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La dystopie n’est pas une nouveauté
littéraire mais de nombreuses personnes ignorent ce que recouvre cette
notion : il s’agit d’un récit peignant une
société utopique qui tourne au cauchemar et qui, comme le
précise Wikipédia, vise à montrer les
conséquences néfastes d’une idéologie. Les
idéologies totalitaires, et, surtout, les idéologies communiste
et nazie, sont souvent visées dans les dystopies.
Le fascisme est également quelquefois « sous le feu des
projecteurs », notamment sous la plume de H.G. Wells. Ce
n’est pas étonnant, tant l’utopie recèle
généralement un aspect totalitaire. Les dystopies
jouent donc un rôle, ingrat, de « briseuses de
rêves ».
La
« bonne » dystopie sera celle
qui ne s’écarte pas trop de la réalité même
s’il est évident que l’évolution des technologies
demeure incertaine. Wikipédia donne d’ailleurs quelques exemples
parmi lesquels on trouve Nous autres
de Ievgueni Zamiatine, La Kallocaïne de Karin Boye et Limbo de Bernard Wolfe.
On pourrait
parler de l’influence, plus ancienne et involontaire, d’un Jeremy
Bentham qui, à la fin du XVIIIème siècle,
avait écrit un ouvrage, assez méconnu, Panoptique, mémoire sur un nouveau principe pour construire
des maisons d’inspection et nommément des maisons de force.
Bentham proposa un modèle pénitentiaire d’une
transparence absolue. Ce livre n’a sans doute pas échappé
aux auteurs de dystopies précités.
Le roman de Ievgueni Zamiatine a
inspiré de nombreux auteurs à succès comme un certain George
Orwell. Il est d’autant plus intéressant qu’il a
été écrit en 1920, soit aux débuts de
l’ère soviétique. Zamiatine était lui-même
un révolutionnaire bolchévique mais est devenu rapidement aigri
par le système, d’où son ouvrage. Mais il était
isolé, étant donné que peu de monde pouvait imaginer la
réalité du régime communiste qui sévissait
à l’Est et, en cela, cet ouvrage, « anti-utopique »
et utopique à la fois, s’avère être avant-gardiste.
Les faits se
déroulent au XXVIème siècle. Un constructeur
de vaisseau sans nom, vivant dans l’« État
unique » (à savoir un État ultra-totalitaire),
était un thuriféraire du régime, essayant même de
prêcher la bonne parole auprès des quelques sceptiques. Mais il
va alors connaître l’amour auprès d’une
résistante et se mettre à douter du bien-fondé dudit État.
Entre parenthèses, dans l’œuvre de Zamiatine, comme dans la
plupart des dystopies, il convient de
préciser que les femmes jouent souvent un rôle positif. Certains
analystes considèrent d’ailleurs Zamiatine comme une sorte de
précurseur du libertarisme. Dans de nombreuses dystopies,
sans doute à tort, le libertarisme est une sorte de remède au
totalitarisme, les auteurs ne s’étant visiblement pas aperçu des dangers de cette autre idéologie.
Bien entendu, Nous autres est quelque peu
caricatural et même l’Union soviétique n’aura pas
réussi à s’immiscer dans la vie privée de ses
sujets de la même façon que l’« État
unique » décrit par Zamiatine. Mais le livre sonne comme un
avertissement salutaire aux naïfs susceptibles de croire aux vertus de
l’État soviétique.
L’autre
grand ouvrage qui a d’ailleurs lui aussi influencé Orwell est La Kallocaïne.
La Kallocaïne
est la preuve la plus aboutie du célèbre slogan
« Diviser pour mieux régner ». Le totalitarisme
parvient, en effet, à créer un climat de méfiance entre
les êtres humains, y compris entre un mari et une femme, ce qui ne peut
que conforter le pouvoir de l’État.
Limbo est d’un autre genre en ce
qu’il caricature grossièrement
l’idéal pacifiste. Limbo a été écrit en 1952, en pleine
crainte universelle des répercussions de l’armement
nucléaire et de la guerre froide entre les deux superpuissances
militaires qu’étaient les États-Unis et l’Union
soviétique. Le pacifisme avait alors le vent en poupe dans certains
milieux. Bernard Wolfe imagina la prise de pouvoir d’un pacifiste,
Helder, qui, pour s’assurer que plus aucune guerre n’aura lieu,
invita ses sujets à… se couper les membres !
Limbo n’est qu’un ouvrage parmi
tant d’autres, durant cette période, à s’être
focalisé sur la thématique nucléaire.
Encore une
fois, ce type d’ouvrages vise à discréditer certaines
idéologies et le message diffusé est intéressant. Et comme
nous l’avons dit précédemment, l’être humain
doit être constamment alerté des risques d’une idéologie
utopique.
Toutefois, les
dystopies demeurent finalement assez
éloignées de la réalité, raison pour laquelle Tv
Tropes indiqua « Dystopia is hard
». Le totalitarisme a plutôt eu tendance à disparaître
de la surface du globe et on peut espérer que le cauchemar
imaginé par Ievgueni Zamiatine ne prendra
jamais forme au XXVIème siècle
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