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� On dit que L�nine a
d�clar� que le meilleur moyen de d�truire le capitalisme �tait de corrompre
la monnaie. Par des proc�d�s constants d�inflation, les gouvernements
peuvent confisquer d�une fa�on secr�te et inaper�ue une part notable de la
richesse de leurs nationaux. Par cette m�thode, ils ne font pas que
confisquer : ils confisquent arbitrairement et tandis que le syst�me
appauvrit beaucoup de gens, en fait il en enrichit quelques-uns. Le spectacle
de ces enrichissements ne porte pas seulement atteinte � la s�curit�
publique, mais aussi � la confiance que l�on avait dans la justice de la
r�partition actuelle des richesses*. Ceux � qui le syst�me profite, au-del�
de leurs m�rites ou m�me de leur attente et de leurs d�sirs deviennent des
�profiteurs�, qui sont l�objet de la haine de la bourgeoisie que l�inflation
a appauvrie autant que le prol�tariat. La m�thode se poursuivant, la valeur
r�elle de la monnaie variant de mois en mois, les rapports constants de
d�biteurs � cr�anciers, qui constituent le premier fondement du capitalisme,
sont troubl�s au point de perdre toute signification. Et les proc�d�s
d�enrichissement deviennent un jeu de hasard, une loterie.
L�nine
avait certainement raison. Il n�y a pas de moyen plus subtil et plus s�r de
bouleverser la base actuelle de la soci�t� que de corrompre la circulation
mon�taire. Le proc�d� range toutes les forces cach�es des lois �conomiques du
c�t� de la destruction, et cela d�une fa�on que pas un homme sur un million
ne peut pr�venir �.
La citation ci-dessus est
excellente. Elle parvient tr�s succinctement � d�crire la raison pour
laquelle la d�valuation actuelle des devises est une politique destructrice,
aussi bien �conomiquement que socialement, et aurait pu �tre �crite par
Mises. Etrangement, son auteur n�est autre que Keynes**.
Il semblerait que Keynes avait
compris les probl�mes g�n�r�s par les politiques destin�es � d�baucher
(d�valuer) la devise, mais une telle compr�hension ne transpara�t pas chez
ses sympathisants des temps modernes. Le brin de bon sens contenu dans les
�crits de Keynes a �t� abandonn� par les Keyn�siens d'aujourd'hui en faveur
de la � demande agr�g�e �. Si vous pensez, � tort, que l��conomie
est une masse amorphe aliment�e par les changements en mati�re de
� demande agr�g�e �, alors vous observez l��conomie au travers
d�une lentille qui vous en donne une vision si distordue que le monde que
vous percevez au travers est l�oppos� de la r�alit�. En regardant au travers
de cette lentille, la politique de d�valuation mon�taire peut sembler
justifiable.
L�une des justifications les
plus commun�ment apport�es � la d�valuation des devises est qu�elle rend les
exportateurs plus comp�titifs. Le probl�me, comme je l�ai d�j� �crit par le
pass�, est qu�elle b�n�ficie aux exportateurs aux d�pens des consommateurs et
des importateurs. Il ne peut pas y avoir de b�n�fice net au sein de
l��conomie. Et ceux qui en b�n�ficient ne le font que temporairement. La
raison en est que le d�clin soutenu de la valeur d�une devise sur le march�
des change demande une inflation mon�taire relativement �lev�e, qui g�n�re
une hausse des prix domestiques et contre les b�n�fices dont jouissent les
exportateurs suite au d�clin du taux de change, mais distord �galement les
prix relatifs de mani�re � rendre l�ensemble de l��conomie moins efficace.
