La distribution d’aides sociales tous azimuts, qui a jusqu’alors permis d’acheter une paix sociale vérolée mais relativement efficace, sera probablement un des deux éléments clés qui précipitera la faillite complète de tout l’Etat français. Dans ces aides sociales, le Revenu de solidarité active (RSA) joue sans mal le premier rôle.
Bien sûr, ce RSA n’a pas grand-chose à voir avec la candide proposition de revenu générique et cosmique que j’évoquais dans un récent article ; force est cependant de constater que le petit pécule social est distribué à un nombre grandissant de citoyens français, au point d’attendre les 2,5 millions de foyers bénéficiaires. En poussant un peu, à ce rythme, tout le monde va bientôt y avoir droit…
Ce n’est pas anodin. Outre l’explosion du nombre de bénéficiaires (qui représente 71% de plus qu’à sa création en 2009), plus structurelle puisque liée à l’augmentation de la population concernée, d’abord métropolitaine puis finalement française tout court, on note aussi une augmentation conjoncturelle directement en phase avec la massification du chômage dont la France n’arrive toujours pas à s’extraire, en dépit des petits coups de mollets flasques du capitaine de pédalo.
Ce n’est pas bon signe. Cette augmentation du RSA, intrinsèquement, montre clairement la paupérisation grandissante de pans entiers de la population du pays. Ceci implique directement qu’une part croissante des Français se retrouve avec d’énormes difficultés pour terminer le mois, ce qui plonge toute une partie de la population dans la précarité, entraînant des impacts en termes de croissance ou de PIB, certes, mais aussi de façon moins triviale en termes de moral des ménages, de santé publique, bref, de cohésion globale du fameux « tissus social » que le socialisme hexagonal s’est employé à tisser à sa façon, avec du scotch, de la colle, du fil de chanvre et beaucoup de rapiéçages.
Ce n’est pas sans conséquences, car, de façon moins directe, cela signifie aussi une augmentation pernicieuse des difficultés de trésorerie des départements français. Eh oui, on l’oublie un peu vite lorsqu’on prend connaissance de ces chiffres nationaux désastreux, mais le RSA est une affaire locale, départementale même. Et comme ce sont les départements qui se chargent de cette distribution, chaque augmentation du RSA (en quantité et en qualité) entraîne de nouvelles tensions dans leurs budgets.
En juin dernier, je notais les couinements de plus en plus forts de quelques uns de ces départements, acculés à la quasi-faillite devant l’explosion de leurs dépenses sociales. En janvier, je revenais à la charge en remarquant qu’une dizaine d’entre eux poussaient des râles d’agonie, dès le début d’année, sentant déjà leur trésorerie épuisée par le stress du RSA. Il faut dire que, dans tous les cas, ces départements slalomaient avec brio autour de leurs dépenses pour en formuler de trop microscopiques réductions.
Or, indépendamment de l’état déplorable des finances de quelques départements, la situation actuelle est catastrophique. Malgré des contorsions aussi comiques que grotesques de la stagiaire actuellement Ministre du Chômage, personne n’est dupe de la tendance prise durablement par les chiffres du chômage : cela continue d’augmenter furieusement. Et cette augmentation se traduit mécaniquement par un accroissement du nombre de bénéficiaires du RSA. Autrement dit, les ennuis actuels des départements vont s’aggraver.
Il y a pire.
Un nombre toujours plus grand d’individus ne fait pas les démarches pour, justement, bénéficier des aides sociales, à commencer par le RSA. Alors que les pouvoirs publics semblent lutter contre la fraude sociale qui ampute leurs moyens, les études montrent qu’en pratique, nombre de personnes qui pourraient bénéficier des aides ne font tout simplement pas les démarches pour les obtenir, notamment parce qu’obtenir le RSA représente un parcours complexe et alambiqué (ce qui sauve, pour le moment, les finances des départements).
En somme, le système est bel et bien à bout de souffle et (horreur & ironie) toute simplification administrative pourrait en précipiter la chute.
Pas étonnant, dès lors, de voir que les départements en difficultés (une dizaine fin 2015, plus proche de 40 à présent et probablement le double dans douze mois) tentent un petit chantage des familles auprès du gouvernement : plus de moyens, encore des sous, moaAar money please, ou sinon ils imposent aux demandeurs de RSA de s’inscrire obligatoirement dans les petites fiches de Paul Employ, ce qui ferait exploser le nombre officiel de chômeurs, probablement bien au-delà de six millions. Pour ceux qui nous dirigent (dans le mur), cela signifie une courbe qui ne s’inverse pas du tout dans le bon sens et qui pourrait remettre en question la candidature du meilleur d’entre tous.
En introduction, j’évoquais deux éléments clés attisant l’écroulement du Léviathan français. Le second, ce sont bien sûr les emprunts toxiques et autres consternantes décisions d’investissements idiots lancés par les collectivités locales sous prétexte que (comme une vitre cassée) l’argent ainsi dépensé créerait de l’emploi.
Et là encore, on voit qu’à mesure que les semaines passent, ce qui était déjà fort délicat les années puis les mois précédents devient maintenant franchement explosif. C’est tout particulièrement le cas pour la région Poitou-Charente qui, depuis qu’elle a été absorbée dans le nouvel ensemble « Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes », avait défrayé la chronique en se retrouvant avec des douzaines de millions d’euros d’impayés, et doit maintenant faire face à des engagements et dettes de l’ordre d’un milliard d’euros.
Oui, vous avez bien lu : l’ardoise royale (forcément royale) atteint le milliard.
Et comme l’indique l’article, pour arriver à ce montant assez sportif de dettes, l’ex-région Poitou-Charentes a eu recours à plusieurs systèmes de financement pour ses investissements, dont le financement en crédit-bail de l’achat de 32 rames TER, et l’utilisation de montages dont certains présentent un très haut niveau de risque de dérapage financier, à savoir 130 millions d’emprunts structurés, autrement dits toxiques, c’est-à-dire assis sur des taux variables et basés sur des variations de change entre l’Euro et le Franc Suisse (le principe, relativement simple, est exposé en détail ici).
Et au-delà de ces montants faramineux dont la facture totale risque fort de s’alourdir avant les conclusions de l’audit attendues pour le 7 avril prochain, on doit se demander comment cette situation aurait pu se bâtir sans que nos élus ne soient un minimum informés alors qu’ils étaient en charge de la gestion de la région en bon père de famille (i.e. ni alcoolique, ni mégalomane). Du reste, ce qui est vrai en Poitou-Charente l’est partout ailleurs à différents degrés : quelles énormités découvrira-t-on dans les autres régions et départements ?
Et rassurez-vous : si la faillite n’est pas le fait d’une utilisation compulsive d’emprunts toxiques, elle sera de toute façon la conséquence directe de la redistribution sociale tous azimuts.