Une
nouvelle preuve nous a été apportée la semaine
dernière que l'Eurosystème est
déterminé à combattre la crise financière par le
simplissime des remèdes : l'inflation. La deuxième
opération de refinancement à 3 ans a ainsi mis quelques 529,5
milliards d'euros à la disposition de 800 banques. Lorsqu'on y rajoute
l'opération de décembre, d'une ampleur de 489,2 milliards
d'euros distribués parmi 523 institutions, on en conclut que l'Eurosystème a injecté quelques 1 019
milliards d'euros pour les trois années à venir.
Cette
injection, qui n'est pas réversible avant la première
année - les banques auront alors l'option d'inverser
l'opération - a pour objectif principal de signaler l'intention de la
BCE de mettre durablement des
liquidités à disposition du système financier. Elle a le
mérite de rendre parfaitement lisible la politique monétaire,
et notamment qu'elle consiste immanquablement en une production plus ou moins
intensifiée de monnaie.
En
effet, les principales opérations de refinancement, à savoir
les prêts à échéance hebdomadaire, ont perdu toute
importance. Ces prêts, qui avant la crise représentaient 2/3 des
opérations d'open-market, étaient
affichés par la BCE comme le moyen par excellence d'exercer un
contrôle continu sur les taux d'intérêt, d'où leur
prédominance relative. La toute dernière opération
hebdomadaire, qui se monte à seulement 17.5 milliards d'euros
reçus par 65 banques, représente à peine 1.7% du total
des prêts accordés par l'Eurosystème,
et ne couvre à l'évidence qu'un échantillon fort
restreint d'établissements de crédit.
Les
opérations jadis principales
n'apporteront donc désormais que des liquidités à la marge qui viendront combler
les besoins imprévus des banques, un peu comme la facilité
journalière de prêt.
La
BCE aura-t-elle sacrifié le contrôle des taux
d'intérêts sur l'autel de la stabilité financière?
Il n'en est rien. Le contrôle du taux d'emprunt à l'Eurosystème n'a jamais influencé
directement les taux d'intérêt dans l'économie.
L'influence s'est toujours exercée par le biais des liquidités
mises à la disposition des banques. La BCE reste donc cohérente
dans ses efforts, qu'elle déploie déjà depuis 2008, de
faire redémarrer le crédit bancaire dans la zone euro qui
depuis 2009 reste atone. Comme l'indique le graphique ci-dessous, son bilan a
considérablement gonflé depuis cette date alors que le bilan
des banques commerciales n'a pas du tout augmenté dans les mêmes
proportions, ce qui est pourtant l’objectif ultime des
ces injections massives de liquidité.
Il
n'est pourtant pas exclu qu'en dépit de l'incertitude
économique actuelle, les efforts de l'Eurosystème
puissent finalement porter leurs fruits. Les banques disposent maintenant,
sur la fameuse facilité de dépôt, de plus de 820
milliards d'euros. Il s'agit là d'un nouveau record que nous avions
déjà prévu dans un article
précédent. Les banques finiront tôt ou tard par se
servir de ces liquidités excédentaires pour financer une
expansion de crédit qui profitera tant au secteur privé que
public.
Il
est à noter que, suite à la première opération de
3 ans de décembre 2011, les banques de la zone euro ont
déjà augmenté leur portefeuille de dette souveraine de
plus de 50 milliards d'euros, alors que ce portefeuille était en
baisse depuis octobre 2010. Il est à craindre que l'expansion de
crédit profite principalement aux gouvernements qui seront alors moins
encouragés à poursuivre des politiques de consolidation de
leurs propres finances.
En
effet, il est aisé pour les banques de générer des
profits faciles en investissant dans de la dette publique, ce qui a pour
conséquence de faire baisser le coût d'endettement des
États. Il est bien plus difficile d'identifier des projets
privés qui en valent le risque dans le climat actuel des affaires.
Les
banques pourront aussi utiliser ces liquidités pour payer leurs
propres échéances sur le marché financier, qui se
montent à quelques 1 000 milliards d'euros rien que pour 2012. Chose
intéressante, plus de 40% de ces obligations arrivant à
maturité sont dues par des établissements allemands. Ceci
explique sans doute pourquoi, selon les rapports des analystes, près
de la moitié des 529.5 milliards d'euros ont été
souscrits par des banques allemandes. Tout de même, le remboursement
des échéances sur base des liquidités nouvelles ne fera
pas sortir celles-ci du système dans la mesure où certains des
créditeurs sont eux-mêmes des institutions
En
conclusion, en inondant le marché financier de liquidités
massives et durables, l'Eurosystème est en
train d'inhiber toutes les forces internes de l'économie capables de
sortir de la crise via la restructuration des investissements dans le
secteur privé et la remise en ordre des finances publiques.
Sauf
à abandonner rapidement cette philosophie de l'inflation,
l'Eurosystème prépare sa propre faillite. Nous examinerons
cette question, fort importante, des faillites des banques centrales dans une
série d'articles à venir.
Taille du bilan consolidé
de l'Eurosystème
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