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La cavalerie n’arrive pas toujours à temps !

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Published : April 25th, 2012
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Category : Editorials

 

 

 

 

En ce début de semaine sur le marché obligataire, suite à de nouvelles émissions espagnoles et italiennes, ainsi que sur les places boursières, où les valeurs financières ont à nouveau dégringolé lundi, l’ambiance n’est pas à la fête. Généralement l’un va bien quand l’autre va mal, les investisseurs suivant le mouvement de balance en l’amplifiant, mais ce n’est même plus le cas. La chute du gouvernement de centre-droit hollandais, l’un des piliers européens de la rigueur, ainsi que les résultats électoraux français n’y sont pas pour rien.


Le ministre espagnol du budget, Cristobal Montoro, vient de reconnaître que le pays vivait « un moment extrêmement délicat », tandis que la Banque de Grèce prévoit une nouvelle aggravation de la récession pour cette année (un taux frisant désormais -5%) et la poursuite de la baisse de l’inflation, qui pourrait n’être que de 0,5% en 2013. Au bord de la déflation.


Dans ce contexte chargé, Olivier Blanchard, l’économiste en chef du FMI, en appelle aux autorités allemandes afin qu’elles acceptent l’émission d’euro-obligations, qui pourraient dans un premier temps se limiter à des maturités d’un an, dont les bénéficiaires seraient soumis au strict respect du traité budgétaire. Mais, témoignant d’une grande rigidité, Guido Westerwelle, le ministre libéral des affaires étrangères allemand, a de son côté rejeté toute renégociation de celui-ci, que François Hollande a assuré ne pas pouvoir présenter en l’état au parlement pour ratification.


Lorsque la situation est désespérée et qu’il n’y a plus rien à attendre, un dernier espoir subsiste toujours : celui de l’arrivée inopinée de la cavalerie annoncée par une trompette sonnant dans le lointain. Bien que nous ne soyons pas au cinéma, les banques centrales jouent ce rôle dans le scénario d’encerclement financier que nous subissons. Le problème est que la même scène a déjà été être rejouée plusieurs fois !


Les banques centrales sont d’une double nature. Destinées aux sauvetages du système financier, elles en sont également les protectrices. Venant de se voir confiée la mission de régulation par le Congrès, la Fed américaine exprime au mieux cette dualité en la poussant jusqu’au bout.


Mais elles ne sont pas toutes-puissantes, ne disposant pas des bons outils. Gardiennes du Temple de la monnaie, elles en ont les attributs, qui sont inadaptés à une panne ayant comme origine la crise de solvabilité – due à une bulle d’endettement massive. En raison également du socle idéologique sur lequel elles ont été bâties, auquel elles ne cessent de faire référence. Ce qui ne les empêche pas de faire preuve du plus grand pragmatisme, quand elles y sont contraintes, tentant de compenser l’inadaptation de leurs mesures par leur effet de surprise.


Tout en se tenant par la main, et parfois en la tendant, les banquiers centraux s’interrogent et ne sont pas d’accord entre eux et dans leurs maisons respectives. Au fil de leurs réunions transparaissent leurs divisions et retentissent de temps en temps leurs éclats. Leurs ébats et interrogations tournent toujours autour des mesures non conventionnelles, signe qu’ils ont franchi un Rubicon, que certains d’entre eux comparent d’ailleurs à une navigation sur le Styx, réfugiés dans leur orthodoxie. Elles ont pour nom baisse des taux directeurs, montant des réserves obligatoires, injections de liquidités, achats obligataires de toutes natures et de toutes qualités… Mais au sein de cette petite famille, la petite dernière, la banque centrale européenne, fait figure de parent pauvre n’ayant pas été pourvue de l’intégralité de l’arsenal.


Confrontés à leur indécision, et pour tout dire menacés d’impuissance, les banquiers centraux se sentent bien seuls. Ce n’est pas à la lecture du dernier communiqué du Comité monétaire et financier international du FMI qu’ils vont pouvoir trouver leur inspiration : « Dans la zone euro, une poursuite des progrès vers la viabilité de la dette, la stabilité financière et des réformes structurelles ambitieuses sera cruciale pour améliorer la confiance et la productivité, faciliter le rééquilibrage au sein de l’union monétaire et promouvoir une croissance forte et équilibrée ». Oui, certes ! Mais encore ?


