Bien que l’économie chinoise
ait enregistré le plus important taux de croissance annualisé du monde depuis
que les téléphones portables avaient encore des antennes rétractables,
certains aspects du système financier et commercial du pays ont toujours mis
en lumière le manque de logique du contrôle d’un parti communiste sur le
bourgeonnement d’un système capitaliste. Le marché boursier chinois compte
parmi ces secteurs sur lesquels les choses ne collent pas. Et c’est le moins
qu’on puisse dire.
Ces quelques derniers jours,
le marché boursier de Hong Kong s’est mis à flamber, pour enregistrer le
genre de gains qui inspirent les observateurs du marché à nous avertir de la
formation d’une dangereuse bulle. Mais de la manière dont je vois les choses,
cette hausse n’a rien à voir avec la conséquence d’une ruée infondée sur les
actions, mais plutôt avec la conséquence de décisions règlementaires prises
par Pékin pour permettre aux marchés chinois de fonctionner à la manière des
autres marchés du monde développé. En d’autres termes, ce n’est pas le signe
de la formation d’une bulle, mais d’une normalisation.
Jusqu’à la fin de l’année
dernière, les marchés boursiers chinois ont été régulés afin d’attirer deux
bases clientèle très différentes, ce qui a donné lieu à la création de deux
structures de prix très différentes. Les acheteurs étrangers ont été
autorisés à acheter des actions sur le marché boursier de Hong Kong, mais pas
sur le marché de Shanghai. D’autre part, les acheteurs domestiques n’ont pas
eu le droit d’acheter sur le marché de Hong Kong, mais ont pu accéder au
marché de Shanghai. Les deux marchés ont donc été sujets à deux dynamiques de
l’offre et de la demande très différentes, et à des trajectoires de prix tout
aussi distinctes.
Les intérêts étrangers ont été
sujets à toute une variété de contributions qui n’ont pas concerné les
investisseurs locaux : la puissance des marchés et économies étrangères,
l’environnement des taux d’intérêt à l’échelle globale, les opinions quant à
la puissance de l’économie chinoise, le marché des changes, et bien d’autres.
Les acheteurs chinois ont été bien plus influencés par l’économie domestique,
les règlementations financières locales, le marché de l’immobilier chinois
(qui des années durant est resté l’investissement de choix pour la classe
moyenne en expansion), et les fluctuations du prix de l’or (un autre
investissement populaire en Chine). En sont nés deux marchés distincts, dont
les performances ont dévié d’année en année. Cette dynamique se remarque
notamment au travers des valeurs des sociétés listées sur les deux marchés,
très différentes d’un marché à l’autre. Ce genre d’écart nécessite
habituellement une forme d’opportunité d’arbitrage pour les investisseurs,
qui viennent ensuite le remplir. Mais les régulations financières mises en
place en Chine ont empêché ce genre de normalisation. Du moins jusqu’il y a
très peu de temps.
Au début de la dernière
décennie, alors que l’économie chinoise traversait une croissance
spectaculaire et que de nombreux Chinois achetaient des actions pour la toute
première fois, une majorité de cet écart d’appréciation est apparue sur le
marché de Shanghai. En 2007, les sociétés listées sur les deux bourses
s’échangeaient à majoration sur le marché de Shanghai par rapport à Hong
Kong. Mais la crise de 2008 a beaucoup plus influencé Shanghai. Déçus par
leurs pertes, ou peut-être attirés par le marché immobilier, les
investisseurs chinois se sont retirés pour faire plonger la bourse de
Shanghai dans un marché baissier de sept ans. Sur la période, le marché de
Hong Kong s’est largement maintenu, et les sociétés listées sur les deux
marchés s’y sont échangées à premium.
En revanche, malgré la vigueur
relative du marché de Hong Kong, les performances du marché chinois au cours
de ces sept dernières années ont été lamentables en comparaison aux marchés
occidentaux, bien que la croissance de l’économie chinoise excède de loin
celle du monde développé. Par exemple, les Etats-Unis ont vu leur marché
boursier doubler depuis 2009, malgré une croissance annuelle de leur PIB de
moins de 1,2%.
De nombreuses manières, les
performances des marchés financiers ont éclipsé l’état de santé de l’économie
sous-jacente comme indicateur véritable de puissance globale. Ayant compris
cela, les nouveaux dirigeants chinois arrivés au pouvoir en 2013 et 2014,
dirigés par le Secrétaire général Xi Jinping, et le Premier ministre Li
Keqiang, semblent déterminés à prendre des mesures en faveur du rééquilibrage
des marchés financiers occidentaux et orientaux.
