La crise des subprimes
(crédit à risque), qui a éclaté à
l’été 2007, semblait reposer sur le retournement du
marché immobilier américain, à cela deux raisons : la
remontée des taux à partir de 2004 et le fait que les prix de
l’immobilier ait atteint un sommet.
A celle-ci (la crise de l’immobilier)
s’est ajouté une crise financière, d’une ampleur
insoupçonnée, qui a fait vaciller, aux Etats-Unis, les plus
grandes banques (Bear Stern, Merril
lynch, Wachovia…); la première
compagnie d’assurance du monde (AIG); Fannie Mae et FreddieMac,
deux institutions crées par Roosevelt, qui détenaient à
elles seules 40 % du marché hypothécaire. Les premières
n’ont du leurs survies qu’a leurs rachat par d’autres
banques (J.P Morgan Chase, Banque of America, Citigroup…..) grâce à l‘aide de
la FED (banque centrale américaine), quant aux autres elles
n’ont survécu que grâce à l’aide de
l’État.
La faillite, en octobre 2008, de Lehmann Brothers, a complètement bloqué le
marché du crédit interbancaire, le risque systémique
(écroulement de l’ensemble du système financier) a pris
une forme concrète. Celui-ci a eu pour conséquence le blocage
de l’ensemble des compartiments du marché du crédit :
crédit à la consommation, crédit aux
entreprises……Évidemment la crise était mondiale
puisqu’elle reposait sur l’utilisation de produits titrisés à l’échelle mondiale
(transformation des prêts en obligations), grâce à la
titrisation (censée répartir le risque), mais qui
empêchait de connaître exactement ses contreparties et le risque
qui leur était associé.
Elle touchait le plus fortement les pays dans lesquels les
ménages étaient les plus endettés : les Etats-Unis, la
Grande Bretagne et l’Espagne.
C’est par ce canal (blocage du marché
interbancaire) que la crise financière s’est transformée
en une crise économique mondiale : baisse de la consommation, de la
production, des importations, des exportations et augmentation dramatique du
chômage (surtout aux Etats-Unis); malgré que les États
aient mis en place des plans visant à recapitaliser les banques et
à garantir leurs engagements (plan Paulson,
plan Brown, plan européen); ainsi que des plans de relance visant
à stimuler l’activité grâce à
l’augmentation de la dépense publique (dont le plan OBAMA pour
un montant de 800 milliards de dollars).
Ajoutons à cela que la FED (banque centrale
américaine) avait ramené ses taux directeurs dans une
fourchette comprise entre 0% et 0,25% et qu’elle mettait en œuvre
des moyens non conventionnels ( reprise des billets
de trésorerie des entreprises et rachat des bons du trésor).
Malgré l’ampleur des mesures prises,
les principaux indices mondiaux continuaient inexorablement à baisser.
En réalité l’éclatement de la bulle
immobilière américaine coïncidait avec la fin d’un
cycle de croissance qui avait commencé dans les années 1980. Il
reposait sur l’idée d’un endettement illimité
favorisé par l’innovation financière (les produits
structurés par exemple). Un système économique et
financier basé sur un endettement illimité est
inéluctablement condamné à s‘écrouler. Il
est clair que la crise actuelle aura des conséquences importantes :
les choses ne seront plus comme avant.
Un système économique et financier
basés sur un endettement illimité favorisé par
l’innovation financière est inéluctablement
condamné à s’écrouler :
En effet le mécanisme du crédit
aboutit à la création, ex nihilo, de monnaie par un simple jeu
d’écriture. Il est fondamentalement instable tant au niveau
national qu’international, sauf s’il a pour contrepartie la
création de richesse.
Ce pouvoir destructeur est encore amplifié
par le mécanisme de la titrisation qui transforme des prêts en
actifs financiers complexes (les produits structurés, par exemple) qui
sont placés auprès des investisseurs institutionnels dans le
monde entier.
Warren Buffet, le célèbre
spéculateur américain à parlé
« d’armes de destructions massives ».
A partir des années 1980 se sont mis en place
deux mécanismes indissolublement liés : le principe de la
maximisation de la valeur pour l’actionnaire et la mondialisation, qui
ont eu pour conséquence un endettement illimité.
Le principe
de la maximisation de la valeur pour l’actionnaire et
l’endettement des ménages :
Ce principe repose sur la maximisation
anticipée des flux de dividendes futurs, ce qui revient à
maximiser le cours boursier : rachat de ses propres actions, augmentation du
levier d’endettement, distribution de stock option, opérations
de fusions acquisitions. Il détourne l’usage des profits de
l’investissement productif : s’établit alors une
véritable dictature de la finance sur l‘économie.
Il a aussi pour conséquence
(mécanique) de comprimer les salaires et l’emploi, afin de mieux
comprendre cela, il faut revenir à la crise asiatique des
années 1997-1998. Celle-ci a eu pour conséquence
l’écroulement de la demande intérieure, des pays
asiatiques, qui s’est accompagné de la
croissance des capacités de production. Les entreprises afin
d’éviter la faillite se devait de réduire drastiquement
leurs prix de vente à l’exportation. Elles ont ainsi
exporté le choc déflationniste dans le monde. L’existence
d’un marché mondial des biens et services et du travail, sur
lesquels l’offre était structurellement excédentaire, a
fait perdre aux salariés leur pouvoir de négociation, et aux
entreprises leur pouvoir de négociation vis à vis des
consommateurs.
On observe ainsi dans l’ensemble des pays de
l’OCDE, une déformation marquée du partage salaires /
profits. Si on prend les pays du G7 (les sept pays les plus riche du monde) : on observe que les profits sont
passés de 10% du Produit Intérieur Brut (PIB) en 1970 à
14% en 2004, alors que la part des salaires dans la Valeur Ajoutée
(VA) est passée de 70% en 1970 à moins 65% depuis le
début du 21ème
siècle. En revanche les profits sont passés de 30
à 40%.
Il est clair, par ailleurs, que ce principe
n’est pas tenable, à long terme, d’un point de vue macro-économique . En effet, il repose sur un ratio : le
return on equity (ROE), qui est le rapport entre
les profits et les capitaux propres, très élevé. Si
l’on prend un ROE de 15 %, ce qui était la norme avant la crise
actuelle, et qu’on le rapporte à un taux de croissance fort,
disons 4%. On se rend vite compte qu’à terme cela reviendrait
à ne plus rémunérer que le capital.
La courbe des revenus a ainsi suivi, aux Etas-Unis, une courbe en U. Elle a retrouvé au
début des années 2000, les niveaux de 1920. A
l’augmentation stratosphérique des revenus des 1% des
salariés les mieux payés a correspondu la stagnation des
salaires de la classe moyenne (et des bas salaires). Ce
phénomène est encore amplifié, après impôt,
a la suite des cadeaux fiscaux des années 2000 - 2002.
