Mes chères contrariées, mes chers contrariens,
Jusqu'à maintenant, ce qui était extraordinaire, c'est
que j'avais toujours quelque chose à vous raconter le dimanche que
vous pourriez lire le lundi matin. Eh oui, grâce aux sommets de
l'ultime dernière chance, qui se tiennent le week-end, il y avait
toujours plein de trucs à dire.
Là, rien. Que dalle, nada. Déprimant. C'est à
cause de l'élection américaine. Il ne faut pas que nous autres,
Européens, nous interférions dans les affaires
intérieures de la puissante Amérique. En plus, si c'est pour se
taper Romney et la clique néoconservatrice de « Deuble U
Bush » (ce sont les mêmes derrières Romney) pour les
8 prochaines années, disons-le clairement, cela n'emballe pas les
dirigeants européens... Ni ceux du reste du monde d'ailleurs.
Non, Obama, c'est vachement mieux, ou nettement moins pire, tout
dépend comment on voit les choses. Bref, du coup, tout le monde
retient son souffle, d'ailleurs on commence à se rendre compte que,
finalement, Barack pourrait ne pas être réélu. Il faut
dire objectivement que son bilan n'est pas hors norme eu égard aux
espérances pour le moins excessives que son élection avait
suscitées.
Bref, on s'emmerde.
Alors j'hésitais entre différents sujets aussi
essentiels les uns que les autres. D'abord, je pouvais vous parler du mariage
homosexuel. J'ai très envie de le faire bien que cela n'ait aucun
impact économique. Néanmoins, c'est à la mode, et puis
c'est fondamentalement un sujet très riche d'enseignement sur les
évolutions de fonctionnement de nos sociétés, et cela a
impact sur l'économie. Sinon, il y avait bien le dernier papier de ma
copine Simone Wapler des Chroniques Agora, qui nous explique les signes
à surveiller pour anticiper la faillite de la France. J'adore
Simone... Donc ça, je vais vous en parler un peu, c'est très
intéressant.
Autre idée : vous parler de mon week-end en famille et de
nos choix culinaires. Vous pourriez me dire aucun rapport avec
l'économie mais c'est faux.
Pour cause de vacances de la Toussaint qui ont été
rallongées par notre ministre Peillon, et qui durent maintenant quinze
jours, il faut bien occuper les bambins. Du coup, les parents (qui
travaillent encore) sont obligés de trouver des solutions de garde.
Là, les grands-parents interviennent. Du coup, les parents font des
allers-retours, ce qui, somme toute, permet de participer au financement de
la SNCF qui se gratte en ces périodes « blanches de forte
affluence »... Bref, sur le Bassin d'Arcachon, nous mangeons des
huîtres excellentes actuellement, nous dégustons des petits vins particulièrement
goûteux aux prix très bas (dénichés chez des
petits marchands de vins locaux), ainsi que des cannelés en dessert.
Et là, j'ai eu une révélation. C'est vrai que la
compétitivité, ce n'est pas que le coût du travail.
D'abord, sur ce plan-là, on sera toujours perdant par rapport au prix
d'un Chinois, sauf à mettre nos salaires à leur niveau, ce qui
n'est pas en soi une mauvaise idée, en tout cas c'est celle que l'on
applique en Grèce. Regardez, un Grec est facturé
désormais au prix d'un Chinois des villes, c'est-à-dire aux
alentours de 400 € par mois.
Non, moi j'envisageais un débat sur la
compétitivité mais en intégrant les capacités
culinaires de chaque nation et là, franchement, avouez-le, notre
patrimoine gastronomique ainsi que notre créativité culinaire
font de la France le pays le plus compétitif sur ce plan.
Au menu ce
soir
Si vous êtes en Espagne, vous n'aurez que quelques vagues tapas,
avec de la paella et des tortillas. Évidemment, ce pays se retrouve
entortillé dans les difficultés financières.
Si vous allez en Grèce, certes vous trouverez bien quelques
olives vertes, ainsi que de la feta Salakis au bon lait de brebisses... Mais
disons-le, là-bas, c'est vraiment la salade grecque, et les gens ne
peuvent même plus se payer à manger.
Si vous allez au Royaume-Uni, le seul truc que nos amis anglais
sachent encore cuisiner ce sont les hamburgers Mac Do, et malgré les
mêmes recettes et méthodes, ils réussissent à en
faire des moins bons. Non, ils n'ont aucun talent sur ce point et nous
gagnons haut la main.
