En attendant Godot est une pièce écrite par l’écrivain
irlandais Samuel B. Beckett à la fin des années 1940, dans laquelle deux
personnages, Vladimir et Estragon, attendent en vain l’arrivée d’un troisième
personnage du nom de Godot. L’histoire n’est pas sans ressembler aux discours
de la Réserve fédérale quant à la hausse des taux d’intérêt.
Depuis le printemps
2013, la Fed considère une hausse des taux d’intérêt, qu’elle a supprimés
jusqu’à les porter à zéro pourcent en décembre 2008. Jusqu’à présent, elle s’en
était contentée. Et en regardant la situation de plus près, il n’est pas
difficile de comprendre pourquoi. Avec cette politique de taux d’intérêt
zéro, la Fed alimente une expansion artificielle économique et du prix des
actifs.
Les taux d’intérêt
américains, en pourcents
Source:
Thomson Financial
Faire grimper les taux d’intérêt
sur le court terme reviendrait à débarrasser le bol de punch alors que la
fête ne vient que de commencer. A mesure que les taux grimperaient, la
structure de la production et de l’emploi ne pourrait plus être soutenue. Il
en irait de même pour les obligations, les actions et les prix de l’immobilier.
Si l’économie ralentissait, ou plongeait dans une récession, la machine de
création monétaire de la Fed ferait face à de lourdes conséquences.
C’est là la véritable
raison pour laquelle la Fed désire maintenir les taux à leur niveau actuel.
Mais un obstacle se dresse face à cette politique : si les épargnants et
les investisseurs savaient que les taux demeureront toujours aussi bas qu’ils
le sont aujourd’hui, ils tourneraient le dos au marché du crédit. Le déclin
conséquent du crédit nuirait bien évidemment au système monétaire fiduciaire.
Pour empêcher un tel
scénario de se développer, la Fed doit faire deux choses. Elle doit d’abord
faire croire aux marchés financiers que les taux d’intérêt seront un jour
rehaussés. Si les épargnants et les investisseurs lui font confiance, alors
ils maintiendront leurs dépôts, leurs fonds des marchés monétaires, leurs
obligations et tous leurs autres produits aux revenus fixes, et ce peu
importe à quel point leurs rendements sont limités.
Deuxièmement, La Fed devrait
continuer de repousser la hausse des taux sans briser les attentes des
marchés. Elle devra continuer de décréter que les taux pourraient être
rehaussés suite à la prochaine réunion du FOMC. Et à l’approche de chaque
réunion, elle devra répéter cette supercherie.
Si la Fed parvient à
maintenir sa stratégie à la En attendant Godot, alors l’épargne
continuera d’affluer sur les marchés du crédit. Les emprunteurs pourront
refinancer leur dette arrivée à maturité grâce à de nouveaux prêts et
augmenter l’emprunt total grâce à des taux d’intérêt supprimés. L’endettement
de l’économie continuera de gonfler, et l’heure de vérité sera constamment
repoussée.
Mais comme le veut le
vieil adage, « on peut tromper quelques personnes tout le temps, tout le
monde quelquefois, mais on ne peut tromper tout le monde tout le temps ».
Que se passerait-il si les épargnants et les investisseurs réalisaient que la
Fed ne fera pas grimper les taux, et continuera de les maintenir proches de
zéro, voir négatifs ?
Si une ruée vers la
sortie du marché du crédit venait à se développer, la Fed serait obliger de
remplir l’écart de financement des débiteurs afin d’empêcher le système
fiduciaire de s’effondrer. La banque centrale devrait ainsi monétiser la
dette nouvelle comme existante, et faire plonger le pouvoir d’achat du dollar
– et de nombreuses autres devises tout autour du monde.
La stratégie à la En
attendant Godot n’exclut pas la possibilité pour la Fed de faire grimper
le coût de l’emprunt sur le court terme. En revanche, toute fluctuation des
taux restera minime, comme nous avons pu le voir au Japon, et les taux d’intérêt
ne seront jamais autorisés à « repasser à la normale ». La logique
inhérente au système fiduciaire ne le permettrait pas.
Taux d’intérêt
japonais, en pourcents
Source:
Thomson Financial
La Fed – comme toutes
les autres banques centrales du monde – ne laissera pas la déflation se
débarrasser de la dette, parce que le faire signifierait laisser se renverser
les structures économiques et politiques construites sur cette dette. Elle
continuera certainement de combattre les nouvelles récessions et dépressions
par de la nouvelle monnaie fiduciaire, à des taux toujours plus bas voire
négatifs.
Comme l’a succinctement
expliqué Murray N. Rothbard : « nous pouvons nous attendre non pas à
une nouvelle dépression digne de 1929, mais à une dépression inflationniste
aux proportions gigantesques. »