Dans ce cas, le salaire réel est totalement
déconnecté de la productivité, autrement dit les
salariés sont privés des gains de productivité, ce qui
réduit la consommation (rappelons qu‘elle représente les
2/3 de la croissance). La seule manière de stimuler la croissance
passe donc par l’endettement des ménages. Ainsi au Royaume-Uni,
l’endettement d’un ménage moyen équivaut à
170% d’une année de revenu. Aux Pays-Bas, 180%; aux États
- Unis, 140 %. Cette évolution s’est produite très
rapidement : en 1998, l’endettement représentait seulement 68%
du revenu d’un ménage espagnol, aujourd’hui 145 %.
L’encours de crédit, dans la zone Euro, représente ainsi
90 % du revenu annuel d’un ménage moyen. On peut évaluer
le surplus de croissance procuré par l’endettement à
environ 1% du PIB.
Une telle tendance n’est possible que
grâce à l’innovation financière qui a permis aux
banques de passer de l’intermédiation (où elles portent
le risque dans leur bilan et s’assurent de la solvabilité de
leurs emprunteurs) à la titrisation qui repose sur l’utilisation
systématique des marchés dérivés, ce qui leur
permet de libérer du capital pour faire plus de crédit,
puisqu’elles ne portent plus le risque.
La titrisation repose fondamentalement sur le fait
de transformer un actif financier peu liquide (des prêts immobiliers)
en un actif financier liquide (une obligation). Les emprunts
hypothécaires sont donc transformés en obligation émises
par les banques à destination des investisseurs institutionnels
friands de « papiers immobiliers
sécurisés » : fonds de pension, fonds obligataires, hedges funds. On parle de Mortgage Backed Securities
(MBS), obligations garanties par une hypothèque, puis de Assets Backed
Securities (ABS) qui présentent les mêmes
caractéristiques que les MBS, si ce n’est qu’il
s’agit d’obligations qui sont adossées à toute
sorte d’actifs dont les « subprimes »
(consentis à des emprunteurs à risque). Les investisseurs
percevant le Cash flow généré par ces actifs. A la
même période apparaissent les Collateralized
Debt Obligations (CDO), obligations
découpées en tranches (eu fonction de leur rentabilité),
qui permettent de regrouper un ensemble de créances (crédit aux
entreprises, crédit à la consommation…) dont les MBS et
les ABS (on peut créer un CDO synthétique en regroupant des
dérivés de crédit).
Enfin apparaissent les Credit
Default Swap (CDS), une
pseudo-assurance contractée à titre privé, sans
régulation, où le vendeur assure l’acheteur du CDS
qu’il lui remboursera les pertes que ce dernier viendrait à
subir du fait d’un tiers, en échange d’une prime
fixée en fonction du risque de perte tel qu’il est alors
perçu par le marché. Il permettent
ainsi aux investisseurs d’acheter des produits titrisés
tout en s’assurant contre l’éventuelle
insolvabilité des sociétés émettrices.
La
titrisation a, en outre, entraîné un développement
considérable de l’effet de levier. Le ratio entre les actifs et les fonds
propres des investisseurs était passé pour Bear
Stern de 26 en 2005 à 32,8 en 2007. Pour Merril
Lynch il était passé de 15 en 2003 à 27 en 2007. Il
dépassait 30 pour Morgan Stanley et Lehmann Brothers. Ainsi par exemple, alors que le
dépôt de garantie est fixé à 10% pour les
obligations ordinaires, les obligations de synthèse émises par
les CDS ne requièrent qu’un dépôt de 1,5%.
Ces nouvelles techniques financières ont pour
fonction de permettre aux banques d’investissement de se
défausser du risque sur d’autres investisseurs en quête de
rendements élevés. Elles ont également
créé des Structured Investments Vehicles (SIV),
véhicules d’investissement structuré, afin de maintenir
hors bilan leurs propres positions (ce qui permet de contourner la
réglementation Bale II).
Mais, au-delà, de cet aspect purement
financier, ces nouveaux produits financiers ont une autre fonction
essentielle : faire financer par des investisseurs non résidents une
partie significative de la dette des ménages américains. En
effet, en 2006, le taux d’épargne des ménages
américains devient négatif (-0,7%). On pourrait donc en
conclure que la cause première des déséquilibres
extérieurs américains est l’insuffisance de
l’épargne et l‘excès de l’investissement des
ménages.
Ainsi en premier trimestre 2006, sur les 850
milliards de capitaux étrangers nécessaires au financement de
l’économie américaine, un quart provient des autres
banques centrales non résidentes, le reste est assuré par les
investisseurs privés non résidents sous forme d’achats
d’obligations émises par les institutions financières et
destinées surtout au refinancement, par les marchés, de la
dette des ménages par le biais de la titrisation.
La politique monétaire américaine a
donc pour objectif, dès lors qu’éclate une bulle
(internet par exemple), d’empêcher l’ajustement structurel
inévitable entre l’épargne et l’investissement (des
ménages), d’autant plus qu’elle opère un transfert
massif de l’endettement privé des entreprises vers les
ménages. Le canal de transmission utilisé a été
le refinancement des prêts hypothécaires. Les ménages ont
ainsi pu faire progresser leur consommation plus vite que leur revenu
disponible.
L’économie tout entière repose
sur un endettement quasi illimité des ménages. Or aucun
système décentralisé d’économie de
marché ne peut fonctionner correctement si la création ex
nihilo de nouveaux moyens de paiement permet d’échapper, au
moins pour un temps, aux ajustements nécessaires.
Les effets concrets de la mondialisation :
La doctrine de la mondialisation reposait sur
l’idée que la libre circulation des marchandises, des services
et des capitaux permettraient la meilleur allocation
des ressources à l’échelle mondiale. On avait pas tenu
compte des effets concrets de celle-ci : le déficit commercial
structurel des pays développés vis
à vis des pays émergents et sa conséquence :
l’instabilité du système financier mondial.
La mondialisation, en effet, a fait apparaître
un phénomène singulier, alors que les pays
développés (Etats-Unis, UE à quinze, Japon) ont un taux
d’épargne faible (18% en moyenne) l’ensemble des pays
émergents ont un taux d’épargne forts (38% en moyenne en
2007). Cela signifie donc que les pays développés enregistrent
un énorme déficit commercial vis à vis des pays
émergents.
En 2007 le déficits
cumulés de la balance commerciale des premiers a atteint 1100
milliards de dollars, alors que l’excédent des seconds (y
compris Russie et OPEP) dépassait les 600 milliards de dollars. Il y a
donc forcément des flux de capitaux, de même ampleur que ce
déficit commercial, qui transitent des pays
émergents vers les grands pays de l’OCDE.
