La danse des baissiers

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Published : March 28th, 2017
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Category : Today's Editorial

Au début des années 2000, j’ai expliqué à mes associés que nous étions positionnés pour une flambée du prix de l’or. Beaucoup d’entre eux ont pensé ma suggestion ridicule et n’ont pas acheté une seule once d’or. Au fil des années qui ont suivi, j’ai continué de recommander régulièrement l’achat de métal jaune, à mesure que son prix continuait de grimper. Mes associés n’ont commencé à acheter qu’en 2011, alors que son prix commençait à plafonner. En 2012, une correction était attendue. Et elle est arrivée.

De nombreuses années durant, le prix de l’or s’est maintenu autour de 1.200 dollars – qui est à peu près le prix nécessaire pour que les sociétés minières daignent continuer d’en extraire.

A l’époque, l’or a enregistré quelques hausses périodiques, avant d’être de nouveau forcé à la baisse. Ce qui est compréhensible. Les banques centrales ont des raisons de vouloir conserver le prix de l’or assez bas, parce qu’une hausse de son prix rend l’or plus intéressant que l’accumulation d’espèces auprès de banques. Nous en sommes arrivés au point où les banques n’ont plus aucun tour dans leur sac pour maintenir l’économie à flots, et un effondrement est attendu depuis longtemps.

Mais les effondrements ne se produisent que peu souvent au moment où ils deviennent chose logique. Tant que le public continue d’avoir confiance en le système, une économie vouée à l’échec peut continuer de tituber pendant un temps avant de se renverser. Les statistiques de l’emploi et de l’inflation peuvent être manipulées (et l’ont été). Le marché boursier peut-être artificiellement gonflé (et l’a été) afin que plane une illusion de bonne santé. Ces facteurs, ainsi que le maintien du prix de l’or à la baisse, permettent de convaincre le public de conserver son capital auprès des banques, et non sur l’or.

De la même manière qu’en 2000, le pourcentage de personnes qui comprennent que l’or n’est pas l’équivalent d’une action, mais une valeur de réserve en période de grandes transformations, reste très limité – et est très certainement de moins d’1%, voire même 1/10e d’1%. Ceux qui le comprennent tendent à posséder de l’or sur le long terme, et ne se sentent que peu concernés par les fluctuations de son prix – même si elles surpassent 100 dollars sur un mois. Ils sont engagés sur son marché sur le long terme et pensent qu’un jour, l’or flambera, et sera potentiellement la dernière réserve de valeur restante après un effondrement.

Mais revenons-en aux spéculateurs qui ont attendu de voir le prix de l’or flamber pour s’investir sur son marché. Au cours de ces quatre dernières années, à chaque fois que l’or était en hausse en conséquence de développements économiques et politiques, beaucoup d’entre eux en ont acheté davantage, après que son prix a grimpé significativement. Puis, après qu’il a de nouveau baissé, ils en ont vendu – souvent après qu’un plancher a été établi.

Ce comportement ne se limite évidemment pas à l’achat d’or. A dire vrai, un pourcentage très élevé des investisseurs cherche à jouer sur le marché boursier de cette manière. Ils attendent que tout le monde achète et qu’un prix grimpe, et achètent souvent sur marge afin de maximiser leurs positions. Puis, quand la bulle éclate, ils restent investis sur le marché, espérant en vain voir le prix s’en retourner jusqu’au niveau auquel ils ont acheté. Ils tendent à acheter élevé et à vendre très bas.

Ceux qui sont baissiers sur l’or – les investisseurs qui ne comprennent pas que l’or est très différent des actions - ont tendance à ressentir de l’aversion envers lui, mais achètent à un prix élevé lorsque l’achat d’or devient à la mode. Ils vendent également bas après que son prix a été écrasé. Cette danse ne peut que leur garantir de perdre toujours plus d’argent au fil du temps.

Cette danse est parfois décrite comme chasser le marché, ou suivre les tendances. Les courtiers font se poursuivre cette danse en mentionnant ces tendances à leurs clients, et leur disant qu’ils ne devraient pas laisser ces opportunités leur passer sous le nez. Ils sont sur le marché les équivalents de meneurs de danse : « valsez de droite à gauche, regardez s’envoler ces dollars d’investissement ».

