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‘L’économie
Américaine bénéficie à une portion de plus en
plus restreinte de la société, et la politique internationale
des Etats-Unis a échoué à rétablir l’équilibre
du pays par le biais de solutions honnêtes et transparentes. Aux
Etats-Unis, de plus de plus de millionnaires, de PDG, ainsi que bon nombres
de mes collègues universitaires ont perdu tout sens de
responsabilité sociale. Ils poursuivent leur course à la
richesse et au pouvoir, sans se soucier des autres ».
-Jeffrey
Sachs, The Price of Civilization: Reawakening American Virtue and Prosperity.
Adam Smith, comme vous le savez
certainement, était un grand passionné du capitalisme. Il a
écrit un très bon livre traitant de la philosophie morale, et a
également occupé pendant quelques temps le poste de professeur
de morale.
L’une des idées
principales de Smith, que nous tendons aujourd’hui à oublier,
est que le capitalisme est supposé être un système canalisant
les instincts humains de base afin de les rediriger vers
l’activité sociétale. Depuis la nuit des temps, la
population humaine a toujours été concernée par son
propre développement – par le biais de la richesse et du
pouvoir, comme l’explique Jeffrey Sachs. Pensez à Gengis Khan.
Ou à Napoléon, parti conquérir les richesses de la
Russie. Ou encore aux chefs mafieux de votre ville.
Dans ce contexte de course
à la richesse, le commun des mortels ne jouit pas d’un sens
assez développé de responsabilité sociale pour pouvoir
développer une société capable de fonctionner hors du
système capitaliste – à part peut-être pour ce qui
concerne les société composées de moins d’une
soixantaine de membres. S’il est une chose que nous avons apprise de la
vie en société, depuis les colonies de pèlerins
jusqu’aux communautés d’artistes et de hippies, en passant
par la grande Chine communiste, c’est qu’elles finissent toujours
par faire chou blanc. Nous ne sommes simplement pas assez avancés en
matière spirituelle pour pouvoir fonctionner en tant que groupe. Nous
ne l’avons jamais été, et ne le serons
certainement pas avant la fin du prochain millénaire.
Smith a su apercevoir que le
capitalisme véhicule l’individualisme – en d’autres
termes, c’est un système de propriété
privée et de lois communes – de manière à en faire
profiter le reste de la société. Ceux qui aujourd’hui
visent à l’accumulation de richesse et de pouvoir, plutôt
que d’utiliser le viol, le pillage, et l’esclavage, comme ce fut
le cas tout au long de l’Histoire, doivent apporter un bien ou service
utile au reste de la société de manière à en
tirer profit. Cependant, la compétition n’a jamais permis
à ces profits d’être très élevés. Les
profits enregistrés par les sociétés
s’élèvent en moyenne à 8,3% de leurs revenus, soit
à bien moins que ce que la plupart des gens s’imaginent. Ils
représentent un pourcentage plus faible encore que la taxe sur les
ventes.
Malgré l’aversion
ambiante contre ‘les riches et les puissants’, la plupart des
personnes ayant accédé à leur richesse et à leur
pouvoir en apportant un bien ou service utile à l’ensemble de la
société sont encore aujourd’hui respectées par les
masses. Regardez l’affection qu’ont manifesté
les gens après la mort de Steve Jobs. Steve Jobs était loin
d’être un saint : il antidatait les actions de sa
société (un moyen direct de voler ses actionnaires), et les
conditions de travails des employés d’Apple à Foxconn ont entraîné plus d’un
suicide. De nombreux musiciens se plaignent de la manière dont les traite iTunes. Il n’en est pas moins que, pour
le cas d’Apple, le positif prend largement le dessus sur le
négatif. Qu’en est-il d’Oprah Winfrey ? Ou encore d’Elizabeth Taylor,
devenue milliardaire grâce à ses ventes de parfum ? Ou
encore du présentateur télé Ty
Warner, devenu multimilliardaire pour avoir vendu des jouets en
peluche ? Aucune mauvaise parole n’a jamais été
proférée contre eux.
L’idée d’encourager les comportements sociaux
productifs a contrario des comportements dangereux pour la
société se traduit par l’établissement de
nombreuses lois. Par exemple, nous avons découvert que la poursuite
personnelle de profit avait souvent des retombées négatives sur
l’environnement. Nous avons donc mis en place des lois permettant de
réguler la pollution. Les choses ont peu à peu changé de
perspective. Il est toujours possible pour les gens de faire des profits,
mais ils doivent le faire de manière qui ne soit pas destructrice pour
l’environnement. De nombreuses lois ont été
établies afin de renforcer la sécurité du travail, le
travail des enfants, et ainsi de suite, afin d’empêcher tout
comportement néfaste à la société et de canaliser
toute forme d’activité vers le développement social.