En 2007, les réserves de change des pays
asiatiques atteignaient 2400 milliards de dollars, celles de la Russie et des
pays de l’OPEP, 1100 milliards. La part du financement du déficit
extérieur des Etats-Unis (et, dans une moindre mesure, de
l’Union Européenne) qui doit être assuré par les
banques centrales a logiquement augmenté après la crise de
l’été 2007 : elle approchait 100% aux Etats-Unis au
début de 2008, empêchant de ce fait les achats
d’obligations d’entreprises, de crédits structurés
et autres actifs titrisés par les non
résidents, lesquels se sont brutalement effondrés avec la crise
des Subprimes (c‘est la grande
différence avec l‘année 2006).
La
croissance de la liquidité mondiale (14% en 2008) repose sur
l’augmentation continue du crédit et du prix des actifs, elle
masque ainsi une cruelle réalité : la faiblesse structurelle du
taux de croissance des pays développés. Autrement dit
l’endettement des ménages a compensé les revenus que les
pays riches ont perdu au fur et à mesure de leur
désindustrialisation. La production industrielle est aux Etats-Unis,
au même niveau, qu’il y a dix ans, et le taux
d’investissement a été divisé par deux.
Comme nous l’avons vu, les Etats-Unis doivent
faire financer la totalité de leur déficit extérieur par
les banques centrales non résidentes (achats de bons du
trésor). Or les différents plans qui ont été mis
en place ont fait exploser les déficits et les dettes publics : cette
année le déficit public devrait atteindre 1752 milliards de
dollars, soit 12,3% du PIB; quant à la dette publique, elle devrait
atteindre en 2010 prés de 80 % du PIB. L’endettement de
l’Etat prendrait le relais de l’endettement des ménages.
Celles-ci devrait hésiter à financer
le déficit américain, car elles vont se poser la question : les
Etats-Unis ont-ils les moyens de rembourser une telle dette?.
L’importance de l’endettement
américain pose aussi une question plus fondamentale : celui de
l’instabilité du système financier mondial qui repose sur
le dollar (qui est la monnaie de réserve internationale).
En effet chaque pays possède des
réserves de changes qui remplissent deux fonctions : le
protéger contre un événement économique
imprévu (augmentation des taux d’intérêt,
augmentation du taux de change), mais aussi à ajuster sa politique de
change à sa politique économique.
La plupart de celles-ci sont libellées en
dollars et plus précisément en bons du
trésors (les T-Bills). Leur grand avantage, c’est
leur liquidité, on peut les convertir très rapidement en
dollars ou en Euros. Leur grand inconvénient c’est
qu’elles offrent une rémunération faible, entre 1% et 3%
(la rémunération réelle peut même devenir
quasiment nulle, voir négative, en fonction du taux
d’inflation).
On peut donc considérer un pays à
monnaie de réserve, comme un pays qui exporte des bons du
trésor. Cela revient donc à dire, qu’il s’agit
d’un pays qui consomme plus qu’il ne produit; ou ce qui revient
à la même chose qui importe plus qu’il n’exporte. Il
doit donc emprunter la différence à l’étranger.
Mais exporter des bons du trésor, ce n’est pas comme exporter
des machines outils ou des ordinateurs, cela ne crée pas
d’emploi. Si bien
qu’en général, les pays à monnaie de
réserve, ont un problème d’insuffisance de la demande
globale. C’est particulièrement le cas des Etats-Unis. Dans ce
cas, c’est le déficit commercial qui induit le déficit
budgétaire et non pas le contraire.
La montée de l’endettement finit par
miner la confiance, qui est nécessaire pour maintenir le dollar dans
son rôle de monnaie de réserve international, d’autant
plus que les différentes mesures prises ont accru l’endettement
de manière considérable.
Le dollars s’est littéralement
écroulé par rapport à l’Euro, du 14 juillet 2008
au 28 octobre 2008, puisqu’il a perdu 21% de sa valeur. Cette tendance
est insoutenable puisque nous avons vu que début 2008, les Etats-Unis
devait faire financer par les banques centrales non résidentes la
totalité de leur déficit extérieur.
Ajoutons à cela que la mondialisation
réduit l’efficacité de la politique monétaire,
puisqu’à partir de 2004, l’augmentation de la masse
monétaire mondiale est due pour l’essentiel (les 4/5) à
l’augmentation des réserves de changes. La gestion par les taux
n’est plus suffisante. Il faut mettre en place des politiques
monétaires coopératives à l’échelle du
monde.
En conclusion
on peut dire que la doctrine du libre échange triomphante a
méconnu une donnée essentielle : une libéralisation
totale des échanges et des mouvements de capitaux n’est
possible, elle n’est souhaitable que dans le cadre d’ensemble
régionaux groupant des pays économiquement et politiquement
associés, et de développement économique et social
comparable.
La crise actuelle et ses conséquences :
Si l’on veut comprendre la crise actuelle, il
faut comprendre qu’il s’agit avant tout d’une crise de
l’endettement. Elle commence à l’été 2007
par le retournement du marché immobilier, puis entraîne une
crise financière d’une ampleur inégalée (sauf si
on la compare à la crise de 1929), qui se transforme en une crise
économique mondiale puisque le FMI comme l’OCDE prévoient
un récession mondiale.
Il s’agit, en réalité, de la
première crise de l’économie mondialisée.
Des crises, d’une telle ampleur, ont abouti
soit au renforcement d’un centre économique et financier mondial
(crise de la City en 1720), soit au passage à un nouveau centre
dominant (crise de la City en 1890 qui fait de Wall-Street le nouveau centre
dominant).
La crise actuelle à de nombreuses
conséquences. Elle remet en cause des dogmes établis :
l’idée que le marché pouvait s’autoréguler.
Elle pose de nombreuses questions : faut-il nationaliser les banques?,
faut-il créer une véritable monnaie internationale?, les pays
développés doivent-ils mettre en œuvre un nouveau
modèle de croissance?.
Quoiqu’il en soit, on peut dire que
l’éclatement de la bulle immobilière américaine
marque la fin d’un long cycle de croissance (qui commence en 1980) qui
était basé sur la tendance, à long terme, à
l’expansion illimitée du crédit (ou de
l’endettement).
La crise actuelle :
Afin de comprendre les causes de la bulle
immobilière, il faut revenir en arrière.
A la suite de l’éclatement de la bulle
technologique en 2000 et à l’attaque terroriste du 11 septembre
2001, la FED a baissé progressivement ses taux pour les ramener
à 1% et les a maintenu à ce niveau jusqu’en juin 2004. Il
s’est donc créé une bulle immobilière qui reposait
sur le laxisme de plus en plus agressif dans l’octroi des prêts
(on pouvait contracter un prêt alt.-a ou Subprime,
sans remplir le moindre formulaire) et sur l’idée, aussi fausse
que répandue, que la valeur des garanties n’était pas
affectée par la propension à prêter.
