Le marché de l’or de
Londres finira-t-il par s’autodétruire ?
- Le marché de l’or
de Londres a pu fonctionner pendant près de cent ans sans aucune
contestation
- Il est si
opaque que le chiffre de 5 trillions de dollars souvent mentionné pour représenter
sa taille n’est qu’une estimation
- Cinq nouvelles
offres devraient apparaître sur le marché au cours de ces six prochains
mois
- Une
fragmentation accrue ne pourra que réduire sa liquidité
- Une portion de
la découverte du prix de l’or devrait être reprise par la Chine
- Toute
perturbation sur le marché de l’or de Londres offre à l’Orient une
opportunité de prendre le dessus
Le marché de l’or de Londres est
peut-être le plus ancien et le moins contesté des marchés du monde. Il tire
ses origines du XVIIe siècle, et a depuis traversé une série de réformes ;
mais au cours du siècle dernier, le marché de gré-à-gré de Londres a très peu
changé.
Il traverse aujourd’hui une
crise identitaire. Tout au long de l’année dernière, nous avons pu voir
affluer des articles mentionnant l’arrivée de grands changements sur le
marché, et ces dernières semaines semblent avoir été plus animées que jamais.
Pour certains, le marché de l’or
de Londres aux 5 trillions de dollars est menacé, et ce pour plusieurs raisons,
dont les régulations, le système de découverte du prix de l’or et le manque
de transparence.
Les difficultés auxquelles fait
aujourd’hui face le marché de Londres en poussent beaucoup à tenter de se
confronter à ces problèmes. Penchons-nous brièvement sur les nouvelles offres
qui devraient être faites ces prochains mois. Vont-elles affaiblir ou
renforcer le marché de Londres, et pourront-elles représenter une opportunité
pour la Chine ?
Le LBMA, les start-ups
financières et la transparence des marchés
Il n’existe aujourd’hui aucune
donnée concernant les volumes d’or négociés chaque jour sur le marché de
Londres. Le LBMA, qui gère le marché de l’or de Londres, accepte désormais que
son manque de transparence ait depuis longtemps été source de critiques de la
part des participants comme des régulateurs.
C’est pourquoi il s’est tourné
vers la technologie financière pour s’ouvrir à des perturbations volontaires
avant de se trouver perturbé contre son gré. Un peu plus tôt cette année, il
a annoncé que Boat Services Ltd. et Autilla Inc. avaient été choisies pour
apporter plus de transparence à sa plateforme de négoce.
Les 149 membres du LBMA devront
rapporter leurs opérations de négoce à la nouvelle plateforme.
Quand le LBMA a annoncé son
initiative avec Boat Services, il a clairement expliqué que ce nouvel
arrangement irait au-delà des demandes des régulateurs du Royaume-Uni et du
monde en termes de collecte de données relatives au négoce de produits dérivés,
et ferait preuve d’un engagement envers une transparence accrue.
Le marché des métaux de
Londres, le Conseil mondial de l’or, l’ICE, le CME et Blockchain cherchent
tous à se faire une place
- Le marché des
métaux de Londres et le Conseil mondial de l’or ont lancé le « LME
Precious » en vue d’accéder au marché de l’or de Londres. Pour ce
groupe, tout est question de compensation des transactions au comptant
et de gestion du risque.
« Ces nouveaux contrats sont
destinés à complémenter le marché de gré-à-gré de Londres, » a rapporté
Bloomberg.
Au cours de la première moitié
de 2017, des contrats sur l’or et l’argent faisant l’objet d’une compensation
centrale seront introduits. Ces nouveaux contrats « incluront des
contrats au comptant, des contrats à terme journaliers et mensuels, des
options et des contrats d’opérations mixtes horizontales.
- L’ICE a repris
le système d’enchères du marché de l’or de Londres en 2015 pour
remplacer l’ancien fixing du prix de l’or, qui se faisait jusqu’alors
par téléphone. Il cherche désormais à jouer un rôle plus important sur
le marché, et a annoncé en février dernier le lancement de contrats à
terme LOCO pour compenser ses enchères quotidiennes.