Si vous allez en Italie, là on commence à trouver des
gens civilisés. Ha, cette Europe du Sud. Quel talent tout de
même. Des pâtes d'une finesse exquise, des pizzas, bref, un
véritable patrimoine, sans parler de leurs vins et de ces fameux
petits chiantis pétillants ou non.
Si vous remontez vers l'Allemagne, là on se sent
supérieur. Le seul avantage compétitif que possèdent nos
amis germains, c'est la fête de la bière. Si vous voulez jouer
à Vomitorix le Gaulois en Germanie, ce moment est fait pour vous. Pour
le reste, la gastronomie allemande est aussi fine et délicate qu'une
Angela Merkel faisant les comptes de ses voisins du sud.
La
compétitivité hors coût, une chance pour la France
C'est pour cette raison que nous devons axer nos efforts sur nos
points forts (leçon numéro un de toute bonne Business School).
Nous avons donc les musés, le patrimoine architectural (qui a
toujours été construit à crédit d'ailleurs), des
recettes de cuisine admirables, malgré une hôtellerie qui n'est
plus de toute première qualité.
Comme quoi, le gouvernement a raison : regardons que ce qui est
positif, c'est nettement mieux pour le moral.
Justement, à propos du gouvernement. Je vous parlais, au
début, du dernier papier de Simone Wapler sur les signes d'une
faillite de la France. Bon, en fait, comme Simone, je fais partie de ceux qui
pensent que la France est déjà en faillite. La seule question est
comment allons-nous l'officialiser et quand.
Les signes
de la France en faillite
Pour la porte-parole du gouvernement, notre pays, comme nous l'avons
déjà dit, est « en état de faillite
aggravée ». Comme quoi, c'est déjà presque
semi-officiel.
Pour Simone Wapler, il y a 4 signes avant-coureurs à surveiller
de très près.
1 - Une nouvelle dégradation des
obligations souveraines françaises
Maintenant que nous n'avons plus notre triple A (AAA) et que nous
sommes passés « AA+ », une nouvelle
dégradation pourrait accélérer la catastrophe. Les
effets se feraient sentir sur les marchés, mais aussi à
l'échelle politique et économique – puis à votre
niveau, en tant que citoyen et contribuable.
Plans de rigueur, nouvelles mesures fiscales, faillites bancaires...
Tout cela pourrait être au programme dans les mois qui viennent.
Surveillez tout nouveau communiqué des agences de notation
comme du lait sur le feu.
C'est le risque de cercle vicieux à la grecque où chaque
baisse de notation entraîne la nécessité de plus de rigueur,
qui vient tuer tout espoir de reprise économique.
Les nouvelles augmentations d'impôts prévues en 2013 nous
entraînent de toute façon tout droit sur ce chemin.
2 - Attention aux augmentations de capital de nos
banques...
Le 22 septembre 2011, une note du FMI chiffrait les pertes
potentielles des grandes banques européennes à 200 milliards
– 300 milliards d'euros en incluant les banques locales des six pays en
difficulté notoire : Grèce, Portugal, Irlande, Belgique,
Italie, Espagne.
Les banques seront obligées de se recapitaliser. Mais n'oubliez
pas qu'elles seront en concurrence directe avec les États sur le
marché obligataire, pour lever des fonds qui se font de plus en plus
rares.
Là encore, je ne peux que vous conseiller de garder un œil
sur ces augmentations de capital : au moindre signe de difficultés,
renforcez immédiatement vos mesures de protection financière.
D'ailleurs, il y a quelques jours, c'est l'ensemble du secteur
français qui a été dégradé par les agences
de notations qui sont également très inquiètes de
l'effondrement annoncé du marché immobilier dans l'Hexagone.
Pour petit rappel qui a son importance, l'immobilier au sens large
représente 20 % de notre PIB. Vous avez bien lu : 20 %. Le
secteur de l'automobile est totalement anecdotique par rapport au poids de
l'immobilier dans notre économie. Vous imaginez l'impact d'un krach
dans ce secteur sur les comptes aussi bien des banques que de l'État.
Catastrophique.
Mais rassurez-vous, la France ce n'est pas l'Espagne, ni les subprimes
américaines. À moins que l'on ne vous ait pas tout dit, ce qui
de vous à moi sera le cas, et Monsieur et Madame Toutlemonde vont
rapidement le découvrir.
3 - ... sans parler du placement de nos
obligations d'État !
Là encore, c'est un signal de faillite fort : le jour où
le marché rechignera à nous prêter de l'argent en
achetant nos obligations souveraines.
