Dans les gigantesques mutations que nous avons vécues ces dernières
décennies, il en est une qui est plus existentielle que les autres. il s’agit
de la place prééminente et prédominante du marché boursier mondialisé avec
ses activités, son infrastructure, ses produits et ses
dirigeants/actionnaires.
Ce marché de la haute finance internationale a torpillé TOUTES les
frontières nationales pour créer un ensemble supranationale, globalisée, sans
états d’âme prêt à TOUT pour imposer son référentiel.
Ce marché se définit à l’oeil nu par une absence totale et pathologique de
satiété en termes de gains ou de pouvoir.
L’humanité avec ses imperfections et ses limites spatio-temporelles lui
est insupportable. Le marché lui préfère la pseudo puissance de la
technologie qui lui permet d’agir et réagir toujours plus, toujours plus vite
et toujours plus loin.
Le marché apporte des preuves quotidiennes de ses erreurs, de ses fautes,
de son immoralité et de ses échecs.
La situation actuelle des banques européennes amène au grand jour
pêle-mêle:
- le manque de diligence du top management qui a prévalu
depuis une bonne dizaine d’années,
- la présence surprenante, dans l’actionnariat des banques
mal en point, de puissants fonds étrangers ,
- la présence répétée de certains actionnaires dans les
banques et bourses en Allemagne, France, Suisse,…
- la transformation de fleurons bancaires en poubelles
financières géantes prêtes à exploser à tout moment,
- la mutation du système bancaire réglementée vers des
activités de la finance de l’ombre totalement dérèglementée et très
probablement criminogène,
- la mutation des grandes belles banques d’autrefois en
« darkpools »qui agissent dans l’anonymat des clients,
- …
Le marché financier, symbolisé par la bourse, est donc
devenu un monde constitué de mécanismes incompréhensibles pour le commun des
mortels. Il semble s’être transformé en un puissant terrain de jeux mafieux
qui nargue les législations et les peuples excédés. Immunité et
intouchabilité le caractérisent….
Pourtant, cette structure qui est devenue le fondement de toute activité
financière et économique a avalé le système politique et toute forme de
démocratie. La dictature par les normes imposées aux autres ne s’explique que
par sa boulimie et son aversion pour l’humain et les Etats.
Les dirigeants de cette dictature qui se prennent pour une
« élite » se donnent le droit de tout chambouler par le pouvoir de
l’argent.
Ce positionnement est extraordinairement important pour tenter de
comprendre l’ensemble des dérapages actuels auxquels nous assistons impuissants.
Sans avoir ni la capacité, ni le désir, ni l’envie de faire un état des
lieux complet du monde de la finance, nous allons tenter de mettre en avant
quelques points qui en reflètent les dangers…
Qu’est-ce que la bourse?
Nous pourrions définir la bourse telle que tout un chacun pourrait la
comprendre de 3 manières différentes, toutefois complémentaires:
- Un lieu physique
- Des intervenants
- Un marché
Les deux premiers points semblent suffisamment évidents pour ne pas trop
les développer. En revanche, le 3ème qui traite du marché est essentiel.
Le marché boursier est ce lieu où vont être traités les ventes et les
achats de valeurs mobilières et des marchandises. Normalement, les valeurs
qui y sont fixées devraient être strictement liées à la loi de l’offre et de
la demande.
L’adage universel « ce qui est rare est cher » devrait
être la loi de base de tout marché.
Mais c’est sans compter sur:
- la spéculation pure
- la manipulation des leviers qui influencent les prix et
les cours (le scandale du Libor est un excellent exemple)
- la surévaluation d’entreprises telles que celles de la
haute technologie ou du numérique où les prix ne correspondent pas
forcément à la réalité économique
- la guerre que les agents financiers peuvent livrer à des
Etats
- la guerre que les agents peuvent livrer à des
entreprises qui se trouvent à court de liquidités (crise des liquidités
des banques européennes en 2011)
- la guerre que les agents peuvent livrer au niveau de la
capitalisation d’entreprises saines
- le soutien massif à des entités et des régions
surévaluées
- la guerre que les entités peuvent se livrer entre elles
afin de dominer
- …
Pourtant tout ce qui précède n’aurait jamais pu être possible sans la
financiarisation massive des entités économiques, financières et étatiques…
La financiarisation
La financiarisation, appelée frauduleusement « ouverture des
marchés », est en réalité le transfert de toutes sortes d’entités
privées et publiques aux mains de la bourse, appelée tout aussi
frauduleusement « marché ».
