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I. Tout d’abord, un point sur les questions de l'interview.
Le fil directeur que vous avez suivi m’a beaucoup intéressé car j’y ai
trouvé un fil logique.
Soit dit en passant, il m’a aussi permis de mettre un peu d’ordre dans
beaucoup de papiers.
1. Vous avez commencé par me proposer une alternative entre l’interprétation
standard et l’interprétation autrichienne de l'économie politique.
Comme je l’ai dit, votre interprétation n’est en rien standard, mais en
partie autrichienne.
J’y ai ajouté quelques compléments (règles de droit et actions économiques
de vous et moi, entrepreneurs) qui rendent compte des interprétations
autrichiennes car il ne faut pas se le cacher, celles-ci présentent des
différences selon les auteurs et il est exclu de parler d'une
seule interprétation autrichienne.
Une chose est certaine, nous étions ex ante.
2. Vous m’avez alors demandé de m’interroger sur la « crise de
surproduction », comme si de rien n’était, à la lumière de la « loi des
débouchés » de J.B. Say et de ce qu’en a dit J.M. Keynes (puis implicitement
la « théorie macroéconomique »…).
Mais nous étions alors, de fait, ex post, non plus ex
ante.
Il n’était plus question, non plus, de quantités de marchandises
échangées, mais de production de celles-ci, de produits, de surproduction, de
« crise de surproduction », anti concept marxiste par excellence, comme si
l’échange n'avait pas d'importance.
C’était un peu comme si vous demandiez, me semble-t-il, à un astronome de
s’interroger sur le prétendu fait que « la terre est le centre de l’univers
».
Je regrette que vous sembliez attacher de l’importance à ces folles thèses
qui consistent à privilégier la production d'un autre âge sur l’échange ou le
marché d'aujourd'hui.
Certes, la « crise de surproduction » des quantités de marchandises est au
cœur de ce qui inquiète la nomenklatura française depuis des décennies et
leur passage vraisemblable à l’école nationale d’administration (créée en
1945), mais en rien au cœur de l’économie mondiale (cf. dernier livre de Xavier
Fontanet (2014), Pourquoi pas nous, Les Belles Lettres Fayard ).
Pour le comprendre, il y a les analyses des économistes autrichiens au
cœur de l’économie mondiale,.
3. Votre question 3) sur l’"équilibre économique général" a
généralisé une partie de la question précédente, à savoir la « loi des
débouchés » de J.B. Say, dans la perspective particulière de ce qu’il est
convenu de dénommer aujourd’hui autant la « théorie microéconomique » que la «
théorie macroéconomique ».
Il n'en reste pas moins que la question de la « bonne » définition de la
notion d’"équilibre économique général" est un débat important
parmi les économistes autrichiens que je n’ai pas évoqué, sinon ce qu'en a
dit Ludwig von Mises.
4. Mais la question 3) a télescopé un peu la question 4) qui a suivi, sur
la méthode mathématique dont s’est servi Léon Walras.
Je ne suis pas historien de la pensée économique et ne saurait le devenir,
mais vos questions m’ont poussé à l’être un petit peu.
J’ai évoqué rapidement les questions du déterminisme et de
l’interdépendance qui en découlaient.
J’ai surtout mis l’accent sur l’abandon de cette méthode mi-XXème siècle
par certains mathématiciens qui se prenaient pour des économistes et le
développement, à la place, des mathématiques dites "modernes" du
groupe Bourbaki.
A leur façon, ils ont montré, sans le vouloir, qu'il ne fallait pas faire
de fixation sur telle ou telle mathématique en économie politique. Tant
mieux!
Ils ont montré, en définitive, l'inanité de la démarche qui
consistait à mettre au premier plan une mathématique en économie
politique.
On regrettera que la démarche ne soit toujours pas dans les mœurs.
Aujourd’hui, sans raison, la « carrière économique » « publique » de
beaucoup de gens est bloquée à cause des réserves que ceux-ci ont sur
l’emploi des mathématiques (cf. Miguel
Espinosa and Carlos Rondon and Mauricio Romero (2012), « The use of
mathematics in economics and its effect on a scholar's academic career”,
London School of Economics, International Monetary Fund, University of
California San Diego September).
Avec ces deux questions, on était en tout cas très loin de tout ce
qu’avait apporté l’économie autrichienne.
5. Votre question 5) a repris un point de la question 3) et en a accentué
l’absurdité, c’est le point de l’optimalité ou de l’optimum.