Seuls très peu d’investisseurs comprennent la nature économique de l’or. Ils ont aussi tendance à ignorer le fait que leur courtier ne bénéficie pas de leur succès, mais tire ses revenus de leur fréquence d’achats et de ventes. Un courtier ne peut donc que conseiller à ses clients de continuer de danser.

Cette danse se poursuivra-t-elle ad infinitum ? Non. Nous traverserons des transformations drastiques quand les marchés s’effondreront. A chaque fois qu’un effondrement majeur a lieu, un mouvement de panique se développe, et l’argent qui reste encore sur la table se dépêche de trouver un nouvel hôte plus sûr. Suite au prochain effondrement, une partie de cet argent sera redirigé vers l’or. Le prix de ce dernier augmentera fortement, au point peut-être qu’il ne soit plus possible pour les banques centrales de le contenir.

Les baissiers penseront d’abord à une anomalie. Puis, après que l’or aura franchi les 1.500 dollars, certains décideront de tremper leurs orteils. Quand il franchira les 1.800 dollars, ils se décideront peut-être à nager. Après 2.000 dollars, cette tendance se renforcera. A mesure que la crise s’intensifiera, les actions plongeront davantage. La bulle obligataire pourra aussi éclater pour faire briller l’or plus fort encore.

Les banquiers décideront finalement de geler les comptes, de déclarer des vacances bancaires et/ou de geler les comptes. Après quoi l’or traversera un épisode de mania qui verra les baissiers trébucher les uns sur les autres dans une tentative désespérée de rattraper la tendance.

L’or continuera de grimper pour maintenir sa valeur en tant que valeur de réserve contre une économie en déclin. Nous pourrions penser que la situation s’arrêtera là, mais ce ne sera pas le cas. Ceux qui comprennent l’or mettront fin à leurs achats de métal et conserveront ce qu’ils auront accumulé. Mais une nouvelle danse commencera alors. Les baissiers deviendront résolument haussiers. Il est important de noter qu’à ce moment-là, ils ne comprendront pas la raison pour laquelle l’or continue de grimper autant, et ne seront certains que d’une chose : il monte. Ils voudront prendre part à la ruée, et feront tout le nécessaire pour pouvoir acheter.

L’or physique se fera de moins en moins disponible, parce que ceux qui en auront ne souhaiteront plus vendre, quel qu’en soit le prix. Les acheteurs potentiels offriront 50 dollars au-dessus du prix au comptant, et plus encore. Ils achèteront aussi sur marge afin d’accroître leur position.

C’est à ce moment-là que se développera la mania. Les prix irrationnels deviendront la norme. Jusqu’où l’or pourra-t-il grimper ? 10.000 dollars ? 20.000 ? Impossible de le dire. Il grimpera tant que le désespoir le forcera à la hausse, et il nous est impossible de déterminer aujourd’hui quelle sera l’ampleur de ce désespoir.

Une nouvelle bulle naîtra, non pas sur les actions et obligations, mais sur l’or. Et comme toutes les autres bulles, elle finira par éclater. Cela se passera quand ceux qui comprennent la nature de l’or réaliseront que son prix a excédé toute logique et, malgré leur respect pour le métal, décideront de vendre une partie de leurs réserves pour investir sur d’autres actifs qui auront tant baissé que leur seule option sera de remonter.

Il est fort probable qu’ils conservent une partie de leurs réserves, mais ils n’hésiteront pas à en vendre une partie lorsque l’or sera devenu significativement surévalué.

En conséquence, la bulle sur l’or éclatera et les baissiers, très récemment devenus haussiers, se demanderont ce qui a bien pu se passer. Ils ne comprendront toujours pas l’or. Ils auront simplement suivi une autre tendance, sans succès.

Moralité ? Un investisseur ne devrait pas s’impliquer sur un marché qu’il ne comprend pas. Il ne devrait pas non plus croire que son courtier le comprend pour lui.

Ironiquement, tant qu’il y a eu des marchés, il y en a eu qui se lancent sur la piste sans connaître la danse. Les investisseurs sur l’or ont l’opportunité d’enregistrer de gros profits, mais une majorité quittera la piste les mains vides.

 

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