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La Crise de Trop

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Published : November 24th, 2010
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FOLLOW : Fmi Strauss Kahn
Category : Editorials

 

 

 

 

Les événements sont en train de prendre en Europe une drôle de tournure, confirmant que l’Irlande est la crise de trop. L’accalmie enregistrée lundi matin sur les marchés n’est plus qu’un vague souvenir. Annoncé à toute vitesse, le sauvetage irlandais n’a été adopté que dans son principe, et sa concrétisation est depuis devenue hypothétique. Plus on entend affirmer que la situation serait maîtrisée, moins elle se révèle l’être.

Loin d’être circonscrite à un seul pays, la crise est en train de s’inviter non seulement au Portugal et en Espagne, les deux futures victimes toutes désignées, mais menace directement par ses répercussions la Grande-Bretagne – pourtant hors zone euro – ainsi que le système bancaire européen, à commencer par celui des Allemands.

Ce ne sont pas seulement les taux obligataires des pays de la zone des tempêtes qui se retendent – après ne s’être que faiblement détendus – c’est l’euro qui connaît un nouvel accès de faiblesse prononcé vis-à-vis de toutes les grandes devises. Ce sont aussi les valeurs financières (celles des banques) qui sans exception trinquent depuis deux jours sur toutes les places boursières européennes, entraînant avec elles les indices dans leur chute.

Se prévalant à tort d’avoir cette fois-ci en main les outils permettant de réagir et de contrôler la situation, les autorités européennes n’ont pas compris que les marchés réclament dorénavant une solution globale à la crise de la dette européenne. Or, elles n’ont pas de réponse crédible à leur apporter et se réfugient derrière un fonds de stabilité qui ne fait pas le poids.

Trois stades de cette crise sont aujourd’hui observables simultanément, dans des pays différents, chacun posant problème.

À Athènes, la troïka vient de rendre son verdict – son rapport devant encore être adopté – réclamant d’importantes nouvelles mesures d’austérité qui vont accentuer brutalement le chômage, mais accordant dans son principe le versement de la 3éme tranche du prêt. Tout en laissant poindre la possibilité d’en étaler le remboursement ou d’accorder un prêt additionnel.

C’est une première reconnaissance officielle que le dispositif financier de soutien adopté n’est pas tenable, supposant possible un retour sur les marchés à son échéance, en 2013, après avoir dégagé les moyens de rembourser le prêt tout en réduisant comme exigé le déficit et la dette. Sans doute les Grecs ont-ils bénéficié de la relative mansuétude de leurs censeurs en raison de la simultanéité de cet examen de passage avec la crise irlandaise, ce qui montre que les autorités européennes ont conscience qu’ils marchent sur des œufs. L’Union européenne et le FMI sont dans la situation classique des banquiers qui doivent soutenir leurs débiteurs pour s’être déjà engagés auprès d’eux.

Le prochain examen de passage de la troïka est en février. Au rythme auquel de nouvelles mesures sont à chaque fois exigées, le passage dans l’économie informelle de Grecs toujours plus nombreux, qui y chercheront le moyen de survivre, est inévitable. Aboutissant à réduire les recettes fiscales du gouvernement au lieu de les augmenter…

En Irlande, où nous n’en sommes qu’au stade précédent – celui de l’obtention de l’aide – la situation politique a dérapé, rendant problématique l’adoption du nouveau budget 2011, dans le cadre du plan d’austérité de 4 ans qui devrait être rendu public d’ici à la fin de la semaine. Comment Brian Cowen, le premier ministre, pourrait-il tenir et ne dissoudre le parlement pour convoquer des élections qu’à partir de la mi-janvier, une fois le budget adopté ? Alors que de cette adoption dépend celle du plan de sauvetage de l’Union européenne et du FMI, à propos duquel de nombreux points importants faisant désaccord restent par ailleurs encore à régler.

L’incertitude est forte et va durer, alimentée par cette nouvelle dimension de la crise. Contribuant à la contamination d’autres pays européens. Sans que l’on puisse entrevoir cette fois-ci une quelconque pause ou accalmie.

Une troisième partie va se jouer demain mercredi à Lisbonne, où est organisée une manifestation qui, selon la presse portugaise, devrait rappeler par son ampleur celles qui suivirent le 25 avril 1974, date de la chute de la dictature salazariste et de la fin des guerres coloniales à l’initiative du MFA (Mouvement des Forces Armées). Les Portugais, les Grecs, les Irlandais et les Espagnols n’ont pas totalement oublié les temps durs de la misère, leur mémoire collective se trouvant ravivée par la dureté de ceux qui s’annoncent. Comme s’ils étaient rattrapés par un passé auquel ils croyaient avoir échappé.

