La Fed aime le mot « crédit ». Il se digère mieux que le
mot « dette ». La dette des consommateurs américains a augmenté de
19,3 milliards de dollars en septembre, pour un total de 3,71 trillions, un
nouveau record qui ne cesse d’être battu mois après mois depuis ces cinq
dernières années, d’après les données du Conseil des Gouverneurs de la
Federal Reserve, publiées ce lundi.
Tout ceci est fidèle au principe d’emprunter toujours plus pour produire
des gains de moins en moins importants, au niveau de la consommation et de la
croissance économique. Ce qui est, selon la Fed, un modèle économique
extrêmement durable, doté d’un potentiel futur énorme.
La dette des consommateurs, que la Fed appelle crédit à la
consommation (ce qui équivaut à la même chose, mais avec une
formulation plus digeste), inclut les crédits étudiants, les crédits auto,
ainsi que le crédit renouvelable comme les cartes de crédit ou encore les
lignes de crédit. Mais cela n’inclut pas les crédits hypothécaires. Voici à
quoi ressemble cette orgie d’emprunts :
Lorsqu’on plonge dans ses composantes, on constate que les crédits en
cours pour l’achat de véhicules neufs ou d’occasion ont bondi de 22,6
milliards depuis le second trimestre pour un total de 1 098 trillions,
nouveau record d’une succession de records, depuis 4 ans.
Les crédits auto ont augmenté de 38% depuis le 3ème trimestre 2012,
période à laquelle ils ont de nouveau atteint le record de la « période
dorée », datant de la bulle de Greenspan d’avant la crise financière :
Les crédits auto en cours ont augmenté car les gens ont acheté davantage
de voitures. Les ventes de voitures neuves ont atteint un record historique
l’année dernière, même si elles ont commencé à se tasser ou même à baisser
durant ces derniers mois. Les crédits en cours augmentent également parce que
les échéances sont toujours plus longues alors que les voitures sont toujours
plus chères :
Passons désormais aux esclaves de la dette de la génération à venir, dont
certains n’ont aucune idée de ce qui les attend étant donné qu’ils n’ont pas
encore remboursé le moindre centime de leur dette.
Le montant total des crédits étudiants, dus au gouvernement américain et
au secteur privé, s’élevait à 1 396 trillions à la fin du mois de
septembre. Durant le troisième trimestre, la quote-part du secteur privé a
baissé de 4,8 milliards pour un total de 357,6 milliards, alors qu’il se
retire de ce marché.
Mais les crédits étudiants dus au gouvernement ont grimpé de 14,2
milliards rien qu’en septembre, et de 37,5 milliards au 3ème trimestre 2016,
pour atteindre un nouveau record de 1,039 trillion. Voici ce qui attend ces
malheureux débiteurs :
Les cartes de crédit sont la méthode la plus chère pour se mettre dans le
rouge. Des taux largement à deux chiffres ne sont pas rares. Il y a d’énormes
frais pour ceux qui tardent à payer. En échange, les banques empruntent aux
épargnants à des taux qui sont étrangement proches de zéro.
Les cartes de crédit sont la plus grosse source de profit des banques. Si
les gens ne payent pas rapidement ce qu’ils doivent, c’est une véritable
arnaque. Cela mine les personnes les plus fragiles financièrement, notamment
ceux qui sont surendettés. Plus le besoin d’argent est urgent (pour avoir de
quoi manger, par exemple), plus les intérêts et les frais sont élevés. Les
banques savent qu’elles les tiennent par les parties intimes (sic).
Mais comment leur en vouloir ? Elles ne forcent pas les consommateurs à
utiliser les cartes de crédit. Durant la crise financière, les consommateurs
se sont retrouvés coincés. Ils ont décidé d’annuler la dette de leurs
cartes de crédit d’une façon ou d’une autre, parfois en faisant défaut. C’est
à ce moment-là que les banques se retrouvent coincées à leur tour.
Un an ou deux après cet épisode, les consommateurs ont été prudents,
au grand dam de la Fed. Mais en 2014, ils ont oublié les leçons apprises. Dès
2015, ils se sont remis à acheter des tas de choses au-delà de leurs
moyens. Aujourd’hui, les cartes de crédit et autres types de crédit
renouvelable crèvent à nouveau les plafonds. Ils sont bien partis pour
atteindre la barre du trillion de dollars, même s’il faudra encore faire un
petit effort pour atteindre le record, lorsque les choses
ont ensuite dégénéré bien comme il faut :
Voici le portrait de l’esclave américain de la dette qui essaye de faire
marcher tant bien que mal l’économie, en achetant des choses dont il n’a pas
besoin et pour lesquelles il n’a pas les moyens, avec de l’argent qu’il n’a
pas et qu’il devra rembourser le jour où il en aura encore moins. Mais ne
vous tracassez pas, tout ira bien… jusqu’au jour où.
Article de Wolf Richter, publié sur WoflStreet.com
le 8 novembre 2016
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