Les Etats-Unis
n’étaient pas uniquement une expérience
démocratique, mais également une expérience capitaliste,
telle que la définissait Adam Smith, dont le célèbre
ouvrage ‘La Richesse des Nations’ fut publié en 1776, la
même année que fut signée la déclaration
d’indépendance de l’Amérique.
Le ‘capitalisme’
comporte des éléments relatifs au ‘marché
libre’ ou à la politique de ‘laisser-faire’. Ces
termes englobent des idées complexes et sophistiquées qui
prendraient des heures à être expliquées dans le détail.
Ils ne signifient pas que les choses doivent évoluer de leur plein
gré. Le capitalisme est un système de règles visant
à produire des bénéfices, et ce même si ses
participants eux-mêmes ne tirent aucun intérêt de la
société dans son ensemble.
De nombreuses personnes ont
autrefois pu apercevoir et comprendre les principes vertueux du capitalisme.
De nombreux chefs d’entreprise ont respecté les règles
qu’il impose, parce qu’ils ont compris qu’elles
étaient bénéfiques à tous. Ils n’ont pas
concentré leurs efforts dans le but de détruire ce qui avait
fait de l’Amérique une nation riche et prospère.
Il n’en est pas moins que quelqu’un doit être
chargé de l’établissement des lois. Techniquement, ce
quelqu’un est le Congrès – n’étant plus
aujourd’hui un groupe connu pour sa mauvaise compréhension de la
responsabilité sociale et des principes capitalistes.
Théoriquement, les idéaux du Congrès devraient
être générés par le processus électoral.
Les électeurs sont sensés voter ceux pour qui prennent les
valeurs de la société à cœur. Mais c’est un
là système qui peut être corrompu et qui, à
l’heure actuelle, a clairement cessé de fonctionné.
Le fondement même de la
société Américaine n’est pas entièrement
démocratique, et ne comporte pas de système de
référendum direct comme la Suisse par exemple, où les
électeurs peuvent voter une loi par le biais d’élections
directes. Les américains ne risquent pas de se souvenir d’avoir
jamais voté pour ou contre une guerre. Pas plus que leur Congrès, d’ailleurs.
Les hommes politiques font des promesses, puis retournent leur veste.
C’est la même chose chaque année, et rien ne change
jamais.
Dans notre société
actuelle, des bénéfices fantastiques ont été
accumulés par des personnes n’ayant rien apporté à
la société, et dont les actions ont été
particulièrement destructrices. Ceci a tout d’abord
été observé au sein du système financier, qui a reçu
des centaines de milliards de dollars de la part des contribuables (connus
sous l’euphémisme de ‘plans de sauvetage’)
malgré le fait qu’il soit le responsable direct des
difficultés économiques d’aujourd’hui. Durant les
années 1990, la crise des caisses d’épargnes aux Etats
Unis aboutit à mettre plus de 2.000 directeurs de banque en prison. Les comportements néfastes
à la société étaient à
l’époque encore sévèrement punis.
Aujourd’hui, la crise est bien plus importante, et les responsables, plutôt
que d’en payer les frais, reçoivent des bonus extravagants.
Même le directeur de MF
Global, Jon Corzine, qui a violé la loi en
toute connaissance de cause, n’est toujours pas derrière les
barreaux. Lorsque la maison de courtage Refco
s’effondra en 2005, son directeur, Phillip Bennett fut poursuivi pour
des chefs d’inculpation similaires. En 2008, Bennet fut condamné
à 16 ans de prison. Refco devint plus tard
le cœur de MF Global.
MF Global fut organisée
selon le sous-chapitre III du chapitre 7 de la loi sur la banqueroute,
faisant référence aux maisons de courtage opérant sur le
marché des capitaux, plutôt que selon le sous-chapitre IV du chapitre
7, applicable aux maisons de courtages chargées des contrats à
terme, et ce malgré le fait que MF Global faisait partie de cette
dernière catégorie. Pourquoi ? Parce que cela
bénéficie à certaines banques too-big-to-fail ayant les moyens de
payer pour obtenir ce genre de faveur. Les lois n’existent plus, les
choses ne se font plus aujourd’hui que par le biais de
détournement.
C’est une leçon qui
est maintenant connue de tout le monde financier : vous pouvez violer la
loi, ou encore voler, le tout sans jamais être puni.
A suivre.
Nathan Lewis
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