Le changement le plus
significatif qui a été entrepris jusqu’à présent a été la connexion entre les
marchés de Shanghai et de Hong Kong, en voie d’ouvrir les barrières qui ont jusqu’à
présent divisé la structure de marchés chinoise. Les nouvelles provisions
permettront aux Chinois d’acheter sur le marché de Hong Kong et de vendre sur
celui de Shanghai. Les réformes modifient également les régulations bancaires
et les structures de taux d’intérêt afin de pousser les citoyens chinois à
sortir leur épargne des banques et investir sur les actions. Le gouvernement
espère que ces décisions permettront à la Chine de développer un marché
boursier représentatif de son économie.
Les réformes semblent avoir eu
l’effet attendu. Dès la fin de l’an dernier, les investisseurs chinois ont
commencé à embrasser les actions et à relever le marché de Shanghai de son
marché baissier de sept ans. Le marché a regagné 90% en six mois. Il est
clair que la situation commence à mousser. Il a été dit qu’au mois de mars,
les investisseurs chinois ont ouvert plus de 4,8 millions de comptes de
négoces boursiers, une croissance aux proportions historiques. Le rythme
s’est maintenu, avec 1,5 millions de compte supplémentaires ouverts au cours
de la première semaine d’avril (le gouvernement chinois autorise les citoyens
à posséder jusqu’à 20 comptes).
Il est dit que le renouveau de
l’intérêt pour les actions a été alimenté par le ralentissement du marché
résidentiel chinois, qui est devenu le point central des portefeuilles
d’investissement domestiques. Etant sortis du marché immobilier (et dans une
moindre mesure du marché de l’or), de nombreux Chinois se sont tournés vers
le marché de Shanghai.
Suite à la récente reprise,
les actions de Shanghai s’échangeaient à plus de seize fois le bénéfice,
contre treize fois le bénéfice pour les actions de Hong Kong. A la fin du
mois dernier, quand les Chinois ont enfin eu accès au marché de Hong Kong,
beaucoup sont venus clore cet arbitrage pour envoyer le marché de Hong Kong
vers un record sur sept ans et éclipser le record enregistré avant
effondrement (le S&P 500 n’est que 35% plus élevé que son niveau d’avant
la crise). A Hong Kong, le Hang Seng a gagné 15% entre la mi-mars et la
mi-avril. En ce sens, il devrait être évident que les investisseurs chinois
ont finalement pris le dessus sur les investissements étrangers qui étaient
ces dernières années principalement responsables des performances de Hong
Kong.
Beaucoup estiment que cette
ruée est telle de l’huile jetée dans le feu, qui brûlera les investisseurs
qui arriveront les derniers à ce qu’ils estiment être une fête de courte
durée. Mais il est important de se souvenir de deux choses qui alimentent
cette reprise. La première est la régulation, et l’autre les bases
fondamentales.
Bien que les nouvelles
législations aient rendu plus simple l’achat d’actions partout en Chine (des
achats qui selon la loi doivent être effectués en yens), un système de quotas
a dû être mis en place afin de contenir les achats. A l’heure actuelle, tout
pousse à croire que le goulot d’étranglement ait pu contenir les achats et
maintenir les prix où ils se trouveraient sur un marché non-restreint.
Jusqu’à présent, le quota maximum a été atteint chaque jour depuis l’adoption
des nouvelles règles de marché qui permettent aux Chinois d’acheter sur le
marché de Hong Kong. Voilà qui suggère que la demande des investisseurs
chinois ne vienne tout juste que d’être comprise. Hong Kong devrait se
maintenir tant qu’il sera soutenu à la hausse par le marché de Shanghai.
Bien que les médias
occidentaux parlent de la mort imminente de l’économie chinoise (qui est
passée en-dessous de 7%, quelle horreur), il est important de réaliser à quel
point ce taux de croissance demeure supérieur à celui de l’Occident. En
Chine, 7% est un taux considéré comme anémique, alors qu’aux Etats-Unis, 3%
sont perçus comme une croissance importante (bien qu’une croissance de 3% ait
très peu de chances de se matérialiser aux Etats-Unis). Même sur les marchés
chinois, qui ont encore du chemin à parcourir pour rattraper l’Ouest, cette
force pourrait être capturée et les investisseurs pourraient être récompensés
pendant encore quelques années.
Ces mouvements indiquent
également la manière dont les marchés chinois ont été affectés par les
régulations. Le retrait de ces barrières a révélé des forces cachées. Les
marchés américains ont quant à eux bénéficié des politiques mises en place
par la Fed dans l’objectif de maintenir les flux entrants sur les marchés des
actions. Retirer ces décisions monétaires en faveur des actions, et
l’effondrement boursier qui en naîtrait aux Etats-Unis pourrait venir
contrebalancer la reprise des actions qu’enregistre actuellement la Chine.
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