La dé-dollarisation et le
climat d’incertitude influencent la demande des banques centrales en or
- Les banques
centrales ont ajouté 81,7 tonnes d’or à leurs réserves au troisième
trimestre
- Depuis le
début de l’année, leurs achats d’or ont atteint 271,1 tonnes
- Le Kazakhstan
et la Biélorussie, qui sont membres de l’Organisation de coopération de
Shanghai, ont aussi ajouté à leurs réserves
- 90% des
gestionnaires de réserves souhaitent maintenir ou augmenter leurs
réserves d’or
- Selon le
Conseil mondial de l’or, les gestionnaires de réserve comprennent l’intérêt
des réserves d’or
- Les politiques
monétaires employées aujourd’hui soutiendront les achats d’or ces
prochaines années
Les banques centrales ont ajouté
81,7 tonnes d’or à leurs réserves au troisième trimestre de cette année, pour
porter leurs achats d’or depuis le début de l’année à 271,1 tonnes. Il s’agit
ici d’un déclin depuis les 168 tonnes d’or accumulées au trimestre précédent.
Ces achats ont été largement ignorés par les médias, ce qui semble peu
clairvoyant au vu des implications monétaires et géopolitiques que pourront
avoir cette accumulation de métal et les récentes élections.
Le Conseil mondial de l’or a
décrit ces récents achats comme une approche « plus mesurée » que
ces dernières années. Entre le troisième trimestre de 2014 et le troisième
trimestre de 2015, 407,7 tonnes d’or ont été achetées par les banques
centrales. Ces données ont été légèrement déformées l’année dernière, après
que la Chine a publié les chiffres de ses réserves d’or pour la première fois
depuis 2009.
Les achats d’or ne
prendront pas fin
Le Conseil mondial de l’or et d’autres
analystes grand public ne semblent pas s’inquiéter du déclin de la demande en
or des banques centrales. L’environnement géopolitique et économique actuel
leur offre un argument irréfutable en faveur de l’investissement sur l’or,
que ce soit pour les banques centrales ou pour les particuliers.
« Les gestionnaires de réserves comprennent
l’intérêt des réserves d’or dans l’environnement actuel de taux d’intérêt
négatifs et de diversification hors du dollar américain, » explique le
rapport du Conseil mondial de l’or pour le troisième trimestre de 2016.
Suite aux élections américaines,
Juan Carlos Artigas, directeur de la recherche en investissements au Conseil
mondial de l’or, a attiré notre attention sur la politique de la colère et
les dangers qui se jouent actuellement tout autour du monde, rendus apparents
par Brexit et les résultats des élections américaines.
« Cette tendance, combinée
au climat d’incertitude projeté par ces dernières années de mesures monétaires
peu conventionnelles, soutiendront la demande en or au cours de ces
prochaines années. »
Cette déclaration se reflète
dans un récent sondage mené par le Conseil mondial de l’or auprès de dix-neuf
gestionnaires de réserves de banques centrales, selon lequel 90% d’entre eux souhaitent maintenir ou augmenter leurs
réserves d’or ces prochaines années.
Dans une note publiée par Simona
Gambarini, de chez Capital Economics, nous pouvons lire que « le rôle de
l’or en tant qu’actif de réserve demeure important, » compte tenu du
fait qu’un tiers de la dette gouvernementale globale porte désormais des intérêts
négatifs.
Nous nous attendons notamment à
voir les banques centrales des économies en développement représenter le gros
de la demande du secteur officiel ces prochaines années, puisque leurs
réserves d’or représentent typiquement un pourcentage plus faible de leurs
réserves totales que celles des nations développées.
Mais pour certains, bien que les
évènements de 2016 laissent planer un air d’incertitude sur l’environnement
économique, rien ne justifie que les banques centrales souhaitent ajouter à
leurs réserves d’or. Dans une récente note publiée par Nell Agate, analyste
chez Citi, nous pouvons lire que « bien que les taux d’intérêt négatifs
et les faibles rendements des obligations gouvernementales établis dans de
nombreux pays puissent influencer les achats d’or des banques centrales,
notamment parce qu’il n’existe que très peu d’autres valeurs de couverture,
nous nous attendons à ce que les réserves actuelles se maintiennent ».
