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D’aucuns considèrent que le capitalisme
agonise. Pourtant, le capitalisme n’agonise pas, il se transforme car
c’est dans sa nature d’innover et d’évoluer. Le
capitalisme existe depuis que les hommes existent, et il est dans la nature
des hommes d’entreprendre avec plus ou moins de bonheur, d’apprendre
et d’évoluer(1).
C’est le moteur de la croissance et la croissance est source de
développement.
Par contre, quel est le point commun avec les mouvements
à l’université, dans les milieux hospitaliers, dans les
tribunaux ou dans les départements d’outre-mer (DOM)...?
C’est l’État centralisateur qui prétend tout
réguler de Paris alors qu’il n’a plus les moyens de ses
ambitions. Et les moyens sont rapidement limités quand les ambitions
sont démesurées. La sagesse commande d’ajuster les
ambitions aux moyens disponibles et non l’inverse. Ajuster les
ambitions dans le domaine qui nous intéresse ici, c’est savoir
limiter le périmètre de l’État en appliquant un
principe né de la philosophie des Lumières: le principe de
subsidiarité.
C’est donc bien
l’État-providence qui est à l’agonie. Dans chaque
secteur emporté par la tourmente des révoltes et des
mécontentements, les mêmes causes engendrent les mêmes
effets. Et l’on ne voit pas très bien comment sortir de cette
spirale infernale dont la seule issue est la faillite. Car si les motifs de
mécontentement et les revendications sont légitimes, les moyens
d’action sont inefficaces, contribuant à accentuer encore la
source des problèmes. Dans chaque cas, les manifestants critiquent
l’État et ne sont pas d’accord avec la politique du
gouvernement dont la fonction légitime est de conduire la politique de
l’État. Mais, dans leur colère, ils se retournent vers
qui? Vers l’État!
Il semble que les gens
ne parviennent pas à comprendre que l’État n’a pas
de ressources propres. Il constitue une vaste machine à opérer
des transferts. Autant le marché nous incite – et nous oblige
– à vivre au service des autres puisqu’un actif tire son
revenu de sa capacité à rendre des services à autrui,
autant l’État-providence nous incite à vivre aux
dépens des autres puisque les minorités les plus actives se
serviront de la rue pour obtenir de nouvelles ressources publiques pour
lesquelles il faudra trouver de nouveaux financements. Pour paraphraser
Bastiat, il y a ce que l’on voit (la main faussement
généreuse qui distribue) et il y a ce que l’on ne voit
pas (la main plus sournoise qui prélève).
Comme
l’État n’a pas de ressources propres, et que les
ressources qu’ils tirent des prélèvements obligatoires ne
suffisent plus à financer le fonctionnement des services publics
fondamentaux, ces revendications aboutissent à un accroissement de la
pression fiscale indirecte qui retombe en dernière instance sur les
ménages eux-mêmes. Au fur et à mesure que
l’État prétend aider les gens, il contribue à
resserrer l’étau qui les étouffe toujours plus. Personne
n’a vu que, dorénavant, pour financer le Revenu de
solidarité active (RSA), les intérêts des livrets
d’épargne des familles font l’objet d’un
prélèvement à la source supplémentaire, qui
s’additionne aux prélèvements sociaux existants. Aucune
tirelire n’est à l’abri et cette insécurité
de l’épargne n’est pas de nature à mobiliser les
capitaux.
Or l’État
vient en aide aux banques, se porte au secours des constructeurs automobiles,
gère et rénove les universités, soutient les DOM. Plus
les missions de l’État-providence s’étendent, plus
ses moyens se rétrécissent en conséquence, et plus les
gens seront insatisfaits et frustrés alors que leur pouvoir
d’achat se trouvera amputé par des prélèvements de
plus en plus déguisés, destinés à financer cette
machine infernale.
C’est à
l’agonie d’un modèle centralisateur que l’on
assiste. L’Union soviétique ne s’est pas effondrée
pour d’autres raisons. Dans tous les grands pays modernes, il
appartient à des universités responsables de juger quels
étudiants et quels enseignants-chercheurs elles vont recruter, de
quelle manière elles vont les motiver pour optimiser les chances de
réussite de l’établissement. En France, pareil projet
suscite la révolution. Ce qui est terrible au fond, c’est
qu’un tel projet est impensable car l’assistance a
généré une société de défiance.