- Un peu plus
tôt cette semaine, le CME a annoncé qu’à partir de janvier, de nouveaux
contrats sur l’or et l’argent seraient listés sur le Comex pour offrir
un meilleur écart entre les prix au comptant et les contrats à terme
américains.
Le Comex et Londres représentent
les plus importantes réserves de liquidités du marché des métaux précieux.
Les nouveaux contrats de 100 onces d’or et de 5.000 onces d’argent auront le
potentiel d’établir un lien plus fort encore entre les deux réserves de liquidités,
comme l’a expliqué Miguel Vias, directeur du département des métaux précieux
du CME.
Utiliser la transparence
pour bouleverser le marché de l’or
Une majorité des régulations
adoptées depuis la crise financière ont appelé à une transparence accrue.
Mais les projets mentionnés
ci-dessous n’ont rien de fondamentalement bouleversant pour la manière dont
fonctionnent aujourd’hui les marchés. Les pratiques actuelles, les coûts et l’efficacité
des marchés ne s’en trouveront pas changés. Des couches supplémentaires sont
simplement ajoutées au-dessus de ce qui existe déjà.
Un monde financier qui se trouve
bouleversé par la technologie financière présente très certainement des
opportunités. Et je ne suis pas le seul à le penser.
L’arrivée de Blockchain a marqué
la première tentative réelle de perturbation du marché de Londres. Paxos
(autrefois itBit) travaille avec EY et Euroclear sur un projet qui vise à « apporter
pour la toute première fois sur le marché de l’or de Londres des transactions
instantanées et une livraison physique contre versement ».
Le projet joint de Paxos et
Euroclear apportera le « processus innovant dit de tokenization sur
le marché de l’or physique sous la forme de jetons digitaux, pour réduire les
charges de capital et offrir de nouvelles opportunités aux participants au
marché, » comme l’a expliqué EconoTimes.
Londres pourra-t-il
rester un centre de la découverte des prix malgré ces fragmentations ?
Ces dernières années, les
monopoles du Comex et de Londres sur le marché de l’or ont subi de lourdes
pressions venues d’Orient. Et au vu de la fragmentation qui se révèle aujourd’hui
à Londres, c’est à se demander si ce marché pourra conserver sa couronne
encore longtemps.
Il me semble que le processus de
détermination des prix soit aujourd’hui à prendre. En avril, le SGE a annoncé
un nouveau fixing du prix de l’or établi sur le même modèle que la découverte
du prix de l’or de Londres. Ce « prix de base représentera toute l’offre
et la demande, l’intégralité du marché chinois ».
Comme nous l’avons expliqué
à l'époque, David Marsh, directeur et cofondateur d’OMFIM, a annoncé
selon China
Daily que le nouveau fixing du prix de l’or lancé par le SGE représenterait
une addition nécessaire au marché de l’or international, et devrait rendre la
découverte du prix de l’or physique plus ouverte aux forces véritables du
marché.
Le marché de l’or de
Londres va-t-il s’autodétruire ?
Comme Mark O’Byrne l’a expliqué
à Bloomberg en début d’année, « c’est un grand moment pour Londres, et
il est temps de faire un choix. Tout le monde veut apporter plus de joueurs
autour de la table, mais si ces joueurs ne parvenaient pas à travailler de
concert, la liquidité pourrait se trouver diluée et le marché affaibli ».
Chaque industrie et marché fait
de temps à autres face à des épreuves, et bien souvent, ces dernières
disparaissent d’elles-mêmes à mesure que le marché décide de ce qu’il veut et
ne veut pas. Personne ne souhaite voir apparaître une multitude de réserves
de liquidités, c’est pourquoi il est fort probable qu’une majorité d’utilisateurs
se concentrent sur un seul marché.
La question est de savoir si, avant
que le marché de Londres ait fini de se réformer, la Chine pourra parvenir à
se tailler une plus grosse part du gâteau. Il ne fait aucun doute que la
croissance de l’influence de la Chine sur la découverte des prix nécessite
encore un certain temps, mais le timing semble aujourd’hui parfait au
vu des tentatives fragmentées de certains partis de tirer avantage de la
faiblesse de Londres.