Bien que
l’idée de monnaie
classique — qui est dans la pratique une monnaie garantie par l’or – ne
soit pas populaire aujourd’hui, il se trouve qu’elle trouve du soutien dans
certains pays. La Chine et la Russie avancent toutes deux dans cette
direction, même si ce n’est que sous la forme de plans d’urgence dans
l’éventualité où le système dollar d’aujourd’hui ne serait plus utilisable.
Cette tendance
a toutefois été handicapée par la notion que des importantes quantités d’or
physique doivent être accumulées dans des coffres avant qu’une nouvelle
devise puisse être introduite.
Il y a deux
raisons de base à cela. La première est que c’est ainsi que les choses ont
fonctionné la dernière fois que l’or était incorporé au système monétaire,
sous le système de Bretton Woods né en 1944. A la fin des années 1930 et
jusqu’au début de la seconde guerre mondiale, d’énormes quantités d’or se
déplaçaient depuis l’Europe vers les Etats-Unis pour être mises à l’abri.
Les réserves
d'or du gouvernement des Etats-Unis sont passées de 194 millions d’onces en 1933
à 649 millions d’onces en 1941, ce qui à l’époque représentait 78% de l’or
détenu par les gouvernements du monde et leurs banques centrales, et 44% des
réserves d’or disponibles à la surface de la Terre. Les réserves d’or
officielles du gouvernement des Etats-Unis ont atteint un record de 702
millions d’onces en 1949.
Il s’agissait
alors d’une concentration incroyable de la propriété d’or, certainement sans
précédent, et rendue possible par le conflit global.
En revanche,
les choses n’ont pas à fonctionner de cette manière. En 1910, l’Angleterre
était indéniablement le maître du système monétaire de l’époque, et les gens
s’attendaient à ce qu’elle le reste pendant les décennies à venir. La livre
sterling était la devise de référence internationale. La même année, la
Banque d’Angleterre possédait 7,2 millions d’onces d’or, soit 1,2% de l’or
disponible dans le monde.
Il n’est donc
pas nécessaire de posséder tant d’or que cela pour lancer un système
monétaire basé sur un étalon or – même pour la devise de référence
internationale.
La deuxième
raison est liée à la première. Les Etats-Unis, qui ont fait l’expérience des
notions keynésiennes, mais aussi en raison de leur ignorance, n’ont pas opéré
le système d’étalon or correctement. Ils avaient ce que l’on appelle parfois
une « politique d’étalon or », qui est la notion de maintien de la
valeur du dollar à hauteur de 35 dollars par once, mais aucune méthode
cohérente pour respecter cette politique.
A dire vrai,
leurs diverses expériences avec les notions de manipulation monétaire du
mercantilisme (ou keynésianisme) ont empêché le maintien d’une parité
dollar/or stable. Ceci s’est matérialisé au travers de la notion de
« politique monétaire domestique » (manipulation des taux d’intérêt
dans l’objectif d’achever le plein emploi) et de « politique monétaire
étrangère » (taux de change), et a été rendu encore plus problématique
par la séparation de ces politiques entre deux départements, la réserve
fédérale (domestique) et le Trésor (étranger).
En d’autres
termes, l’approche officielle des Etats-Unis sous Bretton Woods revenait à
dire : « tirez-vous dans le pied ». Les politiques monétaires
domestiques mercantilistes ont été paralysées par les politiques de la parité
dollar/or. Cette parité dollar/or était paralysée par les politiques
mercantilistes. Personne n’était satisfait.
Les gens sont,
encore aujourd’hui, surpris d’apprendre que personne à l’époque n’avait idée
de ce qu’il faisait. Richard Nixon et son directeur de la Fed Arthur Burns –
les hommes qui ont vraiment mis fin au système de Bretton Woods – étaient de
grands supporters d’une monnaie garantie par l’or. Leur degré d’ignorance
impliqué est difficile à imaginer.