De nombreux indices laisser
supposer qu’il s’agissait d’une bulle en formation.
D’abord le taux d’épargne des ménages baissait
fortement alors que le prix de l’immobilier suivait le chemin inverse.
On pouvait aussi remarquer que les américains avaient davantage accru
leur endettement immobilier au cours des six dernières années
(avant la crise) que dans toute l’histoire du marché
hypothécaire américain.
Enfin les hypothèques ALT-A et subprimes représentaient, en 2006, le tiers des
hypothèques souscrites.
La bulle s’est développée
lentement, elle n’a pas éclaté, quand la Fed a fini par
réagir et a remonté ces taux pour les porter 4%, même si
elle n’a pas réussi à faire baisser les taux longs
à cause de l’avalanche d’épargne en provenance du
monde entier.
Elle était en réalité soutenue
par la demande spéculative qui favorisait des techniques de
titrisation de plus en plus sophistiqué.
Les indices immobiliers commencent à
fléchir et s’inversent définitivement courant 2006. Le
moment de vérité est venu : au printemps 2007, le
problème des Subprimes se pose et
entraîne la faillite de New Century Financial Corporation.
Des bulles similaires ont été
observées ailleurs : au Royaume-Uni et en Espagne; mais ce qui
différencie la bulle immobilière américaine, c’est
sa taille, ainsi que son importance pour l’économie mondiale et
le système financier international.
S’ouvre alors un nouveau chapitre : la crise
financière.
Celle-ci (et la crise économique) repose
avant tout, comme nous l’avons vu, sur l ‘explosion de la
dette globalisée : la dette des ménages américains passe
de 46% du PIB en 1979 à 98% en 2007. La dette extérieure
américaine représente 70% du PIB. La dette totale des
américains (tous agents confondus) atteint 350% du PIB, soit bien plus qu’en 1929.
Il en va de même en Grande-Bretagne, où
la dette des ménages explose, elle passe en trente ans de 20% à
80% du PIB. De même en France et ailleurs, au moins pour ce qui est de
la dette publique.
La crise financière commence quand, la banque
Bear Stern annonce le 15 juin 2007, que deux de ses
hedges funds hypothécaires
ont des difficultés à répondre à des appels de
marge.
Le 9 août, les marchés du crédit
à court terme sont suspendus, BNP - Paribas, a suspendu la cotation de
trois de ses fonds d’investissement, d’un montant total de 2
milliards d’euros, en invoquant des difficultés sur le
marché américain des crédits subprimes.
Elle déclare ne pouvoir en évaluer les actifs, le marché
ayant cessé de fait d’exister.
La dérégulation progressive des
marchés financiers aux Etats-Unis a permis la création
d’outils financiers dont le but essentiel était de permettre aux
différents acteurs du secteur financier (banques, organismes de
crédit) d’échapper à leur responsabilité
ainsi qu’aux risques inhérents dus à la
solvabilité de leurs emprunteurs.
Autrement dit, la titrisation de la dette
hypothécaire US, s’est peu à peu transformé
en un système de recherche du profit pur et simple pour un nombre
croissant d’intervenants
qui empochaient leurs commissions tout au long de la
chaîne de production du crédit immobilier.
En outre, la titrisation qui était
censée réduire les risques grâce aux
découpage en tranches et à la diversification
géographique. En réalité, les a aggravés en
transférant la propriété des hypothèques de
banquiers qui connaissaient leurs clients à des investisseurs, dans le
monde entier, qui ne les connaissaient pas.
Ensuite la méthode choisie qui a
consisté à mélanger tout type d’actifs (par
exemple dans les CDO), fait qu’il est difficile de connaître ses
contreparties et le risque qui leur est associé.
Au début de la crise il est donc difficile de
chiffrer les pertes avec exactitude, même si les banques vont tout
faire pour minimiser l’importance de ces dernières.
Rien
n’illustre mieux la folie de la tirisation
que le marché des CDS, de loin le premier marché de produits
synthétiques. En effet la valeur nominale totale des CDS en cours est
estimée à 42 600 milliards de dollars, soit presque
l’équivalent du patrimoine immobilier privé aux
Etats-Unis. A titre de comparaison, la capitalisation boursière
américaine est de 18 500 milliards de dollars, le marché des
valeurs du trésor de 4500 milliards.
Aujourd’hui, il est possible de chiffrer les
pertes subies par les banques américaines : selon le FMI, elles
s’élèveraient à 2400 milliards de dollars, selon Nouriel RoubinI
(économiste américain qui avait prévu la crise
actuelle), elles s’élèveraient à 3600 milliards de
dollars (en tenant compte de l’impact de la crise économique),
alors que leurs fonds propres sont de 1200 milliards de dollars.
La conséquence que l’on peut en tirer
est simple, le système bancaire américain est insolvable et par
voie de conséquence le système bancaire mondial, puisque les
principales créanciers des banques américaines sont les autres
banques en Europe et ailleurs.
Quand la crise éclate la Fed pense
qu’il s’agit simplement d’une bulle immobilière,
elle évalue les pertes à 100 milliards de dollars. Elle va donc
injecter des liquidités, en baissant son taux directeur et essayer de
régler le problème en restructurant le système bancaire.
Elle va ainsi aider J.P. Morgan Chase à racheter Bear
Stern qui risquait de faire faillite (15 mars 2008).Le 7 septembre 2008, le
trésor américain est obligé de mettre sous tutelle
Fannie Mae et Freddie Mac (organismes de refinancement hypothécaires
créés par Roosevelt).
Le 15 septembre 2008, les choses
s’accélèrent, Lehmann Brothers
fait faillite le risque systémique devient une réalité.
Face au problème de l’insolvabilité des banques
américaine, il faut mettre en place une solution d’ensemble.
A la même date Banque of America
rachète Merril Lynch grâce à
l’aide de la Fed et l‘assureur AIG est à la recherche de
75 milliards de dollars afin d‘éviter la faillite. En effet,
celui-ci est particulièrement exposé sur le marché des CDS
(dont il était un des intervenants majeur). Il ne devra son salut
qu’a un prêt relais de la Fed de New-York, d’un montant de
85 milliards de dollars (en échange duquel l’Etat aura droit
à 80% du capital, ce qui revient à une nationalisation de
fait). Le 29 septembre 2008, Citigroup reprend Wachovia.
Enfin le Secrétaire d’Eat au Trésor, Hank Paulson, annonce un plan visant à
débarrasser les banques des actifs toxiques, pour un montant de 750
milliards de dollars.
