|
La
roue tourne : il y a quelques mois encore, on était sur la trace des
actifs pourris détenus par les banques européennes, on est
désormais à la recherche des bons actifs qu’elles peuvent
détenir. Toujours dans le flou, car dans les deux cas cela n’est
pas clamé sur tous les toits.
Les
données sont impossibles à réunir, mais une constatation
d’ordre général s’impose : la qualité des
actifs disponibles a tendance à diminuer et la demande pour ceux-ci
à augmenter. Fâcheux, fâcheux ! Les collatéraux
sont à nouveau dans la lumière de projecteurs qu’ils
préféreraient éviter. Le collatéral, ce sont ces
actifs que les acteurs de la finance doivent apporter en garantie de leurs
emprunts, comme les particuliers qui signent des hypothèques sur leur
maison.
Or,
les actifs en question ne sont plus ce qu’ils étaient. Soit
parce qu’ils étaient à zéro risque, comme par
exemple les obligations souveraines, et qu’ils ne le sont plus
nécessairement, soit parce qu’ils étaient notés
AAA par les agences, ce qui valait passeport pour toutes frontières,
mais qu’il est apparu que les visas y ont été
apposés sans discernement. Dans les deux cas, on ne peut plus
s’y fier, déjà que l’on vient d’apprendre que
même le Libor était trafiqué.
D’où l’importance accrue des garanties, du collatéral,
et des problèmes que l’on découvre à ce propos.
Parallèlement,
sa demande ne cesse de croître, par exemple pour emprunter aux banques
centrales en garantie de leurs prêts ou pour apporter dans les chambres
de compensation utilisées pour des produits qui auparavant s’en
passaient. A l’arrivée, cela porte un nom, l’effet de
ciseaux, ou plus communément faire le grand écart. On en vient
à parler de sous-collétarisation,
en particulier dans le vaste monde très instable des produits
dérivés.
Une
pénurie de garantie dans un système fait d’une montagne
de dettes enchevêtrées, c’est grave et il n’y a pas
de quoi pavoiser. Non seulement cela restreint sa capacité à
fabriquer des crédits – et donc de nouvelles dettes – mais
surtout cela le déséquilibre.
Dans
l’immédiat, l’effet est d’accentuer les doutes dans
un domaine qui n’en souffrait aucun : la mesure du risque.
C’était par exemple l’objet premier du Libor,
dont un nouveau mode de détermination est activement recherché.
La recherche de la confiance est devenue un Graal : ce ne sont pas seulement
les Etats qui tendent à privilégier leurs intérêts
immédiats, les acteurs du monde financier se replient également
sur eux-mêmes. A l’arrivée, cela accentue un
phénomène de lente implosion qui est susceptible de connaître
des accélérations subites et imprévues.
De
tous côtés tombent à propos de la confiance (dans le fait
d’être remboursé de ses prêts) de mauvaises
nouvelles, avec comme logique déjà engagée en Europe la
mise en cause d’un premier pilier du système monétaire
international. Car est désormais reconnu par la BCE elle-même un
nouveau risque, celui de convertibilité au sein de la zone euro, fruit
de l’anticipation sur son éclatement. L’entreprise
multinationale Shell à capitaux anglo-néerlandais vient
d’en tirer publiquement la leçon, en achetant des bons du
Trésor américain pour protéger son abondante
trésorerie, abandonnant les rivages et les banques européennes.
Mais il ne faut pas s’y tromper, la prochaine étape sera celle
du dollar !
On
cherche ses mots et ses images, il vient celui de
désagrégation.
|
|