La crise des
dettes publiques met sous le feu des projecteurs, et à juste titre, le
niveau insoutenable qu’elles ont atteint dans nombre de pays. De quoi
parlons-nous exactement et quelles sont ces dettes qui pèsent le
plus lourd lourd dans la balance? L’existence
de plusieurs organismes émetteurs de dettes ne rend d’ailleurs
pas les choses très lisibles.
Les termes
de dette publique et de dette souveraine sont souvent, à tort, indistinctement
employés. La dette souveraine correspond en fait à la dette de
l’État (ou du gouvernement central). Si l’on y rajoute les
dettes sociales, des collectivités locales (régions,
départements, communes…) ainsi que des divers opérateurs
d’État (ODAC), on obtient alors la dette publique.
En France,
la dette de l’État ou souveraine représente plus de trois
quarts de la dette publique totale :
Elle a
évolué de la façon suivante :
Évolution
de la dette entre 2002 et le deuxième trimestre 2012
Source : INSEE
La dette
souveraine est constituée d’un ensemble d’obligations.
Celles-ci sont en grande majorité in
fine. Cela signifie que l’emprunteur paye un coupon
d’intérêts périodiquement et ne rembourse le
capital qu’en une seule fois, à l’échéance.
Le coupon est défini contractuellement et est en général
fixe. Certaines obligations (BTANi et OATi) sont cependant indexées sur
l’inflation.
Les trois instruments de dette,
créés en 1985 et émis par l’Agence France Trésor (AFT),
sont les suivants :
- Les BTF
(Bons du Trésor à taux fixe et à
intérêt précompté) sont des titres de
créance négociables à court terme, d'une
durée de vie inférieure à 1 an à
l'émission.
- Les
BTAN (Bons à Taux Annuel Normalisés) sont des valeurs
assimilables du Trésor émises pour des durées de 2
ou 5 ans.
- Les OAT
(Obligations Assimilables du Trésor français) sont aussi des
titres assimilables, émis pour des durées de 7 à 50
ans.
Voici la
composition actuelle
de la dette de l’État, dont la durée de vie moyenne est
d’environ 7 ans :
Les OAT sont
ainsi le principal instrument de la dette souveraine.
La dette
sociale, autre composant important de la dette publique, poursuit par
ailleurs une progression fulgurante puisqu’en 10 ans (entre la fin 2002
et le deuxième trimestre 2012), elle est passée de 3% à
11,3% du PIB. En euros, elle a été multipliée par 5. De
46,6, elle est montée à 228,4 milliards d’euros. A
l’inverse, l’endettement des collectivités locales a
augmenté de manière beaucoup plus mesurée.
Or la dette sociale
est essentiellement émise par un autre organisme que l’AFT. Ce deuxième
poste de la dette publique est en effet porté par la CADES (Caisse
d’Amortissement de la dette Sociale). Cette entité,
créée en 1996 et dont la devise est (sans ironie) « CADES :
rembourser la dette – Assurer le futur ». , voit sa dette
régulièrement augmenter et atteindre à la fin du
deuxième trimestre 144,4 milliards d'euros [1].
Or, on peut se demander quelle est l’utilité de cet organisme
qui semble faire doublon avec l’AFT. D’autant plus que la CADES
emprunte à des conditions légèrement
dégradées par rapport à l’AFT (0,18%
de plus sur la maturité 10 ans par exemple). La CADES procède
certes à des émissions en devises étrangères
(dollar US ou yen), mais l’AFT pourrait aussi bien avoir ces
prérogatives.
De plus, son mode de fonctionnement ressemble fort à une usine
à gaz. On trouve ainsi dans l’organigramme des entités
improbables comme le ministère de l’agriculture :
Source : CADES
Quand on regarde le profil des souscripteurs de 2011, on peut
légitimement se poser la question de savoir quelles sont les banques
centrales qui achètent ces obligations. En particulier la Banque de
France et la Banque Centrale Européenne font-elle partie des acheteurs
de ces obligations ? Cela constituerait une violation dans
l’esprit de l’interdiction de financement direct des
États.
En conclusion, si la dette publique est portée par
d’autres composantes que l’État,
ce dernier en est néanmoins le principal générateur. La
dette sociale augmente à un rythme inquiétant et son mode de
financement est peu transparent, si ce n’est opaque et laisse entrevoir
la possibilité d’un mécanisme visant à
échapper à des contraintes limitant l’endettement des
États. Il conviendrait pour une gestion optimisée de faire
porter l’ensemble de la dette de l’Etat et des dettes sociales
à l’AFT. Enfin, les dettes souveraines et sociales expliquent
à elles deux la quasi-totalité de la dégradation de la
dette ces dix dernières années.
[1] L’ACOSS et les hôpitaux publics sont les deux autres
principaux porteurs de la dette sociale.
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