Nous sommes arrivés à un moment charnière où les
effets de seuil ont été atteints et où la conjonction de plusieurs facteurs
comme les technologies et les délocalisations (mondialisation) entraîne
définitivement un immense ajustement social vers le bas et des suppressions
massives de postes. Rien ne redeviendra comme avant. C’est à travers la
petite histoire de Jean Dupont (sur une idée originelle du Web) que je
souhaitais aujourd’hui attirer votre attention.
Jean Dupont, chômeur sans espoir de retrouver un boulot mais qui n’a
toujours pas compris pourquoi !
Cela fait maintenant 8 mois que Jean Dupont doit tous les mois « pointer »
à Pôle emploi afin de percevoir ses allocations chômage. Oh, rassurez-vous,
il est bien loin le temps où les chômeurs devaient soit renvoyer par la poste
un carton qu’il fallait remplir mensuellement (ce qui faisait travailler
quelques postiers) ou se déplacer directement à son agence de quartier (ce
qui faisait également travailler quelques conseillers ANPE). Désormais, nous sommes
rentrés de plain-pied dans l’ère des nouvelles technologies et il suffit de
se connecter sur le site de Pôle emploi pour indiquer et mettre à jour sa
situation. D’ailleurs, Jean Dupont utilise une live box Sagem made in China.
Alors ce matin, plein de bonnes résolutions, Jean a décidé après un petit
passage à vide lié à ses mois d’inactivité et d’ennui de se relever les
manches et de recommencer de plus belle sa recherche de travail.
Décidant de se lever tôt, car d’après l’adage l’avenir appartient à ceux
qui se lèvent tôt, bien que ces derniers temps la notion d’avenir
professionnel lui semble quelque peu bouché, il avait réglé son réveil
(fabriqué au Japon) à 6 heures du matin.
Il file se refaire une « beauté » afin d’avoir l’air un peu moins « exclu »
et se passe le coup de rasoir dont il avait bien besoin pour retrouver un peu
figure humaine (un rasoir fabriqué à Taïwan). Avant de gagner la salle de
bain qu’il venait de refaire juste avant de pouvoir bénéficier d’un plan de
sauvegarde de l’emploi (avec des céramiques espagnoles, du ciment grec et
quelques faïences en provenance de Russie), il avait pris soin de mettre en
marche sa cafetière électrique (fabriquée en Chine).
Une fois réveillé par une douche bien agréable grâce à son ballon d’eau
chaude neuf en provenance de Tchéquie, il s’assoit enfin pour déguster son
breuvage bien noir (venant du Mexique) légèrement sucré (son sucre étant
importé du Brésil, premier producteur mondial en déforestant l’Amazonie). Il
mange sans vraiment d’appétit quelques tartines de vieux pain qui sortent de
son grille-pain (made in China).
Son petit déjeuner avalé, il se dirige vers sa chambre. Ouvre son armoire
(fabriquée au Vietnam), enfile une chemise (fabriquée en Turquie), puis son
jean (fabriqué en Chine), ses chaussettes (qui viennent de Tunisie) et enfile
enfin sa paire de chaussures (fabriquées au Bangladesh dans des usines qui
s’effondrent sur leurs propres ouvriers et vendues environ 60 centimes le
kilo livrées au Havre et qu’il avait acheté 86 euros la paire en solde dans
la chaîne près de chez lui).
Il prend son ascenseur (américain) et descend dans son parking pour
prendre sa voiture (fabriquée en Roumanie). Pour se motiver, Jean Dupont
s’est inscrit à une formation gratuite de Pôle Emploi sur la recherche d’emploi…
et puis cela, au moins, le fait sortir de chez lui. Il est un peu en avance
et doit s’arrêter à la banque au distributeur à billets (un automate fabriqué
en Asie et utilisant un logiciel américain et qui a remplacé avantageusement
les guichetiers qui avant faisaient ce travail).
Le soir, de retour chez lui après une journée de formation qui ne l’aura
pas formé à grand chose, il ouvre sa boîte aux lettres que l’on pourrait
largement rebaptiser boîtes aux factures car depuis que tout le monde utilise
les e-mails, il est évident que l’on ne reçoit plus vraiment des courriers à
part des factures. Les nouvelles ne sont pas bonnes. Il sort sa calculatrice
(made in Taïwan) pour faire ses comptes et savoir exactement combien il lui
reste pour finir le mois.
Cela ne l’empêche pas de grignoter quelques fraises (d’Espagne, pourries
de pesticides jusqu’au trognon bien qu’une fraise n’ait pas de trognon) en
contemplant sa situation financière de plus en plus désespérée. Il les a
achetées à la supérette du coin, en payant à la caisse automatique et en «
bipant » lui-même ses articles car cela va plus vite et fait gagner du temps
(alors qu’avant, les caissières, au moins, avaient un travail).
Pour se changer un peu les idées, il allume sa télé écran tout plat
dernier cri acheté du temps où il avait encore un travail et fabriquée par
l’usine Panasonic au Japon, une usine de 13 hectares, fabriquant pour 2
milliards de dollars d’écrans plats chaque mois avec uniquement 14 salariés…
C’est l’heure du JT. La nouvelle ministre du travail qui remplace l’ancien
nouveau ministre du Travail (celui qui s’occupe des chômeurs) vient de
promettre qu’il ne fallait pas se décourager et que l’on devait tout tenter.