Nos dettes souveraines sont détenues à 65 % par des
étrangers ; nous sommes donc dépendants de leur bon vouloir
à continuer d'acheter nos titres – et donc financer nos
déficits.
Or, avez-vous remarqué que ces derniers temps, malgré
leurs belles promesses, les fonds souverains chinois ou qataris ne sont pas
si pressés d'acheter notre papier ?
Si le FESF n'attire pas les foules empressées, cela laisse mal
augurer des prochaines levées de fonds de l'État
français qui est – répétons-le – garant du
FESF.
En gros, l'idée c'est de surveiller les
« adjudications ». Est-ce que les investisseurs
achètent bien notre dette. Parce que s’il n'y a personne pour
l'acheter... et bien cela signifie que l'on ne peut plus se financer...
C'est donc un point et un indicateur très important. On peut
voir à travers ces opérations une dégradation
éventuelle de nos conditions de financement.
4 - Le seuil fatal des 6 %
Dès l'instant où le rendement de l'emprunt
dépasse les 6 %, la situation bascule. Le seuil a été
fatal à la Grèce et au Portugal. Il a plongé l'Italie
dans la tourmente. C'est à ce niveau que le point de non-retour est
officiellement atteint et que l'on appelle le FMI à la rescousse. Dans
notre cas, il en coûterait 30 milliards d'euros supplémentaires.
Nous en sommes à 2,2 % à l'heure où
j'écris ces lignes. Mais une nouvelle dégradation n'est pas
à exclure. Nous serions alors sur le fil du rasoir : restez attentif
à tout frémissement à la hausse de cet indicateur
extrêmement important.
Il est vital de vous tenir informé, afin de pouvoir agir
rapidement et efficacement en cas de faillite déclarée de notre
pays.
Parce que, comprenez-moi bien, les conséquences potentielles
sont dramatiques pour vous, votre argent et votre mode de vie. Elles vont
au-delà de l'inévitable effondrement du CAC 40, ou même
de l'inflation galopante qui s'ensuivrait, laminant votre pouvoir d'achat.
Bien que pleinement d'accord sur ce point avec Simone, j'apporterais
quelques menus compléments. En fait, ce seuil des 6 % est totalement
empirique, c'est-à-dire qu'il correspond en effet à ce que nous
avons pu voir pour l'Italie ou l'Espagne.
Compte tenu des spécificités françaises et de la
taille de notre économie, il n'est pas sûr que ce seuil
s'applique à nous. Pour tout vous dire, je pense que dès que
les taux de la dette de notre pays dépasseront les 4 %, nous serons
dans une situation très, très difficile, puisque cela serait
déjà le double de ce que nous payons aujourd'hui.
A l'heure actuelle, nous continuons à emprunter à taux
négatifs. Les marchés se sont plutôt montrés
aimables et compréhensifs. Ils ont même laissé à
notre nouveau gouvernement socialiste le temps de s'installer.
Pour ceux qui veulent bien entendre ce qui se dit outre-Rhin, nos amis
germains semblent être en revanche à bout de patience.
Ils veulent des résultats et des efforts côté
français. Du vrai effort, de l'effort qui fait mal, sinon pour eux
ça ne compte pas.
Or François Hollande ne veut pas être le président
qui fait mal.
Il est fort probable que les Allemands sonnent le début de la
charge sur la France (après le 6 novembre), et Angela et ses sbires
commencent déjà à en parler ouvertement, ce qui n'est
pas bon signe.
Remarquez, les Allemands ont toujours eu un véritable avantage
compétitif sur la façon de charger ses voisins.
Déjà en 40, ils appréciaient notre gastronomie, notre
vin, et nos monuments.
Comme quoi, au-delà de la blague, les choses n'ont pas
changé depuis 70 ans. On ne rendra jamais la France compétitive
comme l'Allemagne. En ce sens, effectivement mieux vaut essayer de jouer avec
nos atouts. Mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire.
Quoique, on peut aussi raisonnablement se demander s‘il y a
encore quelque chose à faire...
Le problème c'est que la réponse ne fait pas plaisir
à entendre, mais à regarder la politique de notre
Président, j'ai l'impression que lui aussi attend... vu que de toute
façon....
Bon et bien en attendant, moi je vais aller m'ouvrir une petite
douzaine d'huîtres et puis j'ai un petit blanc bien sec à
savourer sur tout ça... Tout ce qui est pris n'est plus à
prendre.
Charles
SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
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