Peter Temin, dans son
livre The Jacksonian Economy
(1969), présente une vision intéressante et inédite de trois marchés très fortements liés du XIX° siècle,
l’argent, l’esclavage et l’opium.
Extrait :
« De nombreux
hommes riches des années 1830 comprenaient bien les relations
commerciales allant d’un bout du monde à l’autre et qui
les connectaient entre eux.
Le cœur de ce
système était la transformation du coton produit par les
esclaves et transformé en biens de consommation de luxe pour la classe
moyenne et les couches supérieures de la société
occidentale. Après tout, l’argent et les fourrures
envoyées directement en Chine ne suffisaient pas à payer tous
les produits de luxe envoyés
en Chine. Et seulement une petite partie des soieries chinoises allaient aux
épouses des propriétaires d’esclave du Sud – et
rien aux esclaves.
Un commerce
bidirectionnel simple, comme celui de l’échange des outils de la
Nouvelle-Angleterre contre des fourrures du Nord du Mexique
n’était pas suffisant pour produire un schéma mondial.
Nous pouvons visualiser ce schéma sur carte une schématique :
Pour que le tout
fonctionne, les paiements doivent être financés par un
réseau bancaire. A un niveau sophistiqué, les flux des biens
dans une direction étaient financés par un flux inverse de
papier monnaie dans la direction opposée – les ordres de
paiements, par exemple les chèques.
Dans les parties moins
sophistiquées des Etats-Unis, et de façon notable dans le Sud
esclavagiste et l’Ouest nouveau, la solidité des banques
dépendaient de l’argent rapporté d’Amérique
Latine. Cet argent était payé par des tissus et autres biens
manufacturés importés des zones « développées »
de l’Atlantique Nord.
On voit clairement que
les deux produits majeurs qui maintenaient la cohésion du
système relié étaient :
- L’argent
mexicain des banques américaines du Sud Ouest
- L’Opium
de l’Inde, transporté en Chine par les marchands
britanniques
L’existence d’un tel réseau, dont
la plupart des connections
étaient lointaines, faisait qu’il était possible et
facile pour les consommateurs de la classe moyenne de l’Ouest
d’ignorer la manière dont étaient produite les produits
qu’ils consommaient. Un autre aspect était le fait que le flux
des produits se réalisait entre des produits n’ayant presque
rien à voir, l’argent mexicain et les soieries Chinoises.
A chaque point névralgique de ce réseau,
chaque groupe essayait de s’approprier la plus grande partie possible
des profits, et les groupes en concurrence en arrivaient
régulièrement à des conflits armés. L’attaque de Zacateca
par Santa Anna en 1835 fut une manifestation
de pouvoir de sa partie de la société civile Mexicaine, et un
des efforts pour récupérer une partie du flux financier passant
à travers le réseau.
Cette concurrence ne s’arrêta pas avec sa victoire, ni
avec celle des Texans l’année suivante. Elle continua dans la décade
suivante, et cette concurrence fut une force majeure qui marqua les relations
commerciales internationales dans le monde entier ».
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