Voici une définition
très intéressante de la financiarisation
« Tendance à faire des marchés des dispositifs d’évaluation
et d’échange de tous les actifs : non seulement ceux des
entreprises mais aussi ceux qui constituent le patrimoine des particuliers,
ou encore celui de l’État. Les marchés deviennent ainsi les
évaluateurs directs ou indirects de toutes les « valeurs », bien
au-delà de ce que l’on appelait naguère des valeurs « économiques ».
L’éthique par exemple, intervient désormais dans l’évaluation des entreprises
et autres investissements dits « socialement responsables ». Et de
même pour le talent, le génie, l’originalité, la compétence, etc. » (IREPP)
Confondre « marché » et « bourse » d’une part et
« ouverture » avec « forcing » d’autre part induit les
gens, à la tête desquels nous retrouvons les élus, en erreur.
Le système actuel n’a rien de libéral. C’est une mainmise mafieuse par les
tenants du marché financier globalisé!
Souvenez-vous de l’exemple sur la financiarisation de l’électricité,
appelée faussement « libéralisation du marché de l’électricité ». Cet
exemple choquant montrait que le prix du kilowatt-heure pouvait être vendu à
des prix négatifs.
On donne de l’argent aux gros clients pour qu’ils consomment de
l’électricité. Ceci ne peut que condamner les producteurs à la faillite,
devenant ainsi une proie à avaler facilement…
Nous constatons actuellement que si le processus devait se poursuivre,
TOUT et absolument TOUT finirait par être financiarisé. Cela revient à dire
que les principaux investisseurs de la planète deviendraient les Maîtres
incontournables de la terre et de l’humanité!
Nous avions vu dans des articles précédents sur la privatisation ou le
démantèlement des Etats que les statistiques fédérales suisses sous
l’impulsion de l’UE considéraient le « foyer » comme « centre
de production ». Ce genre de données ne peut être utile qu’à un marché
qui veut cartographier et financiariser la vie des citoyens…
En arriver là est simplement effrayant quant à l’avenir de l’humanité et
de la planète….
Mais comment en sommes-nous arrivés à ce point de décadence?
La financiarisation par l’endettement
L’endettement est le concept-clé qui a jeté l’ensemble de la planète et de
ses biens entre les mains des agents boursicoteurs…
Il a suffi de lancer un adage très révélateur de l’état d’esprit des
leaders de la mondialisation. Celui-ci se résume à « eat or be
eaten », « manger ou être mangé » . Tous les apprentis requins
de la planète s’y sont reconnus… Les bonus mirifiques ont fait le reste…
Mais pour manger, il faut du cash. Encore du cash. Toujours du cash.
Ils ont commencé par vendre les bijoux de famille à bon prix aux copains
qui pouvaient renvoyer un jour l’ascenseur…
Il a fallu ensuite s’endetter… Beaucoup. Enormément. Le marché représenté
par ses banques mais aussi par des investisseurs ont soutenu la folie de
l’endettement démesuré.
Mais ce n’était pas juste de l’altruisme. Non c’était un piège!
Et voilà donc que le piège s’est refermé systématiquement sur TOUS les
agents privés et publics d’une certaine importance. A partir de là, vous
faites ce que les tenants décident ou vous êtes mis en faillite… (Dossier
Finma à découvrir)
Or, ces décideurs veulent TOUT patrimoine disponible sur la planète… Même
les hypothèques des particuliers finissent dans des produits financiers. Ni
vu ni connu les cédules hypothécaires déposées auprès des banques finissent
par être centralisées dans un établissement favorable au marché et à ses Maîtres.
Un loup boulimique dans la bergerie
La financiarisation est donc l’octroi d’une place prépondérante au marché
pour qu’il évalue, jauge et régisse les actifs privés et publics, tangibles
et intangibles de la société.
Nous retrouvons actuellement et de manière systématique des financiers
(banquiers et/ou investisseurs) dans les conseils d’administration. Ils
dictent ainsi la stratégie exigée par le marché à l’exécutif de l’entreprise.
De ce fait, l’économie réelle productrice de richesses a été offerte sur
un plateau ouvrant al porte à tous les abus possibles. En voici quelques-uns:
Les effets de la financiarisation sur l’économie réelle
- On a poussé les fleurons de l’économie à la croissance
- La croissance forcée par les marchés a généré
l’endettement
- L’endettement a fragilisé l’activité réelle à cause
d’une logique de rationalisation exagérée des coûts
- L’endettement a fragilisé la santé financière des
entreprises dopées à outrance par une croissance virtuelle.