En parall�le � l�id�e qu�il
est n�cessaire de d�valuer pour rendre les exportations plus comp�titives,
notons aussi ce qui arrive aux d�ficits commerciaux. Selon l�orthodoxie
n�o-keyn�sienne, chaque dollar qui sort des Etats-Unis en raison d�un d�ficit
budg�taire est un dollar de moins disponible � la consommation au sein de
l��conomie domestique qui, � son tour, affaiblit l��conomie domestique et
augmente le taux de ch�mage. En r�alit�, chaque dollar qui sort des
Etats-Unis en raison d�un d�ficit commercial finit par y revenir sous forme
d�investissement. C�est pourquoi le d�ficit annuel de plus de 500 milliards
de dollars n�a pas r�duit la masse mon�taire am�ricaine. Comme l�a dit Joseph
Salerno (un excellent �conomiste) dans un article �crit le 17
juillet, ces dollars sont investis par des �trangers sur des obligations
am�ricaines, des biens immobiliers comme des b�timents et des terrains de
golf, des interm�diaires financiers comme des banques et des fonds mutuels,
et de tr�s nombreux dollars se retrouvent pr�t�s ou investis sur des soci�t�s
am�ricaines. Ces entreprises les d�pensent ensuite sous forme de salaires ou
de mat�riaux bruts, de plantes, d��quipement et de logiciels. L�id�e est que
le flux de d�penses ne se trouve pas diminu� par une balance commerciale
d�ficitaire. Il en d�coule simplement une redirection du travail et du
capital hors des industries d�exportation vers les industries qui produisent
des biens � la consommation destin�s au march� domestique. Il n�y a pas de
perte nette d�emploi. Une perte nette d�emploi na�t en revanche des
politiques mises en place pour r�gler le probl�me per�u de d�ficit
commercial.
Une autre justification
commune de la d�valuation des devises est qu�elle permet de diminuer les
salaires r�els et de contourner le probl�me du co�t nominal du travail.
L�id�e est que les taux de salaire nominaux sont excessivement lents �
diminuer en raison de la demande d�croissante en main d��uvre, et que la
d�valuation de la devise permet de r�duire le co�t r�el du travail. La
premi�re chose � noter ici est que ce probl�me de salaires n�en a jamais �t�
un aux Etats-Unis avant les ann�es 1930, alors que les administrations Hoover
et Roosevelt cherchaient � emp�cher les salaires de diminuer en r�ponse au
ralentissement �conomique. Un autre point � soulever est que les paiements
vers�s aux ch�meurs par le gouvernement peuvent r�duire la capacit� des
personnes saines � accepter de travailler pour un salaire minimum. En
d�autres termes, si les salaires nominaux posent un probl�me quelconque,
c�est en raison de l�intervention du gouvernement, et pas du march� libre.
Troisi�mement, sachez que le fait que la monnaie moderne perde petit � petit
de son pouvoir d�achat tend � accentuer ce probl�me de salaire. En d�autres
termes, les politiques destin�es � confronter le probl�me des salaires ne
font qu�y contribuer. Dans tous les cas, ces points ne sont pas critiques.
Sans se soucier du probl�me des salaires et de sa cause, rien ne justifie une
politique qui finit par affaiblir l��conomie.
Le premier probl�me que pose
la d�valuation de devises est qu�elle g�n�re une transformation non-uniforme
de la structure de prix au travers de l��conomie. En effet, ceux qui mettent
en place les politiques de d�valuation mon�taire envoient de faux signaux �
l��conomie, ce qui m�ne � des mal-investissements qui ne se produiraient pas
autrement. En cons�quence de ce grand nombre d�erreurs d�investissement, il y
a finalement de moins en moins de capital. Et le peu de capital disponible se
retrouve redistribu� par la politique de d�valuation, souvent de mani�re si
injuste que des taxes punitives et de nouvelles interventions doivent �tre
mises en place. L��conomie se retrouve donc en d�clin.
Pour r�sumer tout cela, Keynes
n�avait pas raison sur beaucoup de choses, mais il avait parfaitement raison,
au d�but de sa carri�re, pour ce qui concerne la d�valuation des devises.
C�est un processus qui place toutes les forces de la loi �conomique dans le
camp de la destruction, d�une mani�re que pas un seul homme sur un million ne
peut voir venir.
*La redistribution de
capital caus�e par la d�valuation de la devise est la cause du probl�me
actuel de l�obsession autour du probl�me d�in�galit�. Malheureusement, aucun
des �crivains les plus populaires int�ress�s par le sujet ne comprend la
cause de ce probl�me.
**La citation est tir�e du
chapitre 6 du livre de Keynes publi� en 1919 et intitul� � Les
Cons�quences �conomiques de la paix �.
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