Les mouvements des DOM
vont bien au-delà du mécontentement social. Alors que la
Martinique et la Guadeloupe bénéficient d’une position
privilégiée dans le domaine de l’économie
touristique, susceptible de nourrir une prospérité durable et
respectueuse de son environnement (un nombre croissant de pays
émergents voient leur économie décoller grâce au
développement du tourisme), l’État français est
parvenu à rendre ces territoires totalement dépendants de la
métropole, en maintenant des relations qui ressemblent à un
néocolonialisme de plus en plus mal vécu par les habitants(2).
La multiplication
incessante des conflits et leur montée en puissance montrent que notre
pays ne parvient pas à entrer dans le monde moderne. Nous nous
accrochons à des modèles organisationnels issus de
l’économie de guerre. L’État-providence a
tué les sources de la prospérité et il prétend
détenir ensuite les clés de la relance économique. On
accepte rarement d’être soigné par celui qui vous a aussi
mis mal en point.
Qu’on se garde donc de donner trop de pouvoir aux politiciens, ils
s’en serviront au détriment de l’intérêt
général. Malheureusement, la France est une nation qui a
donné à l’État un rôle central et
hégémonique, au détriment de la société
civile et de ses acteurs. Et l’État veut tout piloter, tout
réguler et tout maîtriser…mais personne ne peut plus
diriger l’État. Le pire est qu’il n’arrive pas non
plus à se désengager lorsque ses responsables prennent
conscience des limites inhérentes à la centralisation à
outrance, que ce soit dans le domaine de l’éducation, la
recherche ou la santé. Chaque fois qu’il tente de redonner la
responsabilité aux niveaux de décision plus proches du terrain,
l’État rencontre la fronde de la base qui assimile ce
désengagement à la casse du service public.
Que ce soit à
gauche ou à droite, les hommes et femmes politiques sont animés
par des intérêts personnels bien éloignés des
intérêts collectifs qu’ils prétendent incarner et
défendre. Parions que Ségolène Royal attend Martine
Aubry au tournant, et/ou le contraire. Les responsables politiques se
divisent sans cesse au sein des mêmes familles pour arriver au pouvoir.
Mais quand ils sont au pouvoir, non seulement doivent-ils affronter la rue et
l’opposition, mais ils doivent surtout se méfier de leurs pires
amis. Les hommes et femmes politiques s’épuisent ainsi en
alternances factices et quand ils arrivent aux commandes, ils n’ont
plus l’énergie pour tenir la barre. À force de penser aux
intérêts du parti, on en oublie les intérêts de la
nation.
C’est que la
plupart des hommes et femmes politiques n’échappent pas à
la condition des êtres humains en général. Ils sont comme
ces traders qu’ils clouent au pilori chaque jour. Ils ne sont pas
au-dessus de la mêlée. C’est pourquoi il faut veiller
à ne pas trop leur déléguer de pouvoir arbitraire,
notamment dans le domaine économique et social. C’est
d’ailleurs l’hypothèse centrale du raisonnement
économique: les individus cherchent d’abord à maximiser
leurs propres intérêts.
C’est en raison
de cette hypothèse que les économistes aussi sont
raillés par d’autres disciplines des sciences humaines qui
prêteraient aux individus des mobiles plus nobles. Mais
l’intérêt personnel n’est pas un mobile ignoble,
comme l’a très bien démontré Adam Smith dans sa Théorie
des sentiments moraux. Un individu raisonnable peut estimer qu’il
est dans son intérêt personnel d’apporter du bien autour
de lui, d’être généreux, de se consacrer à
des activités artistiques sociales ou humanitaires. Mais
l’attrait du pouvoir fait souvent perdre la raison.
Mouvements sociaux et crise
économique
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En
son temps, George W. Bush a battu les sommets d’impopularité aux
USA. Pourtant, jamais les citoyens américains ne sont descendus dans
la rue pour bloquer leur propre pays. On peut évidemment être
contre un gouvernement mais cela ne donne pas le droit de mettre en danger
l’économie de son pays. Les Américains ont assumé
leur choix électoral jusqu'au bout, sachant qu’ils auraient la
possibilité de changer le moment venu. Aujourd’hui, un grand
espoir se porte sur le nouveau président Obama tandis que
l’alternance démocratique s’est produite dans un processus
exemplaire pour le reste du monde.