L’entreprise échappe alors à l’économie et devient propriété du marché.
- Les points qui précèdent ont généré des délocalisations
absolument admises par les élus
- Ces délocalisations sont à la base du chômage de masse
et de la perte de compétences régionales
- Les labels rassurants de ces belles entreprises ont été
maintenus dans un but de simple « packaging » alors que les
produits ont été bradés.
- La qualité des produits a dégringolé sévèrement
Les effets de la financiarisation sur la gouvernance publique
Un processus silencieux de privatisation et de financiarisation de
l’Etat est en cours partout dans le monde. Son premier effet est la
confiscation des flux financiers et des produits des services
« publics » qui alors échappent totalement aux élus. La paupérisation
est une conséquence incontournable!
Les effets de la financiarisation sur l’emploi
Les entreprises transnationales et globalisées se sont délocalisées après
avoir emportées avec elles les compétences régionales, la clientèle et les
emplois qui vont avec.
Le chômage de masse ne devrait surprendre personne. Depuis une trentaine
d’années, les gouvernants savaient que le chômage serait inéluctable.
Les firmes globalisées transnationales, fortes de salariés à bas coûts
viennent mettre en échec le premier pourvoyeur d’emplois: les PME/PMI.
Celles-ci ont soit été:
- avalées par des entités transnationales dans le
but de tuer la concurrence.
- rachetées, délocalisées, leurs activités intégrées
- asséchées financièrement malgré un carnet de
commandes intéressant.
Dans tous les cas, les PME sont pénalisées par une concurrence déloyale
admise par les élus. Ainsi contrairement aux transnationales, ces PME paient:
- des impôts locaux coûteux alors que leurs
concurrentes transnationales en sont exonérées à l’étranger. Voir à ce
sujet nos articles sur le Luxleaks, les Etats-Unis, et les paradis
fiscaux,
- des salaires avec des conditions « normales »
alors qu’elles sont concurrencées sur le terrain par des entreprises
sous-traitantes pratiquant le « low cost » salarial et digne
parfois de l’esclavagisme,
- des cotisations sociales,
- etc
Une fois de plus, l’Etat se tire et tire une balle dans le pied de chaque
citoyen n’appartenant pas à l’oligarchie financière.
Au niveau des résidents à fortes déclarations d’impôts
Les personnes physiques ou familles bénéficiant de revenus supérieurs et
d’une fortune importante sont régulièrement pointés du doigt par les médias
mainstream.
Pourtant, ces personnes physiques paient des impôts et font tourner le peu
de prestations sociales qui reste du système.
Souvent, ces personnes physiques bénéficient d’une exploitation PME avec
peut-être les bâtiments qui augmentent leur état patrimonial.
Or, c’est cette fortune encore aux mains de personnes physiques que le
casino planétaire veut s’approprier… Plus l’état financier de ces personnes
est sain avec peu d’endettement et plus ils échappent aux banquiers et plus
il faudra trouver un moyen populaire pour les faire tomber…
En revanche, vous ne trouverez jamais les noms dans ces listes données en
pâture des noms bien connus de gens qui ont participé activement à la mise en
place du système. Nous ne pouvons douter que le casino a dû leur offrir des
gratifications conséquentes…
De même que vous ne trouverez pas les noms des personnes riches à des
dizaines de milliards qui se sont constituées des trusts sous les véritables
cocotiers. un richissime businessman se vantait de payer moins d’impôt que sa
secrétaire… Bref, ces gens semblent inconnus des listes qui classent les plus
riches d’un pays…
En conclusion, la financiarisation affame l’économie réelle et les
individus.Elle détient aujourd’hui TOUS les leviers financiers à TOUS les
niveaux de la vie.
Elle vise l’appropriation du pouvoir politique mondiale qu’elle a de
facto.
Prenez l’exemple de la soi-disant puissante Allemagne. Il suffirait que
les marchés s’acharnent un peu plus sur la valeur de l’action de la Deutsche
Bank pour mettre l’ensemble du pays (pour ne pas dire tout l’Eurosystème) à
genoux… Exercice facile au vu des principaux actionnaires de la banque…
Liliane Held-Khawam
PS Nous aborderons prochainement la financiarisation des banques qui piège
les Etats et les citoyens…
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