Le schéma de la crise actuelle est
bien connu : crise immobilière aux Etats-Unis, crise financière
et économique mondiales.
L’ampleur de celle-ci a permis de dégager le seul point de
comparaison possible : la crise de 1929.
Est-il possible de dégager, dans l’état actuel des
choses, une cause essentielle à la crise. Comme nous allons le voir,
malgré l’utilisation de produits titrisés,
c’est le secteur financier qui a supporté l’essentiel des
pertes, dans un premier temps, et il y a un point commun entre la crise
actuelle et la crise de 1929 : l’effondrement du système
financier dû à l’endettement des ménages.
Le système
financier a supporté, dans un premier temps, les pertes dûes à la crise immobilière :
Ce sont les biens immobiliers de
catégorie inférieure qui ont le plus augmenté, puis
baissé, aux Etats-Unis, à la suite du retournement du
marché immobilier. Ce sont, en revanche, les biens immobiliers de catégorie
supérieure qui ont le moins augmenté et baissé.
A Los Angeles, San Francisco, San Diego et Miami, la baisse des prix a
atteint 50%, voire 57%.
Lorsque le marché de l’immobilier s’est retourné
à partir de 2007, un nombre croissant de maisons avaient une valeur
inférieure à celle des emprunts contractés, cela
concernait en décembre 2008, 10,5 millions de ménages.
Les premières victimes ont été évidemment les
acquéreurs à faible revenu qui avaient contractés des
crédits subprimes au sommet de la bulle immobilière
et qui n’avaient pour seul bien que leur maison dont la valeur nette
était faible.
Le reste des pertes a donc du être
absorbée par le système financier.
On peut donc dire qu’il a subi un
coup sans précédent depuis la Grande Dépression dû
à la faiblesse de la situation financière des individus qui
possédaient des actifs immobiliers en baisse ce qui renvoie à
un système bancaire qui a cru que l’utilisation
systématique de produits titrisés,
lui permettait de se libérer du contrôle du risque et
d’externaliser celui-ci sur des investisseurs institutionnels à
la recherche d’une forte rentabilité.
Afin de mieux comprendre ce qui s’est passé, il faut prendre
pour point de comparaison, la crise des valeurs internet des années
2000.
Entre décembre 1999 et septembre 2002, lors de la baisse du
marché des actions, ce sont 10 billions de dollars de valeur nette qui
se sont évaporés.
Si on prend, par ailleurs, l’indice BKX des sociétés
financières, on se rend compte que ,sur la
même période, celui-ci avait baissé de moins de 6%.
Lors de la crise actuelle, la valeur de l’immobilier résidentiel
a diminué d’environ 3 billions de dollars, mais l’indice
BKX a chuté de 75% par rapport à son pont haut de janvier 2007.
Comment expliquer qu’une crise qui
efface 10 billions de dollars, ne cause presque pas de dommage au
système financier, alors que la crise actuelle a provoqué
son effondrement.
Durant la chute des marchés
actions dans les années 2000, les actifs appartenaient à des
investisseurs institutionnels et à des particuliers qui étaient
soit propriétaire de ceux-ci, soit en détenaient une faible
partie grâce à l’endettement, les pertes ont donc
été supportées par leurs propriétaires.
Alors que dans la période actuelle, les actifs immobiliers
aujourd’hui en baisse, ont été acquis avec un endettement
de 90%, voir de 100% (sans remplir d’ailleurs le moindre
questionnaire). Les baisses pouvant atteindre, dans les villes les plus
touchées, 50%.
Au cours de la crise actuelle, avec la baisse des prix de l’immobilier,
des millions de maisons se sont mise à valoir moins que le montant des
emprunts contractés pour les acheter, les emprunteurs ayant toujours
la possibilité d’abandonner leurs prêts afin de se libérer
de leurs dettes . En conséquence des pertes
énormes sont retombées sur le système financier :
banques d’investissement, investisseurs en Mortgage
- Backed - Securities, vendeurs de Credit Default Swaps, et sur l’assureur en dernier
ressort, le Trésor Américain.
Une bulle basé sur un excès d’endettement des
ménages induit donc un risque systémique fort. La Grande
Dépression et la crise des Subprimes en sont
la parfaite illustration.
La crise actuelle et la
crise de 1929 ont une cause essentielle commune : l’excès
d’endettement des ménages qui a provoque
l’écroulement du système financier.
Dans un article paru en 1983, Ben Bernanke (l’actuel président de la FED) a
expliqué, que durant la Grande dépression, les graves dommages
subis par le système financier avaient entravé sa
capacité à s’acquitter de son rôle
économique qui est de prêter aux ménages afin
qu’ils puissent acheter des biens durables ainsi qu’aux
entreprises commerciales et industrielles.
Il faut reformuler cette hypothèse afin de l’adapter à la
crise actuelle, de la manière suivante : les graves dommages
subis par le système financier mondial dûs
à l’utilisation de produits titrisés,
ont rendu celui-ci insolvable et ont entravé sa capacité
à s’acquitter de son rôle économique qui est de
prêter aux ménages afin qu’ils puissent acheter des biens
durables et aux entreprises industrielles et commerciales afin qu’elles
puissent financer leurs investissements et leurs cycles d’exploitation.
La crise actuelle est par définition un crise
économique mondiale qui est due, au blocage synchronisé des
marchés du crédit à l’échelle mondiale, et
qui est marqué par des faillites en chaîne, une très
forte augmentation du chômage et une contraction du commerce
international. C’est une différence majeure avec la crise de
1929 qui n’était pas à l’origine une crise
mondiale.
Rien n’illustre mieux cela, que la crise du secteur automobile dûe, en partie, à une offre
excédentaire au niveau mondial, mais aussi à la
réduction drastique du crédit automobile, notamment aux
Etats-Unis.