Rappelons-nous, c’est une même vague
d’espérance qui avait porté Nicolas Sarkozy au pouvoir
alors que les Français désespéraient de pouvoir sortir
notre pays de ses blocages chroniques. La presse européenne titrait
« la France est de retour ». Mais il a fallu quelques
mois pour que cette espérance se transforme en désillusion. On
nous dit que la crise est passée par là, comme si les mouvements
de grève et les conflits sociaux dataient de l’arrivée au
pouvoir de Sarkozy. Depuis 15 ans que je suis en poste à
l’université, il ne s’est pas passé une
année sans qu’une session d’examen soit perturbée
par des conflits sociaux qui peuvent à tout moment
dégénérer en blocage du campus. À chaque fois que
j’invite des collègues étrangers ou que je participe
à une conférence à l’étranger, j’ai
la hantise d’une perturbation dans les transports publics qui
bloquerait mon invité dans un hall de gare ou d’aéroport.
Telle est en tout cas la crainte exprimée par les collègues
étrangers.
On nous dit que les
deux tiers des Français approuvent ce mouvement social qui exprime un
ras-le-bol général. Et alors! Une majorité de
Français a porté cette équipe au pouvoir. Quelle est la
majorité la plus légitime, celle qui s’exprime dans les
urnes ou celle qui s’exprime sur les ondes ou qui bat le pavé?
Une majorité de Français aimeraient sans doute aussi pouvoir
gagner leur vie sans avoir l’obligation de travailler. Mais la majorité
ne fonde pas en toute circonstance la légitimité.
Le peuple
français – ou ceux qui prétendent parler en son nom
– est en conflit permanent avec son propre gouvernement, avec ceux
qu’il met précisément au pouvoir, de sorte que notre pays
se trouve dans une incapacité à être gouverné. Cette
incapacité se traduit par une dérive des finances publiques que
personne ne semble pouvoir stopper. Tout le monde se tourne vers
l’État mais qui viendra en aide à l’État
lui-même? On sait que l’issue d’un tel processus est la
faillite de l’État, ce qui est toujours le prélude aux
troubles intérieurs les plus imprévisibles.
Pourtant, la litanie
anticapitaliste s’affiche dans tous les débats autorisés.
« Rien ne peut moraliser le capitalisme »,
« le capitalisme ne se moralisera pas de lui-même »
nous assènent les « experts » altermondialistes.
Mais qui moralisera les moralisateurs? Ils oublient de dire qu’il
était interdit de critiquer le communisme dans les pays communistes
alors que le capitalisme se tourne lui-même en dérision à
travers des campagnes publicitaires ou la presse libre dont il permet
l'épanouissement. C'est qu'il n’existe tout simplement pas de
« système » capitaliste. Par contre, il existe
une éthique du capitalisme – remarquablement analysée par
Max Weber – dont on s’est dramatiquement écarté
pour avoir ignoré les principes philosophiques et humanistes qui
fondent le libéralisme.
Ce n’est pas
parce qu’on ne connaît pas des principes qu’ils
n’existent pas; ce n’est pas parce qu’on ignore une chose
que cette chose cesse d’exister. De la même manière que
l’on voudrait multiplier la sphère des droits tout en
rétrécissant le domaine des devoirs au nom d’un
« contrat » démocratique vicié, on a
voulu consommer des richesses que nous ne sommes plus en mesure de produire,
notamment en sacrifiant nos capacités d’investissement au nom du
pouvoir d’achat. Ce faisant, on a voulu accroître le niveau de
vie de tous en brisant l’effort productif de chacun. Que les
Français soient cohérents et qu’ils portent Besancenot au
pouvoir, le monde changera…
L’université
française: entre l’impasse et l’espérance
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Les
conflits qui se radicalisent au sein de l’université
française illustrent ce malaise profond. Mais puisque nous traversons
une grave crise financière qui est l’occasion de faire le
procès mécanique de l’économie de marché,
permettez-moi de souligner l’analogie entre la monnaie et le
diplôme.
Un diplôme comme
la monnaie représente un TITRE. Un titre constitue un papier dont le
porteur peut prétendre détenir une contrepartie: un billet de
banque représente une valeur économique qui permet
d’acquérir un certain stock de biens et services(3);
un diplôme représente aussi une valeur économique dans le
sens où il garantit que le porteur détient normalement une
certaine quantité et une certaine qualité de connaissance et de
savoir-faire (ce qui est la richesse ultime).
Bien-sûr, cela
n’est vrai que si la monnaie comme le titre ne sont pas
dépréciés. Dans le cas de la monnaie, si un même
billet permet d’acheter toujours moins de marchandises, alors on dit
que la monnaie est dépréciée par l’inflation. Il
appartient alors à ceux qui offrent la monnaie – le
système bancaire régulé par la banque centrale –
de bien contrôler l’offre de monnaie afin d’éviter
tout dérapage inflationniste qui détériore la valeur de
chaque billet. En clair, il faut éviter de faire tourner la planche
à billet.