Agustín Carstens, le gouverneur de la banque centrale du Mexique a un plan : « il faut en avoir un » pour s’y tenir, a-t-il expliqué à ses collègues qui se sont retrouvés à Washington avec lui, précisant toutefois ensuite qu’il convient de « renforcer la croissance aussi vite que possible ». Mais Massaaki Shirakawa, le patron de la Banque du Japon, considère du haut de sa longue expérience que « il est dangereux d’agir en tant que prêteur en dernier ressort pour les gouvernements », ce qu’il n’a pas cessé de faire pour essayer sans succès de faire sortir le Japon du trou de la déflation dans lequel le pays se trouve.


Toujours inspiré, Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, met en garde contre toute perte de crédibilité d’une banque centrale qui baisserait la garde à propos de la lutte contre la stabilité des prix, laissant peu de place à des injections monétaires renouvelées de la BCE. Sans les exclure formellement, car on est trop prudent… Vitor Constancio, le vice-président de la BCE, montre le bout du nez en évoquant la création de « mécanismes collectifs », une incitation destinée aux dirigeants européens pour qu’ils se penchent sur le dossier des euro-obligations, ce qui exonérerait la BCE de toute nouvelle intervention à l’égard des États. S’appuyant sur le constat que « le risque de déflation est négligeable », il se drape dans la seule mission de stabilisation des prix, unique mandat de la BCE qui la différencie de ses consœurs.


En plein dilemme, pris entre les dangers de l’inflation et de la récession, les banquiers centraux européens continuent de suivre la ligne de plus grande pente, celle qui les conduit à agiter le spectre de l’inflation pour justifier leur immobilisme. Jusqu’au jour où ils se résoudront à nouveau à agir, une nouvelle fois au bord du gouffre. L’indécision n’est pas une politique.


Aux États-Unis, le comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) fait preuve de la même indécision. Au gré de la publication des indicateurs économiques et de son appréciation de la conjoncture, la Fed poursuit sur sa lancée, maintenant son taux directeur proche de zéro et poursuivant jusqu’à fin juin son programme destiné à faire baisser les taux longs de la dette américaine. Mais toute activation d’un nouvel assouplissement quantitatif, destiné à favoriser la relance, est remis à après les élections présidentielles de novembre prochain. « Les États-Unis ne sont toujours pas tirés d’affaire » a encore proclamé dernièrement William Dudley, le vice-président du FOMC, mais le surplace s’impose pour le moment.


C’est également ce qui peut être constaté du côté britannique, avec le maintien du taux directeur proche de zéro de la Banque d’Angleterre et le maintien d’un programme d’injections de liquidités (d’assouplissement quantitatif) qui n’est ni annulé ni réactivé. La banque est soumise à des impératifs contradictoires, face à la double menace de l’inflation et de la stagnation, un des pires phénomènes possibles dénommé stagflation.


La Banque du Japon s’efforce de son côté de relancer l’économie et de lutter contre la déflation, en adoptant l’objectif classique d’une inflation de 2% mais se donnant celui de 1% dans une première étape, au nom d’un réalisme encore très optimiste. Elle vient également d’adopter de nouvelles dispositions non conventionnelles, en décidant à nouveau de procéder à l’achat de 100 milliards d’euros de titres de la dette souveraine, après l’avoir déjà fait en février dernier pour un montant de 92 milliards d’euros. L’enveloppe de son programme d’achat d’actifs atteint désormais et au total 700 milliards d’euros en bons du Trésor et en titres douteux. Son taux directeur continuant par ailleurs d’évoluer entre 0% et 0,1%…


Les prêts des banques centrales, à l’exception de ceux de la BCE, ont donc atteint la quasi gratuité dans un monde où cette notion est reçue comme une injure. Les achats de dette souveraine varient selon les banques centrales, au gré des pays ou des régions et des circonstances politiques, témoignant au mieux d’une grande indécision et au pire de l’impuissance. Prêteurs en dernier ressort des banques, les banques centrales le sont aussi des États, mais avec quel résultat à terme quand elles s’y engagent ? Eternels sujets d’interrogations, les banques centrales n’apportent pas de remèdes, ne parvenant qu’à repousser les échéances, sans toutefois les régler. Comme des illusionnistes contraints de répéter les mêmes tours, avec le risque supplémentaire d’éventer leurs trucs.


La stratégie de désendettement qui a été adoptée s’est déjà effondrée, il ne suffira pas de l’assouplir ou de renforcer les matelas destinés à absorber les chocs à venir. Ces deux parades ont en commun de sous-estimer la dynamique de la crise financière. En fin de compte, la seule cavalerie dont les banques centrales favorisent l’arrivée est financière.


Billet rédigé par François Leclerc


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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