Il faut dire que l’abruti précédent du précédent pensait pouvoir le faire
baisser et inverser la courbe. Il a tellement bien bossé qu’il a eu une
promotion et de ministre des Chômeurs, il est devenu ministre des Finances
publiques (poste qu’il tient toujours à ce jour), inversant autant la courbe
des déficits que celle du chômage.
Au moins, celle-là affiche des ambitions moins démesurées… elle se contentera
de faire monter le chômage moins vite… et puis un poste de ministre ça ne se
refuse pas… pensez donc, bonne cantoche, voiture avec pimpon bleu, paye plus
que convenable, retraite assez rapidement obtenue… bref, un bon job même si
l’on doit passer pour un crétin une fois par mois soit 12 fois par an… à 12
000 euros par mois ça vaut le coup!! Comme disait ma grand-mère le
ridicule ne tue pas… mais il fait mal! Bref, reprenons le cours de notre
histoire.
Claire Chazal (qui était là depuis des décennies) a été virée du jour au
lendemain passant, en moins de 15 jours, du stade d’icône télévisée à
l’anonymat des chômeurs de plus de 50 ans. Sa remplaçante choisie pour être
remplaçable à n’importe quel moment par n’importe qui, explique que la
reprise économique est là et que les prévisions pour l’année prochaine
montrent une nette accélération de la croissance… et pourtant pour lui, pas
un seul boulot, pas même un entretien. Il prend un anxiolytique (remboursé
par la sécu et fabriqué en Inde dans les nouvelles usines à génériques
low-cost et ayant beaucoup de mal à respecter les normes de qualité) histoire
de mieux dormir.
Pendant ce temps la nouvelle remplaçante du JT, qui attend son remplacement
ne sachant juste pas quand il arrivera, explique avec des trémolos dans la
voix que notre bon président a inauguré le plus gros, le plus énorme des
porte-conteneurs du monde, un navire français. Les communiqués de victoire
s’enchaînent ainsi que tous les superlatifs…
Plus gros bateau, plus
long, plus haut, plus gros moteur, 18 000 conteneurs de transportés en un
seul voyage.
La remplaçante un jour remplacée oublie juste d’expliquer à Jean Dupont
que ce navire a été fabriqué en Corée et que ces 18 000 conteneurs
transportent essentiellement des chinoiseries en provenance de Chine
destinées à alimenter nos magasins et supermarchés pour les fêtes de Noël.
Personne ne dit à Jean Dupont, et surtout pas la remplaçante qui sera un jour
remplacée, que ses emplettes font nos emplois et que ces 18 000 conteneurs
c’est évidemment la mort des usines de notre pays et donc de nos boulots.
Il enfile son pyjama (fabriqué en Tunisie), vérifie son réveil (toujours
japonais), éteint sa lampe de chevet (coréenne) et se roule sans couette
(fabriquée au Maroc).
L’anxiolytique fait son effet et ses paupières sont lourdes, surtout qu’il
n’a pas hésité à se boire une petite bouteille de vin (italien, l’Italie
étant passée devant la France cette année pour le titre de plus grand
producteur de vin au monde), le sommeil le guette.
Jean Dupont n’a jamais été très brillant dans le maniement des concepts
économiques, il ne comprend donc pas très bien la situation ni vraiment
pourquoi il y a une crise. Lui qui voulait un i-Pad (fabriqué en Chine par
une entreprise sud-coréenne du nom de Foxconn pour un donneur d’ordre
américain et qui remplace 1 million d’ouvriers chinois pas chers par 300 000
robots encore moins chers et sans revendication sociale), il devra attendre,
et avant de fermer les yeux, paisiblement, il a juste le temps de se demander
une nouvelle fois, pourquoi, ici, en France, il n’arrive toujours pas à
trouver de travail.
Demain, en France, nous serons tous des Jean Dupont. Personne n’est à
l’abri comme l’exemple de Claire Chazal l’illustre parfaitement. Nous
sommes tous, des intermittents du spectacle capitaliste, sauf que la
couverture sociale tend à se réduire comme peau de chagrin. C’est un immense
ajustement vers le bas.
Désormais la seule certitude, c’est l’incertitude. Il faut donc intégrer
l’incertitude comme une certitude.
Pour ceux qui neseraient pas au courant (et parce que je ne mets pas des
grandes pancartes partout qui clignotent) je viens de lancer STRATEGIES.
C’est une lettre mensuelle dans laquelle je partage avec vous mes solutions
pour vous en sortir malgré la crise.
Je refuse la fatalité et le fait que nous soyons condamnés à subir sans
pouvoir rien faire. Ce n’est pas vrai et une autre vie est possible si nous
sommes capables d’affronter nos peurs et la pression sociale. Cette autre vie
ne sera rendue possible que par des choix forts. Des choix qui seront
personnels à chacun, et le fruit d’une réflexion profonde qui vous permettra
d’appliquer des principes forts d’anticipation dans votre vie personnelle.
Pour celles et ceux qui voudront me suivre dans cette aventure et
aller plus loin, je vous donne rendez-vous ici !!
Préparez-vous il est déjà trop tard!
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les
révolutions violentes »