Elle marque donc une rupture dans un long cycle de croissance qui a
commencé dans les années 80. Ajoutons à cela que les
événements des 10 dernières années
présentent une très forte similitude avec la période
menant à la grande dépression.
En 1920, la dette hypothécaire résidentielle
représentait 10,2% de la richesse des ménages
américains; en 1929 elle en représentait 27,2%.
La grande crise serait dûe à un
excès de spéculation, entre le printemps 1927 et
l’automne 1929.
Or, si les difficultés des banques avaient été
causées par les pertes sur les prêts faits aux coutiers
concernant les achats sur marge (possibilité d’acheter une
action en ne payant que 10% de sa valeur et en empruntant le reste à
un courtier), celles-ci auraient du faire ressentir leurs effets immédiatement
après le Krach boursier. Alors que le système bancaire
n’a pas connu de tensions sérieuses avant l’automne 1930.
En 1929 les bénéfices des banques avaient atteint un montant
record de 729 millions de dollars. Elles étaient, toutefois, fortement
exposées à l’immobilier : la baisse des prix de
l’immobilier et les abandons de prêts devaient par la suite
balayer les banques par milliers.
Si l’effondrement du système bancaire au cours du
« Bank Holiday » de mars 1933 avait été
provoqué, comme l’ont affirmé Milton Friedman et Anna
Schwartz, par la contraction de l’offre de monnaie, alors les
injections massives de liquidités au cours de la crise actuelle
auraient du éviter l’effondrement des marchés financiers.
Il semble que la Grande dépression et la crise actuelle trouvent leur
origine dans un excès d’endettement des ménages (en
particulier de l’endettement hypothécaire).
L’hypothèse que l’on peut proposer est que celui-ci peut
provoquer un écroulement du système financier, en particulier
lorsqu’il concerne les ménages qui sont concentrés dans
le bas de l’échelle de la répartition des richesses et
des revenus.
Nous assistons donc au deuxième grand effondrement du à
l’endettement des ménages, même s’il y a une grande
différence avec 1929.
La crise de 1929 a provoqué l’effondrement du système
financier américain, alors que la crise des subprimes
a provoqué l’écroulement du système financier
mondial, à cause de la mondialisation des marchés financiers et
de l’utilisation de produits titrisés
qui ont lié entre elles les différents zones
économiques du monde.
Une question vient intuitivement à
l’esprit pourquoi les dirigeants du monde, surtout aux Etats-Unis
d’ailleurs, ont-ils permis un endettement aussi extravagant?.
A mon sens, ils étaient prisonniers d’un modèle de
croissance basé sur la primauté de la finance et donc sur la
recherche d’une très forte rentabilité à court
terme (rentabilité des capitaux propres).
Dans ce cadre, on ne pouvait que stimuler la croissance par
l’endettement, sans remettre en cause le partage des richesses et des
revenus.
En définitive l’endettement a masqué la faiblesse de la
croissance.
En conséquence aucun dirigeant n’était prêt
à remettre en cause le principe de l’endettement, car cela
aurait remis en cause l’euphorie ambiante et le rôle
dominant du secteur financier. Le prix politique à payer aurait
été trop important.
On préfère toujours la mort lente à la mort rapide.
Dans son remarquable ouvrage, La crise économique de 1929 - Anatomie
d’une catastrophe financière, J.K.GALBRAITH, identifie cinq
critères qui permettaient de déterminer que
l’économie américaine était en mauvaise
santé : la mauvaise répartition des revenus, la structure
déficiente des sociétés (Holdings et
sociétés d’investissement), la piètre qualité
du système bancaire, l’état incertain de la balance
commerciale et la faiblesse des connaissances économiques.
Remarquons que ces critères sont toujours d’actualité,
mais il insistait particulièrement sur le premier d’ente eux :
la mauvaise répartition des revenus.
La courbe des revenus a ainsi suivi, aux Etats-Unis une courbe en U. Elle a
retrouvé au début des années 2000, les niveaux de
1920.
La solution définitive à la
crise de 1929 a consisté à mettre, après la seconde
guerre mondiale, en face des innovations technologiques (l’automobile)
et des gains de productivité, le modèle de consommation
adapté : la consommation de masse.
Si l’on veut résoudre la crise actuelle, il faut faire
exactement la même chose, dans des formes adaptées à
notre époque, ce qui passe par une meilleur
répartition des richesses et des revenus à
l’intérieur de chaque pays et dans le monde. Les
inégalités freinent la croissance, d’autant plus que le
poids financier de la crise financière et économique
pèse sur les États (même si dans un premier temps, le
système financier a supporté les pertes dues à la crise
immobilière).
Il faut, en outre, tenir compte d’un paramètre important. La
crise actuelle est plus grave que celle de 1929, car elle est par
définition mondiale. En effet selon les calculs des économistes
Barry Eichengreen et David O’Rourke,
la chute de la production industrielle mondiale est depuis neuf mois aussi
violente qu’en 1929. La chute des cours de bourse deux fois plus
rapide, de même que le recul du commerce international.
C’est dans ce contexte qu’il faut mettre en place un nouveau
modèle de croissance. La question posée est avant tout
politique : le secteur financier doit-il continuer à accaparer
une partie significative de la richesse produite?.
Paul
Bara
Blog de la Finance et de l’Economie.com
Paul Bara a
été trader, économiste de marché puis directeur
financier. Il a parallèlement enseigné l'économie et la
finance à Paris X et à l'ENA.
Paul Bara est
contributeur à 24hGold.com. Les vues présentées sont les
siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit nécessaire de
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présentés ne constituent en rien une invitation à
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