L’amour des Russes pour
l’or
Les banques centrales que nous
avons vues se tourner vers l’or ces dernières années continuent d’en
accumuler - Russie (43,9t), Chine (15,2t) et Kazakhstan (10t). La Biélorussie
a aussi ajouté 3 tonnes d’or à ses réserves.
La Banque centrale de Russie a
surpassé la Banque populaire de Chine de près de 150 tonnes ces quelques sept
dernières années, et est depuis un certain temps devenue le plus gros
acheteur d’or institutionnel. C’est une tendance qui devrait se poursuivre.
Un peu plus tôt cette année, elle a laissé entendre qu’elle chercherait à
porter ses réserves d’or jusqu’à un demi-trillion de dollars sous trois à
cinq ans.
Cet objectif fixé par la banque
centrale russe est la force principale derrière la chaîne de distribution du
pays. En mai 2015, la gouvernante de la Banque centrale de Russie, Elvira
Nabiullina, a expliqué que le gouvernement russe n’aurait pas besoin d’acheter
l’intégralité de la production d’or de son pays (contrairement à la Chine),
parce que la demande de la banque centrale peut être satisfaite par le marché
international. En revanche, F. William Engdhal a récemment rapporté que l’or est
si central aux politiques monétaires de la Russie que sa banque centrale se
tourne désormais vers la production domestique pour satisfaire sa demande. C’est
un détail particulièrement important, parce que la Russie est le deuxième
plus gros producteur d’or du monde.
La dé-dollarisation
influence l’amour de l’Organisation de coopération de Shanghai pour l’or
Lorsque nous observons les plus
gros acheteurs d’or du monde, il nous faut nous rappeler que la Russie et la
Chine sont les membres les plus importants de l’Organisation de coopération
de Shanghai, un projet qui inclue les anciens Etats soviétiques ainsi que l’Inde
et le Pakistan.
L’objectif de l’organisation,
âgée de 16 ans, est d’unir ces nations face à l’expansionnisme américain. Le
groupe discute du commerce, de l’établissement d’une devise commune et d’un système
énergétique unifié. C’est son projet de devise unique qui rend aujourd’hui
beaucoup de monde nerveux.
A une heure où la Russie est
souvent déclarée un Etat en faillite par les Etats-Unis, le fait est que son
économie est, de bien des manières, en meilleur état. Notons notamment son
très faible ratio dette-PIB et son objectif de développement d’une devise « aussi
saine que l’or ».
Au mois d’octobre, la Banque
centrale de Russie possédait 88,2 milliards de dollars de bons du Trésor
américain, contre 131,8 milliards de dollars en 2014. Ce déclin a été
surnommé dé-dollarisation, et beaucoup le pensent lié à la hausse des achats
d’or du pays, qui cherche à soutenir le rouble face au déclin qu’il subit
depuis l’effondrement du prix du pétrole. Sans oublier les sanctions imposées
par les Etats-Unis et l’Europe et une inflation à deux chiffres.
« La Russie a vendu de ses
bons du Trésor américain afin d’acheter de l’or, ce qui est une décision
raisonnable, le dollar menant de facto une guerre des monnaies contre
le rouble. » - F.
William Engdahl.
Il n’est pas surprenant que la
Russie occupe une place si proéminente dans les statistiques des achats d’or.
Comme Goldcore l'a rapporté l'année dernière,
la Russie n’a jamais caché son désir d’accumuler des réserves d’or
importantes. Comme l’a expliqué le responsable de politiques monétaires,
Dmitry Tulin, « le prix de l’or fluctue, mais le métal représente une
garantie à 100% contre les risques légaux et politiques ».