La situation paraît
paradoxale et n’a probablement pas été anticipée
quand les gouvernements ont coupé – les uns après les
autres – le lien entre leurs monnaies et l’or. Le dollar fut le
dernier à subir ce sort, avec la fameuse décision de Nixon de
fermer le « gold window » au
début des années 1970.
Il n’est
pas un secret que les banquiers centraux ont fait tourner la
« planche à billets » depuis cette
époque-là. Conséquence logique : les monnaies-papier
ont perdu une grande partie de leur pouvoir d’achat.
Mais le point
intéressant est ailleurs. Car c’est la fabrication de la
« petite monnaie » qui s’avère être
une « victime collatérale » de cette inflation
et de l’augmentation des prix qui s’en suit.
En effet, les
coûts de productions et de mise en circulation des pièces de
monnaie – sous forme de matières premières en
métal, énergie, équipement, main-d’œuvre, etc.
– libellées en euros ou en dollars, finissent dans plusieurs cas
par dépasser la valeur nominale marquée sur les pièces
de monnaie.
Parfois le
décalage entre les deux est tel que la valeur du métal seul, si
on les fait fondre, devient supérieure à cette valeur nominale.
La forte inflation des années 1970 a ainsi poussé la Monnaie
américaine à remplacer en 1982 les pièces de un cent en
cuivre (copper pennies) par des pièces en
zinc pour limiter les coûts.
Quarante ans de
création monétaire inflationniste plus tard, la valeur « intrinsèque »
des copper pennies est ainsi plus de deux fois
supérieure à la valeur nominale affichée sur le cent lui-même.
Il existe ainsi des sites qui permettent de suivre le cours de cette valeur intrinsèque
au jour le jour ; d’autres sites fournissent des astuces pour se constituer
un petit stock en cherchant les rares copper pennies
encore en circulation, certes en guise de hobby, mais qui pourrait s’avérer
utile en cas d’inflation galopante.
Mais l’histoire
ne s’arrête pas là. Le cent actuel en zinc, ainsi que le nickel (pièce de 5 cents), subissent
le même sort à cause de l’inflation qui se poursuit. Si la
valeur du métal qui les constitue reste pour l’instant inférieure
à leur valeur nominale, leurs coûts de production et de mise en
circulation ont été en 2012 respectivement de 2 cents et de 10
cents l’unité, soit le double de la valeur affichée. Pour
les « battre » et les mettre sur le « marché »,
la US Mint (i.e., la Monnaie américaine) et
le Trésor public ont ainsi perdu 109 millions de dollars en 2012. Entre
2006 et 2012, cette perte de « seigneuriage » représente
près d’un demi-milliard de dollars (470 millions pour être
précis – voir Figure 1).
Figure
1 : Pertes liées à la fabrication et mise en circulation
des pièces de 1 cents (penny) et de 5 cents (nickel), 2006-2012
Source :
US Mint, 2013.
Le même
phénomène frappe la fabrication de piécettes en euros. À
cet égard, la Commission européenne a lancé
en mai dernier une réflexion concernant le futur des pièces de
un et de deux centimes, l’une des options consistant tout simplement à
les retirer complètement de la circulation. Pourquoi ? À cause
là aussi, comme le précise le communiqué de presse de
Bruxelles, des pertes qu’elles occasionnent et qui
s’élèvent à 1,4 milliards d’euros depuis
2002.
Tout comme la
Fed, la BCE poursuit sa politique de création de nouvelle monnaie
inflationniste érodant de plus en plus le pouvoir d’achat de nos
économies, une inflation qui rattrape inévitablement aussi la
fabrication de la « petite monnaie ». À l’image
des copper pennies, les piécettes
métalliques des centimes d’euros risquent sans doute de faire aussi
un jour la joie des collectionneurs.
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