La crise s’est répandue dans le monde
entier : l’Islande est en faillite; l’Irlande, l’Espagne,
le Portugal en grandes difficultés. La Grande Bretagne dont le
modèle économique était centré sur la City est
aussi en grande difficulté.
Les dirigeants de l’union européenne se
réunissent et décident de mettre en œuvre, sur une base
nationale, les recommandations du plan Brown qui prévoit de garantir
les engagements des banques sur le marché interbancaire ainsi que les
dépôts bancaires. Il prévoit, en outre, de recapitaliser
les banques qui sont en difficulté. Le plan Paulson
qui consistait initialement à racheter aux banques leurs actifs
toxiques, suivra le même schéma
Malgré les mesures prises, la crise
financière s’est transformé en
une crise économique, d’abord au travers du blocage du
marché interbancaire, ensuite au travers du blocage des marchés
du crédit.
Si la crise de 1929 était une crise locale
qui s’est diffusé dans le monde à cause des
dévaluations compétitives et des mesures protectionnistes, la
crise économique actuelle est par définition une crise mondiale
qui est due à l’insolvabilité du système bancaire
mondiale. Les banques centrales sont donc devenues les prêteurs de
premier et de seul recours.
Afin de lutter contre la crise elles ont donc
baissé leurs taux directeurs, a tel point que les taux réels
sont devenus négatifs ou nuls : les taux directeurs de la Fed sont
compris entre 0% et 0.25%, ceux de la Banque d’Angleterre se situent
à 0,5%, ceux de la BCE à 1,5.
La politique monétaire ne peut plus stimuler
l’économie, à cause de la trappe à
liquidité (taux réels négatifs ou nuls). Il ne reste
donc qu’à utiliser l’arme budgétaire.
Les Etats vont donc mettre en place des plans de
relance : d’un montant de 787 milliards de dollars pour les Etats-Unis
(5,5% du PIB), 586 milliards de dollars pour la Chine (7% du PIB), 106
millions de dollars pour le Japon (2,5% du PIB), 102 milliards de dollars
pour l’Allemagne (3,1% du PIB), 38 milliards de dollars pour le Royaume
- Uni (1,3% du PIB) et 32,5 milliards de dollars en France (1,3% du PIB).
Malgré cela, se développe une crise
économique d’une ampleur inégalée, qui touche tous
les pays. Au quatrième trimestre 2008, la baisse du PIB est de 6% aux
Etats-Unis, de 6% dans la zone euro, 8% en Allemagne, 16% à Singapour
et 20% en Corée du Sud.
Il y a donc un risque non négligeable que
l’actuelle récession en U se transforme en une dépression
en L. La production industrielle est en chute libre et les destructions
d’emplois sont massives. La baisse des exportations se situe entre -40%
et -50% au Japon, à Taiwan et en Corée. Même si la baisse
est moins importante en Chine, les importations se contractent de -40%. La
contraction de l’économie mondiale, au premier trimestre 2009,
semble se poursuivre au même rythme.
Il faut aussi tenir compte du fait que sur les 800
milliards de dollars du plan de relance américain, seulement 200
milliards seront dépensés en 2009 et la moitié consiste
en des réductions d’impôt qui seront en grande partie
thésaurisée par les ménages américains. Sur les
100 milliards de dollars de réduction d’impôt
accordé l’an dernier, 30% seulement ont été
dépensés et le reste épargné.
L’ajustement de la consommation
américaine et de l’épargne se poursuit, même si le
taux d’épargne a augmenté de 5% au sens des comptes de la
nation (NIA), il reste fortement négatif à cause de la baisse
de la valeur nette du patrimoine des ménages (ce qui laisse supposer
une contraction de la consommation sur les années à venir).
En définitive, le problème est simple
lorsque tout le monde essaie d’épargner plus, dans une
économie où le taux d’intérêt est proche de
zéro, les revenus chutent et la situation empire.
Le paradoxe du désendettement est
désormais bien connu : lorsque toutes les banques vendent des actifs
pour tenter de réduire leur exposition et leur bilan, cela à
pour résultat une chute du prix de ces actifs et aggrave leurs
problèmes de capitalisation.
La déflation peut avoir des résultats
aussi redoutables. Une entreprise peut tenter de préserver son
activité, ou un travailleur son emploi, en acceptant de baisser ses
prix ou son salaire, mais quand tout le monde agit de même cela produit
une déflation de la dette, c’est à dire une augmentation
de la charge de la dette qui pèse sur l’économie. Cela va
donc induire des anticipations déflationnistes dans les
décisions d’investissement et de crédit, ce qui amplifie
la crise.
Nous ne sommes en réalité qu’au
premier stade de la crise, selon le directeur du Congressionnal
Bureau Office (organisme chargé d’évaluer la politique
budgétaire aux Etats-Unis), qui écrit : « en
l’absence de d’un changement dans la politique budgétaire,
le CBO prévoit que l’écart entre la production et le
potentielle de production de la nation sera le plus important, en
durée et en valeur depuis la dépression des années
1930 ».
Les conséquences de la crise actuelle :
Il faut réaliser que la crise actuelle est
plus grave que la crise de 1929, du moins si on se fie aux données
chiffrées. En effet selon les calculs des économistes Barry Eichengreen et David O’Rourke,
la chute de la production industrielle mondiale est, depuis neuf mois aussi
violente qu’en 1929. La chute des cours de bourse est deux fois plus
rapide, de même que le recul du commerce international.
L’économie mondialisée ne connaît
pas de crise locale, celle-ci est par définition globale,
d’autant plus que la globalisation des marchés financiers
amplifie le phénomène à l’extrême.
Elle marque aussi et surtout la fin d’un long
cycle de croissance qui a commencé dans les années 1980 et qui
reposait sur l’idée d’un endettement quasi illimité
favorisait par l’innovation financière, en s’appuyant sur
deux tendances indissolublement liées : la maximisation de la valeur
pour l’actionnaire et la mondialisation (du moins telle qu’elle a
été mise en place jusqu’à présent).
Elle pose, en outre, une question, qui aurait
semblé étrange, il y a encore un an : faut-il nationaliser les
banques américaines (du moins celles qui sont en difficultés)?.Le gouvernement américain a déjà
engagé pour le système financier la somme (extravagante) de
9000 milliards de dollars sous forme de garanties d’investissement, de
recapitalisation et de liquidités (dont 2000 milliards ont
déjà été dépensés).
Sous cet angle on peut dire que le système
bancaire est de facto nationalisé, puisque l’état
américain détient respectivement 36% de Citigroup
et 80% d’AIG.
Concernant cette dernière, les fonds
engagés par la FED et le trésor américain pour renflouer
les actionnaires et les créanciers sont passés de 80 milliards
à 162 milliards de dollars.
