Supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune : c’est l’une des
mesures emblématiques qu’on s’attend à trouver dans le programme d’une bonne
partie des candidats qui brigueront la place de François Hollande en mai
2017, principalement à droite. Et pourtant, il n’est plus aussi certain que
cet impôt disparaisse, compte tenu des conséquences financières que cela
pourrait entrainer auprès des petites et moyennes entreprises.
En effet, depuis 2007 et la loi TEPA (Travail Emploi et
Pouvoir d’Achat) , les contribuables français redevables de l’ISF
peuvent bénéficier d’une réduction de leur impôt en investissant dans les PME
et TPE. Dès lors, qu’il s’agisse d’un apport en numéraire ou en
nature (sauf bien immobilier), l’investisseur peut déduire jusqu’à 45
000 euros sur sa feuille d’impôt. En échange, il reçoit des parts de
l’entreprise et peut contribuer à son essor. Car un autre avantage, moins
quantifiable celui-ci mais tout aussi important, consiste en l’apport de
savoir-faire et d’expérience que ces investisseurs, souvent eux-mêmes
entrepreneurs de structures plus importantes, peuvent partager et communiquer
à des entreprises en plein développement, au titre de leur participation au
capital.
Investir dans les entreprises plutôt que payer le fisc sans retour
Chaque année, ce dispositif permet ainsi aux petites et moyennes
entreprises de collecter plus d’un milliard d’euros sans
passer par les systèmes de financement classiques. Autant d’argent qu’elles
n’auraient d’ailleurs peut-être pas pu obtenir autrement, compte tenu des
conditions de plus en plus drastiques imposées par les banques (selon l’OCDE, les PME ayant sollicité
des prêts entre 2011 et 2014 ont généralement dû faire face à des taux
d’intérêt plus élevés que sur la période 2007-2010 ; les conditions
de crédit sont restées plus restrictives pour les PME que pour les
grandes entreprises, les premières ayant été confrontées à une réduction de
la durée des prêts, à des exigences croissantes de garanties) .
Certes, depuis le début de l’année et sous la pression d’une Union
Européenne peu favorable à ce qu’elle considère comme une aide d’État aux
entreprises, le système TEPA a du plomb dans l’aile, mais il permet toujours
aux plus gros contribuables de déduire plus de 500 millions d’euros
d’impôt par an, à rapprocher des quelque 5.6 milliards générés par
l’ISF en 2015. D’autant plus que, même si les investisseurs doivent dépenser
de l’argent quoi qu’il arrive, il leur est beaucoup plus acceptable de le
faire directement au profit de l’économie entrepreneuriale
qu’en “pure perte” (ou considéré comme tel) à l’attention du fisc.
Des avantages non négligeables pour les investisseurs
Car outre le sentiment de “payer utile” en aidant au
développement des petites et moyennes entreprises, les investisseurs voient
surtout deux raisons majeures de souscrire au dispositif TEPA-ISF.
Tout d’abord, on évalue à environ 11 500 euros le montant moyen de
l’ISF par contribuable concerné, ce qui signifie qu’il est très
facile de s’exonérer totalement de cet impôt en investissant un peu plus de
20 000 euros dans une ou plusieurs PME-TPE. Mais surtout, en acquérant des
parts de ces sociétés, le contribuable peut éventuellement en retirer des bénéfices
ultérieurs non négligeables à mesure que l’activité de la PME ira en
progressant, qu’il s’agisse de dividendes ou encore de plus-value
à la revente des parts quelques années plus tard.
Une manne née avant tout de la contrainte
Aujourd’hui, certains experts craignent que la suppression de
l’ISF n’entraîne également la fin d’un dispositif incitatif qui
fonctionnait largement grâce aux exonérations d’un impôt que la plupart des
investisseurs rechignent justement à payer. Si cette contrainte fiscale
devait disparaître, il est probable qu’un grand nombre de contribuables
verraient moins d’intérêt à financer les PME et TPE,
d’autant que le risque de perdre son capital existe toujours.
Par conséquent, sauf à élargir l’assiette des exonérations TEPA à l’impôt
sur le revenu par exemple, il n’est pas certain que pour le bien du tissu
entrepreneurial français, les candidats à l’élection présidentielle de 2017,
à droite comme à gauche, prennent la décision de supprimer une mesure fiscale
qui les obligerait à soutenir les PME et TPE d’une autre manière pour
compenser. Un soutien direct qui serait aussitôt attaqué par les
instances européennes qui n’apprécient pas vraiment que les économies privées
se retrouvent sous perfusion de fonds publics.