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La
récente crise des subprimes
américaine ne doit pas nous faire oublier que, près de vingt
ans auparavant, le Japon avait, lui aussi, connu une crise similaire et que
les États-Unis auraient été bien inspirés
d’en tirer les leçons. Clive Crook, du
Financial Times, écrivait d’ailleurs que les États-Unis
prenaient la direction du Japon et qu’on était, actuellement, en
présence d’une crise dont il sera difficile de sortir.
L’analyse
de la crise japonaise nécessite au minimum deux articles. Un premier,
aujourd’hui, se penchera sur le déclenchement de la crise et sur
ses causes et un second examinera la situation du pays depuis 1998.
Retour, donc,
sur le Japon de la fin des années 1980 à travers l’article de
Benjamin Powell : ce pays, après la Seconde Guerre mondiale,
avait connu une croissance « miraculeuse », le faisant
accéder au rang de deuxième puissance économique
planétaire. Le yen était devenu une monnaie très forte,
ce qui, dans les années 80, ne satisfait plus les officiels japonais
du fait, entre autres, de la cherté des
exportations nippones. Une politique monétaire expansionniste fut
alors mise en œuvre entre 1986 et 1990. Selon Powell, ladite expansion
fut de l’ordre de 10,5% par an au cours de cette période. Les
taux d’intérêt furent considérablement
abaissés.
Cela
déboucha sur une importante bulle immobilière, le crédit
facile appâtant les citoyens japonais en quête
d’investissements immobiliers. L’investissement des entreprises
augmenta aussi considérablement. Face à cette bulle, la Banque
centrale nippone décida de diminuer la création
monétaire, en relevant les taux d’intérêt. Le
marché de l’immobilier s’effondra alors.
Cette crise
n’est pas inédite : déjà, en 1792, aux
États-Unis, la première banque centrale américaine
inaugura son existence par une politique massive de prêts à taux
réduits en vue d’attirer les emprunteurs, lesquels ne purent
plus faire face à leurs obligations une fois que ladite Banque changea
de stratégie et releva les taux. Deux cents ans après, le
même mécanisme se produisit au Japon, preuve que :
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L’action imprévisible des
banques centrales est généralement nuisible à
l’activité économique d’un pays ;
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Les crises économiques ont des
causes d’ordre universel. Ce qui s’est produit en 1792 aux
États-Unis se reproduira, presque à l’identique, au Japon
en 1990. Il fallait donc s’attendre à ce que la politique
monétaire du début du XXIe siècle de la
première puissance économique mondiale débouche sur des
effets semblables.
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Pour en
revenir au Japon, ce pays ne parvint malheureusement pas à sortir la
tête de l’eau : les prix de l’immobilier
continuèrent à s’effondrer durant toute la
décennie 1990. Ainsi, on a estimé la perte
d’actifs boursiers et immobiliers subie par les agents
économiques japonais à environ 1 000 billions de yens, soit
9.000 milliards de dollars ! De très nombreuses
sociétés de crédit à l’immobilier firent
faillite et le contribuable passa à la caisse pour financer leur
liquidation. Cela ne vous rappelle-t-il rien ?
De son
côté, le chômage augmenta très fortement dans un
pays où ce mot demeurait presque inconnu. Des géants
industriels, comme Sony et Nissan, procédèrent à des licenciements
massifs. Les mesures prises par le gouvernement sur le marché de
l’emploi ne firent qu’aggraver la situation des travailleurs
japonais : au lieu de maintenir une certaine flexibilité de ce
marché du travail, l’État nippon offrit à certaines
entreprises des subventions d’ajustement visant à sauvegarder
des emplois, fussent-ils inutiles, ce qui représentait des coûts
importants pour les finances publiques du pays et l’organisation de ces
entreprises…
De plus, le gouvernement
japonais augmenta le niveau de ses dépenses publiques, succombant aux
charmes de la politique des travaux publics. Hélas, la croyance de
nombre de personnes en les vertus des politiques keynésiennes ne cesse
de faire des ravages et ce, alors que la relance par les dépenses
publiques échoue partout à relancer durablement les
économies. Le gouvernement japonais avait aussi, en vue de rehausser
les cours de Bourse, acheté un grand nombre d’actions. Ces
politiques furent désastreuses sur le niveau de l’endettement
public du pays.
D’inspiration
décidément très keynésienne, les gouvernements
japonais successifs maintinrent des taux d’intérêt
oscillant autour de 0%. À ce sujet, ceux qui croient que
l’indépendance d’une Banque centrale permet de
résoudre nombre de problèmes monétaires ne pourront
qu’être déçus : en effet, après une
réforme législative qui lui a donné plus
d’indépendance en 1997, la Banque centrale japonaise a
continué de baisser les taux d’intérêt
jusqu’au plancher fatidique de 0%.
En revanche,
des réformes, qui auraient été beaucoup plus fertiles,
telles que la privatisation des caisses d’épargne, n’ont
finalement pas été réalisées.
À
suivre…
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