Le sauvetage de AIG,
c’est le sauvetage de ces créanciers qui sont les principales
banques américaines et européennes. Elle a, en effet, vendu 500
milliards de CDS (garantie sur
défaillances de crédit).
Principales bénéficiaires des largesses de la Fed et du
trésor américain : Goldmann Sachs, Merryl
Lynch, Morgan Stanley ainsi que d’autres banques américaines et
européennes. Autrement celles-ci seraient insolvables.
D’ailleurs même avec les 2000 milliards
de dollars, elles sont insolvables. L’augmentation des défauts
de paiement due à la crise, permet de penser que les pertes
prévisibles des banques seront 3600 milliards de dollars. Ajoutons
à cela que la dernière estimation faite par le FMI, les
évalue à 4600 milliards de dollars (voir le monde du
21/04/2008). Le système financier est effectivement insolvable.
La seule solution c’est donc la nationalisations « de jure » des
banques américaines qui permettra à la fois de contrôler
le bon usage des fonds publics et de connaître l’étendue
de leurs pertes, nous y reviendrons (Joseph Stigliz
et Paul Krugmann y sont favorables).
La solution choisie le plan Geitner
(secrétaire d’état au trésor) écarte
clairement cette solution au profit d’une bad
bank qui résulterait du mariage entre fonds
publics et privés. A
partir d’un apport relativement faible du trésor : entre 75 et
100 milliards de dollars pris sur le plan Trouble Assets
Relief Programme (TARP), il
s’agit d’amener des fonds privés à racheter les
actifs toxiques au travers d’une procédure
d’enchères pour un montant global de 2000 milliards de dollars.
La Federal Deposit Insurance Corporation
(FDIC) qui garantit les dépôts bancaires au Etats-Unis, offrant
une garantie à hauteur de 85% de l’investissement
réalisé.
Il s’agit d’une variante plus complexe
du plan Paulson qui proposait que
l’état se porte acquéreur des actifs toxiques à
« un juste prix » (tout le problème est de
définir celui-ci). Solution très favorable pour les banques et les actionnaires et
très défavorable pour les contribuables. En effet Paul Krugman expliquait dans un article paru dans le New York
Times (23 mars 2008), que si les actifs toxiques baissait les investisseurs
n’avait pas en s’en préoccuper, et qu’en revanche
s’ils remontaient, ils empochaient tous les profits grâce
à l’argent du contribuable.
Quant à Joseph Stieglitz (un autre prix nobel d’économie), il expliquait sans
détours lors d‘une interview donnée à
l‘agence Bloom Berg (17 avril), que ceux qui avaient conçu ce
plan étaient soit « corrumpus par
les banques, soit absolument incompétent ». Selon lui ce
plan a été conçu pour aider Wall - Stress (c’est
une subvention déguisée) plutôt que pour mettre en place
un système financier viable. En outre, les principaux conseillers de
la Maison Blanche, en matière économique, sont trop liés
à Wall-Streeet, notamment Lawrence Summers, ancien directeur d’un Hedge
Funds (D.E. Shaw and Co).
La conclusion, que l’on pourrait en tirer,
c’est que le système politique américain au sens large
(pouvoir exécutif et législatif), serait dans
l’impossibilité de mettre en œuvre des solutions efficaces.
Simon Johnson (ancien économiste en chef du FMI) dans un entretien qu’ il a donné au magazine américain
The Atlantic ( numéro du mois de mai), intitulé « Le
coup d’Etat feutré », explique que l’industrie
financière aurait mis la main sur le gouvernement.
Il explique que l’industrie financière
aurait accumulé un énorme pouvoir politique, grâce
à la politique mené par Reagan et à la progressive
dérégulation des marchés financiers. La part des profits
du secteur financier dans l’ensemble des profits est passé
ainsi passé de 16% en 1986 à 41% de nos jours. Les Etats-Unis serait devenu une république bananière.
Le pouvoir de Wall-Street reposerait sur une
véritable fascination culturelle ainsi que sur le passage des
dirigeants des grandes banques d’investissement aux postes clefs du
trésor américain.
L’oligarchie financière utiliserait
ainsi son pouvoir afin de mettre en place des solutions conformes à
ces intérêts. Selon lui, les banques refuseront de donner leurs
véritables pertes, car elles seraient considérées comme
insolvables. La solution passerait donc par la nationalisation des banques en
difficultés afin de connaître l’étendue exacte de
leurs pertes et le démembrement de celles-ci, à terme, afin que
ne s’applique plus le principe : « to big
to fall ».
Autre conséquence de la crise actuelle, la
remise en cause de l’idée que les marchés peuvent
s’autoréguler. Autrement dit, il s’agit de remettre en
cause la théorie de l’équilibre général (ou
de l’efficience des marchés). Selon cette théorie,
l’équilibre économique atteint, serait aussi un optimum sociale. Il s’agit en réalité
d’un modèle théorique qui repose sur des
hypothèses très restrictives : rationalité parfaite des agents
économiques et concurrence pure et parfaite. Les résultats
obtenus par la science économique et la théorie
financière modernes permettent de penser, tout au contraire, que les
marchés ne sont pas efficients.
Herbert Simon (prix nobel
d’économie) a démontré que les individus ne se
comportaient pas dans l’entreprise, comme le soutient la théorie
classique de la firme. Par ailleurs, dans une économie complexe, les
individus ayant des capacités cognitives limitées, leur
rationalité est limitée (« bounded
rationality »).
Joseph Stigliz (prix nobel d’économie) à quant à
lui démontré que quand l’information est imparfaite et
les marchés du risque incomplets (ce qui est toujours le cas), la
maximisation de la valeur de marché ne permettait pas d’arriver
à l’efficience économique.
Enfin le prix nobel
d’économie, Douglas Nortth, en
étudiant les systèmes économiques, dans une perspective
historique à très long terme, a montré que les
sociétés humaines mettait en place des
institutions économiques qui n’étaient pas efficientes;
ce qui l’a amené à remettre en cause
l’hypothèse de la rationalité des agents
économiques. Selon lui la rationalité n’est possible que
si les choix sont limités et un marché ne peut être
efficient que dans un cas très simple : un marché à prix
affichés, où il suffit de choisir les quantités (Douglas
North, le processus de développement
économique, Éditions d’organisation).
Quant à la théorie financière
moderne, elle a démontré, grâce aux acquis de la finance
comportementale, que les agents économiques n’étaient pas
rationnels, en situation d’incertitude et/ou d’asymétrie
informationnelle, à cause de leurs biais psychologiques et
émotionnels, ce qui expliquait le décalage d’un actif
financier par rapport à sa valeur fondamentale (bulle spéculative).
