monnaie instable essaient désespérément d’échapper.

 

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