Les invocations des uns et des autres étant de peu de poids pour conjurer le sort, et les autorités et gouvernements européens étant une fois de plus pris à contre-pied, quelle pourrait-être la nouvelle stratégie à envisager ?

Si un mérite doit être reconnu à Jean-Claude Trichet, c’est bien celui de la constance, y compris – et surtout – dans l’erreur. Lundi dernier, il a saisi l’occasion de la présentation devant le Parlement européen du rapport annuel 2009 de la BCE pour intervenir sur « la révision du cadre de la gouvernance ». Selon lui, 2011 devrait être l’occasion « d’une discussion approfondie sur la gestion financière et peut-être le début d’une modification du Traité » ; puis il a repris ses thèses favorites sur la résorption des déficits publics et l’arsenal de sanctions à prévoir pour ceux qui ne s’y résoudraient pas.

Devant la 6ème conférence des banques centrales, organisée par la BCE à Francfort, Dominique Strauss-Kahn a tenu un tout autre langage, appelant l’Union européenne à adopter une « stratégie de croissance commune » afin de « rompre les chaînes de sa faible croissance ». Précisant le même jour à l’occasion d’une conférence prononcée devant l’European Banking Congress : « Une vision européenne commune manque en matière de politique budgétaire, d’équilibres internes et du marché du travail ». Il a proposé de « créer une autorité budgétaire centralisée avec une indépendance politique comparable à celle de la Banque centrale européenne. Cette autorité établirait pour chaque pays sa politique budgétaire et allouerait des ressources à partir d’un budget central… ». Avant de reconnaître qu’une réalisation aussi ambitieuse n’était pas à portée immédiate, pour finalement préconiser un renforcement du rôle et du budget de la Commission, au détriment du Conseil européen.

Les Allemands persévèrent de leur côté, poussant leur projet de mécanisme de crise. La chancelière Angela Merkel l’a réaffirmé comme étant « une question de principe, [afin d’imposer] aux acteurs de marché d’assumer leurs risques ». Considérant « qu’il est important que nous en définissions assez rapidement les conditions futures, et que le marché ne soit pas soumis à des incertitudes ». Des dispositions qui auraient pour effet – mais elle ne le dit pas – de rendre le crédit plus onéreux pour les États et de les inciter à la vertu budgétaire. Les objectifs sont partagés avec Jean-Claude Trichet, mais les moyens ne sont pas les mêmes et demandent plus de temps.

Ces visions ont ceci en commun qu’elles sont des plans sur la comète et n’apportent aucune solution à une crise qui n’attend pas. En déclarant aujourd’hui à Stockholm « Le filet de sécurité est évidemment suffisamment grand pour l’Irlande », le président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy a du prendre en compte les interrogations qui se multiplient à propos de la capacité qu’aura le fonds de stabilité de faire face à de nouvelles crises nationales, en particulier en Espagne. « Je ne veux pas spéculer sur les chiffres exacts, mais dans tous les cas, il n’y a pas de problème pour le mécanisme de stabilité européen, il n’y a aucun problème », a-t-il insisté pour convaincre.

Un autre son de cloche était entendu en Allemagne, où devant le Bundestag, le ministre des finances Wolgang Schäuble déclarait « C’est l’avenir de notre monnaie unique qui est en jeu [en Irlande] », l’Allemagne devant selon lui prendre ses responsabilités, faute de quoi « les conséquences économiques et sociales pour notre pays seraient incalculables ». Ce n’est pas un autre langage que tenait George Osborne, le chancelier britannique de l’échiquier, en annonçant devant le parlement britannique que le prêt de 8 milliards de livres à l’Irlande qu’il défendait correspondait à « l’intérêt national », bien qu’obligé de reconnaître qu’il en « espérait le remboursement ».

Appelant à la vigilance, Miguel Ángel Fernández Ordóñez, le gouverneur de la Banque d’Espagne, soulignait devant le Sénat espagnol que les effets de la crise irlandaise « se sont étendus » aux pays périphériques de la zone euro et qu’ils « se sont fait sentir » sur la dette espagnole. Avec la même fermeté dans la voix que José Sócrates, le premier ministre portugais, Elena Salgado, la ministre espagnole de l’économie, écartait « absolument » tout effet possible de contagion.

Chaque fois qu’il est prononcé, ce discours sonne pour les marchés comme le signal qu’ils attendent. L’Espagne, selon une expression qui fait florès dans la presse, est « la dernière digue » qui protège l’euro. Les analyses ne manquent pas, à disposition des marchés, qui détaillent l’énormité de sa bulle immobilière – et sa dette privée afférente – ainsi que la faiblesse de son réseau de caisses d’épargne, même restructuré

Biillet invité : François Leclerc



Paul Jorion

pauljorion.com



(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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