La conséquence
de tout cela a été le flux sortant quasi-constant des réserves d’or américaines
depuis les Etats-Unis, une conséquence de la dévaluation du dollar. Pour
maintenir cette contradiction, des couches et des couches de contraintes ont
été ajoutées, dont des contrôles de capitaux et diverses formes de
manipulation de marché directes ou indirectes comme la London Gold Pool. Mais
la trêve n’a été que de courte durée, et après avoir perdu 400 millions
d’onces d’or – pour n’en conserver que 275 millions – Nixon a pris la
décision de fermer le guichet de l’or en août 1971.
C’est la raison
pour laquelle nous pensons souvent qu’il était nécessaire de posséder
d’énormes quantités d’or pour maintenir le système de Bretton Woods malgré
ses contradictions inhérentes, et que ce système a pris fin quand son or a
été épuisé ou semblait en danger de l’être.
Le système de
Bretton Woods n’a été maintenu que 27 ans, et a échoué dans un climat de paix
et de prospérité international.
Comment se
fait-il que la Banque d’Angleterre soit parvenue à mettre en place et
conserver une devise liée à l’or pendant deux siècles tout en accumulant
graduellement de l’or sur la période, un système qui a pris fin avec ce que
l’on appelait la Der des Der en 1914, alors que les Etats-Unis nageaient dans
la prospérité ? Comment la Banque d’Angleterre a-t-elle accompli tout
cela avec seulement 7 millions d’onces d’or – et comment se fait-il que
les Etats-Unis aient échoué avec 700 millions d’onces ?
Comment se
fait-il que cent fois ces quantités d’or ne soient pas parvenues aux mêmes
résultats ? Malgré les contrôles de capital de Bretton Woods, alors que
les capitaux circulaient librement en 1910 ?
La différence
est bien entendu que la banque d’Angleterre ne souffrait pas à l’époque des
conflits autodestructeurs de la période de Bretton Woods. La Banque
d’Angleterre cherchait à maintenir la valeur de la livre sterling à 3 livres
17 shillings 10 pence par once d’or, et avait les moyens d’y parvenir – qui
n’étaient pas compromis par des ambitions mercantilistes.
Il se trouve
donc que les quantités d’or accumulées dans un coffre n’ont pas tant
d’importance. Vous pouvez en avoir plus que quiconque, et échouer à établir
un système monétaire en un rien de temps. Vous pouvez en avoir une petite
quantité, et profiter de siècles de succès.
La différence
n’est que le mécanisme d’opération quotidien. C’est ce que j’ai écrit dans Gold:
the Monetary Polaris, qui est désormais disponible gratuitement en format eReader. Il
s’agit du facteur qui distingue l’expérience de l’Angleterre avant 1914 et
celle des Etats-Unis d’après 1944.
C’est l’une
des raisons pour lesquelles certaines personnes – dont Steve Forbes –
insistent sur le fait qu’il ne soit pas nécessaire de posséder beaucoup d’or
pour établir un système d’étalon or. Si vous savez comment établir les
mécanismes appropriés, l’or que vous avez dans votre coffre n’a aucune
importance.
Mais si vous
n’avez pas connaissance de ces techniques, vous aurez beau accumuler de l’or,
vous n’en tirerez rien de bon. Même certains avocats de l’étalon or n’en
savent rien, c’est pourquoi ils tendent à émettre des propositions qui
impliquent l’accumulation d’énormes quantités d’or dans des coffres. Ils
pensent que leur or pourra les sauver de leur ignorance, mais ce n’est pas le
cas.
L’or n’est que
du métal !
Malheureusement,
rien n’indique que ces faits soient aujourd’hui compris en Chine ou en
Russie. Le yuan chinois est lié au dollar, et l’a été depuis 1950, bien que
son taux de change fluctue de temps à autres.
Mais la Chine
maintien ce lien grâce à une combinaison de contrôles de capital et de
réserves de devises étrangères gargantuesques, ce qui n’est rien de plus que
la stratégie employée par les Etats-Unis sous Bretton Woods.
Alors si la
veut un jour devenir le maître monétaire du monde, elle doit apprendre ces
principes. Apprendre des succès de l’Angleterre d’avant 1914, qui vivent
encore aujourd’hui au sein de l’ancien territoire britannique de Hong Kong, et
ne pas imiter l’échec des Etats-Unis.
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