La théorie des conventions, à quant a
elle montré, qu’en situation d’incertitude et/ou
d’asymétrie informationnelle, la seule manière pour un
individu, de prendre une décision sur un marché financier,
était de se référer à un ensemble de
règles admises comme telles par une communauté (une
convention). Il existe donc une forme de rationalité qui est une
rationalité mimétique, très éloigné de la
rationalité néo-classique qui suppose de pouvoir
déplacer dans l’arbre de décisions afin de choisir la meilleure
solution.
Quant à Georges Soros,
il va remettre en cause, au travers de la théorie de la
réflexivité, l’hypothèse de la théorie
néo-classique selon laquelle les marchés financiers doivent
refléter toute l’information présente et futur. Selon lui, dans certains cas, les marchés
financiers peuvent influencer les fondamentaux. Il existe une
dépendance dynamique entre perception et réalité : la
perception modifie les fondamentaux qui tendent à rejoindre des
niveaux justifiant la perception.
En outre, le modèle économique actuel,
repose sur le fait d’empêcher l’ajustement structurel
inévitable entre l’épargne et l’investissement des
ménages (sauf en cas de crise) et ne tient pas compte des effets
concrets de la mondialisation : déficit commercial structurel entre
les pays développés et les pays émergents, augmentation
de la masse monétaire mondiale….
Comme nous l’avons vu, une
libéralisation totale des échanges et des mouvements de
capitaux n’est possible, elle n’est souhaitable que dans le cadre
d’ensemble régionaux groupant des pays économiquement et
politiquement associés, et de développement économique
et social comparable.
Il fallait donc avoir recours à une
théorie qui justifie une libéralisation totale des
échanges et des mouvements de capitaux : la théorie de
l’efficience des marchés (ou de l’équilibre
général).
Cette théorie se transforme donc en une
idéologie : le fondamentalisme de marché, que rien ne justifie.
Remarquons, en outre, que la conception des produits titrisés
et des modèles mathématiques associés (modèle de
risque) repose sur le paradigme, que les marchés sont à
l’équilibre et qu’ils ne peuvent s’éloigner
de celui-ci qu’aléatoirement.
La crise actuelle serait donc impossible.
On peut dire la même chose de la politique de
la Fed, à l’époque de Monsieur Greenspan, la bulle
spéculative est exogène au système. On ne peut
intervenir pour la prévenir. On ne peut agir que quand elle a
éclaté (l’argument théorique est de Monsieur Bernanke, l’actuel président de la Fed).
Il est certain que le développement du
fondamentalisme de marché va de pair avec le prodigieux pouvoir
politique qu’a accumulé le secteur financier américain.
On ajoute, au pouvoir économique et
politique, le pouvoir de séduction idéologique. Il s’agit
en réalité d’une idéologie dangereuse, car elle
considère la démocratie comme un rouage subalterne du
marché.
Enfin dernière conséquence : faut-il
créer une véritable monnaie internationale ?.
Nous avons vu précédemment que le
pays, qui possède la monnaie de réserve internationale, a une
grande facilité à s’endetter, puisqu’il peut payer
sa dette en émettant des dollars ou des bons du trésor.
L’endettement nuit à son tour à la monnaie de
réserve internationale qui devient instable et perd de sa valeur, ce
qui lui fait perdre sa principale qualité : conserver la valeur.
Créer une véritable monnaie
internationale s’est transformé le système actuel des
réserves de change internationales qui repose sur le pouvoir
d’un seul pays (les Etats-Unis), en un système d’assurance
coopératif.
L’idée n’est pas nouvelle, elle a
été exposée pour la première fois par Keynes,
lors de la conférence de Bretton-Woods qui a défini l’actuelle architecture
du système financier international (1945) fondé sur le dollar
(le plan White). Il s’agissait de créer une monnaie
internationale : le bancor (convertible en or et
défini à partir d’un panier de monnaies)
, qui aurait été émise par une banque centrale
mondiale : L’Union.
Joseph Stigliz a
proposé, plus récemment, selon le même schéma, de
créer les Gremlins Dollars.
Dans ce cadre, le problème de
l’instabilité du système financier internationale repose
autant sur les pays qui ont un déficit commercial, que sur ceux qui
ont un excédent commercial. En effet, la loi d’airain du
commerce international : c’est que les déficits des uns sont les
excédents des autres (Keynes proposait de faire payer un impôt
aux pays ayant un excédent).
Chaque pays aurait donc échangé sa
propre monnaie contre un certain montant de la nouvelle monnaie. Dans le cas
où un pays serait en déficit, il aurait emprunté
à la banque centrale mondiale le montant nécessaire afin de
couvrir son déficit, ce qui l’amènerait à terme
à réduire celui-ci.
De la même manière la banque centrale
mondiale inciterait un pays qui aurait un excédent trop marqué,
à réduire celui-ci (par exemple en lui faisant payer un
impôt). On remarque tout de suite, le cercle vertueux induit par un tel
schéma économique, notamment pour les Etats-Unis : baisse du
déficit commercial, baisse du déficit budgétaire et
à terme baisse de l’endettement public.
Bien évidemment un tel schéma
améliore la stabilité du système financier
international, puisque cela revient à dire qu’il existe une
politique monétaire mondiale mais consiste à remettre en cause
le privilège exorbitant des Etats-Unis qui peuvent payer leurs dettes
en émettant leur propre monnaie.
Or il faut constater que la crise actuelle a
entraîné une véritable explosion de l’endettement
public américain, pour 2009 le déficit budgétaire se
situera à 12% du PIB, d’autant plus que les recettes fiscales
sont en baisse de 28% . Les Chinois ont, par
ailleurs, annoncés officiellement qu’ils n’étaient
plus disposés à financer, sans limite, la consommation
américaine.
En outre la Fed a entrepris de mener une politique
monétaire par des moyens non conventionnels : elle monétise la
dette. Elle utilise la planche à billets afin de racheter les bons du
trésor qui n’ont pas trouvé preneur pour un montant de
300 milliards de dollars. Elle tente d’éviter, en période
de tension sur les marchés obligataires, que la dette souveraine
n’évince la dette privée (émissions obligataires
des entreprises).
Le problème d’une telle politique
c’est qu’elle provoque une baisse du dollar (cela nuit, par
exemple, à la compétitivité des produits
européens) et relancera à terme l’inflation, ce qui est
la principale crainte des banques centrales qui détiennent leurs
réserves de changes en dollar (au premier rang duquel figure la Chine
puisqu’elle détient environ 2000 milliards de dollars de
réserves de change dont 70% en dollars, soit 1400 milliards de
dollars).
Augmentation sans précédent de
l’endettement public, baisse des recettes fiscales et politique
monétaire non conventionnelle constituent un véritable cocktail
explosif pour le dollar.