Peu de choses concourent à donner la paternité de ces notions à Pareto
sinon la perversion intellectuelle.
Dans la réalité économique dénaturée par les socialo-communistes depuis la
décennie 1930 et dont on parle aveuglément, on peut certes se poser la
question de la relation de l’antagonisme entre équilibre et optimalité (ou
optimum), subventionnés qu’on est par ces derniers pour les travaux effectués
sur le sujet.
Mais dans la réalité, elle est vaine et rejoint la question du fait de «
la terre, centre de l’univers » aujourd'hui.
S’il n’y avait pas de subvention, la relation n’existerait pas car elle
n’intéresserait pas les économistes et car ses éléments ne sauraient apporter
quoi que ce soit.
6. Vos questions 6) et 7) se sont articulées sur des histoires de la
pensée mathématique et de la pensée physique.
On était toujours très loin de l’économie autrichienne et de son point de
départ, l’action économique de vous et moi, entrepreneurs, dans un monde de
droit,.
On l'était d'autant plus que ces sciences ont beaucoup évolué depuis lors
jusqu'à aujourd'hui et que leurs éléments ou les analogies imaginées d'alors
s'avèrent dérisoires.
Toutes ces questions montrent que vous êtes impressionné, malgré vous je
pense, par ces foutaises.
7. La question 8) sur Jacques Rueff était comparable à la question 6) sur
Irving Fisher.
Seul le choix de leur méthode d’analogie les a différenciés, lois
chimiquo-physiques de Le Chatelier et Van’t Hoff pour l’un, mécanique
classique pour l’autre.
Et ce choix n’a rien à voir, d'une façon ou d'une autre, avec l’économie
autrichienne.
La question m’a permis néanmoins d’insister sur l’évolution jusqu’à sa
mort des idées de Rueff en économie politique et, surtout, sur son
rapprochement de plus en plus étroit avec l’économie autrichienne.
8. La question 9) sur la « crise financière ou économique », apparemment
d’actualité pour les commentateurs, a rejoint, à cent cinquante ans de
distance, la « crise de surproduction » de la question 2), comme s’il n’y
avait rien à comprendre de l’économie politique depuis cette date.
Cela est une grosse erreur.
Comme les mathématiques et les autres sciences, l'économie politique a
beaucoup évolué malgré ces derniers et rien ne justifie de la bloquer, comme
elle l'est depuis la décennie 1930, par les princes et leurs prétendus
conseillers économiques.
II. A l’occasion de toutes ces questions, j’ai donc essayé de m’éloigner,
dans la mesure du possible, de la déformation, du dévoiement et de la
dénaturation habituels de la réalité économique par l'économie politique
dominante en faisant appel, implicitement, aux principes de l’économie
autrichienne.
La vérité est que le problème de l’économie politique tient
fondamentalement à l’explication de la variation des prix et des taux
d’intérêt des marchandises, cheval de bataille de Rueff, variation dans quoi
il faut voir un remède spontané à la réalité économique qu’on connaît et
qu’il faut accepter comme telle et non pas ce qu'il faudrait combattre.
9. Les prix et taux d’intérêt de marchandises ne sont rien d’autres que
des quantités de monnaie unitaires convenues de marchandises entre des
personnes juridiques physiques.
Ils témoignent d’une harmonie économique de celles-ci.
10. Les variations des prix et des taux d’intérêt ne sont pas des
troubles, perturbations et autres crises que les hommes de l’état devraient
résoudre en créant un monde de réglementations de toute nature, articulé sur
des mathématiques, des sciences physiques, biologiques, etc., comme le
prétendent beaucoup d’économistes, conseillers ou non de ces princes.
Elles sont des ajustements résultant des actions de vous et moi dans un
monde de droit et permettant des innovations.
Elles témoignent là encore d’une harmonie économique.
11. L’économie autrichienne présente l’originalité de s’y intéresser très
précisément, alors que s’en moquent les autres théories économiques
existantes qui préfèrent s’intéresser aux effets tout azimut des décisions
économiques des hommes de l’état.
Elle contribue ainsi à éloigner de l’inculture économique habituelle,
développée par ces derniers, ceux qui le désirent.
III. Je vous remercie de m’avoir permis de réfléchir à toutes ces questions
et, je l’espère, de vous avoir sensibilisé davantage à l’économie
autrichienne dont j’ai parlé, en définitive, en creux.