Pareillement, si le
diplôme est distribué à des individus qui ne
détiennent pas en réalité les connaissances et le
savoir-faire correspondant, alors le diplôme perd sa valeur. Il
appartient au système éducatif et universitaire d’avoir
une gestion rigoureuse de l’offre de diplômes. En clair, il
convient de ne pas faire fonctionner la « planche à
diplômes ».
L’époque
moderne a connu un processus de centralisation et de monopolisation de
l’offre de titres au nom de la régulation. Dans le secteur
bancaire, c’est la création de la banque centrale avec le
monopole de l’offre des billets de banque, sur la base desquels les
banques commerciales font du crédit, qui a donné naissance
à la politique monétaire. Dans le secteur éducatif,
c’est aussi la nationalisation des programmes scolaires et la
centralisation de l’offre de diplômes qui a donné
naissance à la politique éducative. Or, les situations de
monopole ne sont jamais des situations optimales, débouchant
généralement sur une inadéquation quantitative et
qualitative entre l’offre et la demande.
Dans le secteur
bancaire, c’est la catastrophe des subprimes; c’est aussi
« l’âge de l’inflation » ou encore
l’offre surabondante de liquidités nourrissant un excès
de crédit qui a débouché sur la crise actuelle. Dans le
secteur éducatif, c’est l’inflation des diplômes qui
oblige les étudiants à rester plus longtemps aux études
pour obtenir le niveau de formation nécessaire aboutissant à
l’embauche. Pire, parfois il y reste longtemps pour finalement se
retrouver au chômage, à cause d’une offre
pléthorique de formations qui sont mises en place sans
considération des besoins des entreprises et du marché du
travail.
Plus fondamentalement,
la monopolisation de l’offre neutralise le principe de
responsabilité, principe essentiel dans le fonctionnement de
l’économie. Si je mets mes doigts dans une prise de courant, je
ressens une douleur (c’est une information) et je modifie mon
comportement pour éviter la douleur (c’est
l’apprentissage). Mais imaginons que je mette les doigts dans la prise
de courant, et c’est vous qui prenez le courant. Alors je risque de
faire des choses étranges, de devenir tortionnaire en prenant du
plaisir à vous faire ressentir la douleur. C’est le
problème du passager clandestin qui veut bénéficier
d’un service rendu par autrui sans en payer le coût. Autrement
dit, quand on ne supporte pas les conséquences de ses actes, on est
conduit à ne plus faire de choix rationnel.
Sous prétexte
de donner le maximum de chances au plus grand nombre de jeunes, notre
système a complètement neutralisé le principe de
responsabilité dans le monde éducatif. Le résultat est
un gaspillage massif des ressources humaines. En effet, les jeunes ont
tendance à s’orienter dans les filières qui ne
débouchent sur aucune carrière – souvent avec la
bénédiction de parents passifs ou dépassés
– tandis que les entreprises peinent à trouver les
compétences dont elles ont besoin pour se développer. Les
filières qui débouchent sur l’emploi n’attirent
plus nos étudiants car ils trouvent ces formations trop
sélectives. En clair, notre système fait du subprime
à grande échelle: il distribue des titres sans contrepartie.
1. Caccomo J.-L.
2005. L’épopée de l’innovation. Innovation
technologique et évolution économique, L’Harmattan,
Paris.
2. Caccomo J.-L.
2007. « Analyse économique du secteur touristique: application
au cas des DOM » in Comprendre les économies
d’outre-mer, sous la direction de Levratto N., L’Harmattan,
Paris.
3. Sous le
régime de l’étalon-or, les banques
n’émettaient des billets que si elles disposaient de
réserves en or en contrepartie.
Jean Louis Caccomo
Chroniques
en Liberté
Jean Louis Caccomo est Docteur en
sciences économiques de l'université d'Aix-Marseille II et
maître de conférences à l'université de Perpignan.
Il intervient comme expert international dans de nombreux programmes de
coopération (Maroc, Algérie, Ukraine, Thaïlande, Mexique,
Syrie, Comores, Chine, Canada, USA).
Les vues présentées par Jean Louis
Caccomo sont les siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit
nécessaire de faire une mise à jour. Les articles
présentés ne constituent en rien une invitation à
réaliser un quelconque investissement. L’auteur,
24hGold ainsi que toutes parties qui leur seraient directement ou
indirectement liées peuvent, ou non, et à tout instant,
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