Le président de la banque centrale de Chine a
d’ailleurs plaidé pour la création d’une monnaie
internationale, en utilisant à cette fin les Droits de Tirage
Spéciaux (DTS) qui sont l’unité de compte du FMI (article
paru sur le site Internet de la banque centrale chinoise).
Il explique que le taux d’épargne des
ménages chinois ne peut être modifié car il dépend
de paramètres culturels, de la structure de la famille ainsi que du
fonctionnement de l’économie chinoise. Quant au taux
d’épargne des ménages américains, il estime que
dans le contexte de crise actuelle, ce n’est pas le moment de le faire
augmenter.
La seule solution passerait donc par
l’utilisation des DTS comme monnaie internationale, ce qui revient
à ne pas modifier les actuels excédents et déficits
commerciaux, mais à réduire l’exposition de la Chine au
dollar.
Dans le même ordre d’idée, la
Chine utilise d’ailleurs tous les moyens afin de réduire son
exposition au dollar en achetant des sociétés, des terres dans
le tiers monde et en faisant augmenter ses réserves d’or (elles
ont augmenté de 75% depuis 2003 et la Chine est devenu le
cinquième détenteur mondial de réserves d’or).
Le président de la banque centrale de chine
aborde la bonne question; mais en restreignant la
porté de son propos. L’intérêt de la
création d’une véritable monnaie international,
c’est la possibilité de réduire de manière
structurelle et ordonnée les déséquilibres des balances
courantes au niveau mondial, tout en rendant le système financier
international plus stable.
L’explosion de la bulle immobilière a
entraîné l’explosion de la bulle de l’endettement
que l’on peut dater des années 1980, ce qui a eu pour
conséquence de rendre insolvables les banques américaines et
par voie de conséquences les autres banques un peu partout dans le
monde.
Le blocage synchronisé, à
l’échelle du monde, des marchés du crédit a
entraîné une crise économique mondiale. La crise actuelle
serait donc plus grave que celle de 1929, mais évidemment tout
dépendra de la manière dont nous réagiront.
Il existe deux scénarios envisageables : un
scénario rationnel et un scénario catastrophe. Le terme
rationnel veut simplement dire, qu’à court terme comme à
moyen terme, on s’engage à traiter les problèmes de fond
que pose la crise actuelle.
A court terme, il faut partir de l’idée
que les principales banques américaines sont insolvables. Le
problème du plan Paulson (première
version) et du Plan Geitner, c’est qu’ils cherchent à
sortir les actifs toxiques des bilans des banques américaines, en
vendant ceux-ci à une valeur surévaluée, ce qui
empêche de lever l’incertitude et encourage à rechercher
des solutions au coups par coups. Il s’agit,
en outre, d’une subvention déguisée au secteur financier
qui empêche de définir un système financier viable.
Par ailleurs les banques refuseront toujours de
révéler leurs véritables pertes, de crainte
d’être considérées comme insolvables avec les
conséquences que l’on imagine.
Leur extraordinaire pouvoir économique,
politique et idéologique leur permettent de dicter de telles
solutions, alors qu’en réalité, il n’y a
qu’une solution : nationaliser les banques en difficultés ce qui
permettra de connaître l’étendue exacte de leurs pertes et
agir en conséquence.
Il faudrait, à mon sens, parallèlement
essayer de stabiliser le marché immobilier, puisque la plus grosse
partie des produits toxiques ont pour actifs sous-jacents un actif
immobilier, pourquoi ne pas recentrer le plan de relance, en venant en aide
aux propriétaires immobiliers qui risquent d’être
expulsés ?.
La FDIC pourrait offrir une garantie à
hauteur de 85% concernant les biens qui risquent d’être saisis,
ce qui suppose une modification de la loi sur les faillites personnelles aux
Etats-Unis. La stabilisation du marché immobilier permettrait de
procéder à une évaluation réaliste des actifs
toxiques qui pourrait être alors vendus à un fonds de restructuration dirigé
par l’état (c’est la solution qui a été mise
en place avec succès en Suède lors de la grave crise de 1990).
A moyen terme, il est certain que la solution passe
par un ajustement structurel et coordonné des balances courantes au
niveau mondial. Autrement dit, il faut passer de la mondialisation de fait
à la mondialisation de droit.
Les pays développés et les pays
émergents doivent inventer un nouveau modèle économique.
Les premiers doivent mettre en œuvre des
politiques visant à stimuler la croissance potentielle car ils ont des
taux de croissance structurellement faibles. La seule solution est de
développer l’innovation dans l’ensemble des secteurs
économiques.
En effet la stratégie de niche, suivi par les
Etats-Unis dans le domaine des nouvelles technologies de l’information
et de la communication, et de notre pays dans l’aéronautique et
le nucléaire, n’est pas efficace afin de stimuler la croissance.
On ne peut développer des services à
forte valeur ajoutée qui s’il existe une production industrielle
à forte valeur ajoutée.
Ils doivent, en outre, développer leurs
capacités exportatrices afin de satisfaire les besoins des pays
émergents.
Quant aux pays émergents, il est certain
qu’ils vont souffrir de la crise : fuite des capitaux, chute des
marchés boursiers et immobiliers; mais on peut penser que c’est
la croissance de leurs marchés intérieurs qui à
l’avenir va tirer la croissance mondiale.
Dans ce cadre la création d’une
véritable monnaie internationale offrirait un cadre adéquat
permettant de réduire de manière structurelle et
coordonnée les déséquilibres de balances courantes ainsi
que d’améliorer la stabilité du système financier
internationale.
Enfin, il existe concernant la crise actuelle, un
scénario catastrophe. Il repose sur l’idée que
l’administration Obama n’arrive pas
à imposer sa volonté au secteur financier.
Dans ce cas on resterait dans le cadre de
l’actuel plan Geitner qui a de forte chance
d’échouer, car il n’est pas basé sur un
raisonnement économique cohérent.
L’échec de celui-ci empêchera
toute relance significative de la croissance.
Dans ce contexte les plans de relance ne pourront avoir
qu’un effet limité : une augmentation de la consommation
à court terme.
L’actuelle récession pourrait se
transformer en dépression. Dans ce cas il est presque certain que les
Etats prendront des mesures protectionnistes. Or les différentes
économies sont arrivées à un tel stade
d’intégration (ainsi que les processus de production),
qu’il ne pourrait en résulter qu’un appauvrissement
généralisé : une république de Weimar à
l’échelle planétaire.
Le problème est que nous sommes exactement
à mi-chemin entre le scénario rationnel et le scénario
catastrophe : « L’homme est un être raisonnable, mais
les hommes le sont-ils » (Raymond Aron, conférence
prononcée à Londres).
Paul Bara
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