Quand on tombe sur un idiot, on se dit que, quelque part, un village doit
être en manque. Avec les ministres de l’actuel gouvernement, c’est,
véritablement, une épidémie de villages dépeuplés qu’on observe. Et c’est
tellement vrai que, pour éviter qu’ils fassent des bêtises, il a fallu les
occuper pendant leurs vacances. Hollande leur a donc demandé une petite
dissertation, sur le thème « Imaginez la France de 2025″. Évidemment, les
idiots ont obtempéré joyeusement.
Et déjà, les premières copies ont été dépouillées (mais pas autant que le
contribuable français, hein, sachons raison garder). À leur lecture, une
conclusion s’impose : le futur n’est plus ce qu’il était : il y a quelques
temps, ce genre d’exercice de prospective aboutissait généralement à une
cargaison de voitures qui volent, de la télé-transportation et des fusées technospatiales qui voguent d’une planète à l’autre. Et
en terme de politiques, on avait droit, jadis, à un monde un peu utopique (ou
dystopique, selon le point de vue) où les problèmes
sont tous résolus, notamment par l’application soignée et obstinée d’un
collectivisme joyeux et bien compris.
Cette fois-ci, cependant, le découpage par ministère donne un résultat
moins finement ouvragé. On n’y perd pas forcément au change : s’il y a certes
moins de voitures au design rocambolesque et moins de gardiens de la paix en
moule-burnes fluos, on gagne tout un kit
d’héroïnomane avec livraison à domicile, doublé d’un laboratoire de petit
chimiste et d’une fourniture non stop de
morphine-base. En effet, à lire les productions de Montebourg, Valls,
Duflot, Taubira ou Moscovici,
on ne peut qu’aboutir à la conclusion que nos ministres sont tous,
résolument, ouvertement et gaiement drogués. Et ce qu’ils prennent, c’est du
très costaud pas remboursé par la Sécu (ouf, cela nous aurait encore coûté
une blinde).
Soyons honnête : se lancer dans une étude prospective à 12 ans, ce n’est
pas simple. Se lancer dans une étude prospective à 12 ans, alors que la 5ème
République est en train de vivre l’une des crises, si ce n’est pas LA crise
la plus importante de son histoire, cela relève évidemment d’un exploit si
l’on parvient à quelque chose qui se réalise effectivement. Et se lancer dans
un tel exercice alors qu’on a, tous les jours, prouvé qu’on est parfaitement
à côté de la plaque, c’est un exercice voué à l’échec.
Bien sûr, on peut décortiquer les quelques pages produites par nos
ministres pour expliquer pourquoi rien de tout ce qui est écrit ne pourra
jamais se produire comme ils l’ont écrit. On pourrait gloser, au passage, sur
la prose oscillant entre le médiocre et le catastrophique de la production
ministérielle, qui en dit finalement long sur la capacité du scribouillard
qui l’a pondue : manifestement, les nègres de nos ministres n’excellent
vraiment pas dans ce genre d’exercice. Nous offrant, comme Moscovici, des
copies scolaires à la platitude quasi-insupportable d’ennui, ou des envolées
lyriques aussi bidons que ridicules pour Montebourg,
on comprend que la production des cabinets fut aussi difficile que gluante.
Comment ne pas s’envoyer violemment dans le visage une poignée de microbes
palmaires lorsqu’on découvre que le ministre du Dressement Reproductif
imagine une France, en 2025, devenue un fleuron technologique vendant comme
des petits pains des voiturettes qui consomment 2L au 100 ? Comment ne pas
sourire de façon un peu crispée lorsqu’on lit les louanges au soutien public
des PME, alors même que les auto-entrepeneur et les
PME sont, actuellement, pilonnées par les charges, les impôts et les règlementations toujours
plus confuses ? Franchement, comment ne pas sourire devant la bousculade de
mots-clefs qu’il a tentée pour camoufler la vacuité de son propos ?
La France a su être au rendez-vous du prototypage rapide, de la
convergence des réseaux sociaux, de ľhyperconnexion
des entreprises, des interfaces homme-machine, de la robotique, de la réalité
augmentée, du numérique (bigdata, cloud…), du cobo-management, de
l’impression 3D, de l’intelligence artificielle et du design.
Ah oui, presque tout y est. Il manque probablement une ou deux autres
technologies hype & fashion
de 2013, mais on a fait le tour et on peut cocher toutes les cases du bullshit-bingo. Merci, Arnaud, beau boulot.
On pourrait passer un peu de temps à revenir sur les élucubrations
fantaisistes (ou foutaisistes, plutôt) des autres
ministres, mais — et c’est, en soi, fort instructif — les médias
traditionnels sont déjà passés par là. En effet, il suffit de lire quelques uns des éditos à ce sujet sur Le Point, Europe 1, Le Monde, ou même France-TV voire Le Nouvel Obs pour s’apercevoir
d’une chose assez étonnante : personne ne croit aux fadaises qui sont
débitées par nos minustres dans cet exercice à la
futilité calculée.
Tout le monde a bien vu que le résultat, dégoulinant d’optimisme, nous
offre une avalanche de bisous républicains bien humides. Tout le monde a bien
compris que si 2025 avait été choisi (et pas, par exemple 2017 ou 2022),
c’est essentiellement parce que dans 12 ans, aucun des charlots qui proposent
ces affabulations ne sera plus au pouvoir, depuis longtemps. Partant, les
journalistes ne trouvent guère de crédibilité à l’exercice ni au résultat
fourni.
Et on peut se demander, devant une crédibilité si faible, pourquoi un tel
exercice aura été mené en premier lieu. En réalité, on se doute qu’il s’agit
d’une opération de communication qui vise, probablement, à rassurer les
marchés en leur montrant que nos dirigeants ont une vision d’avenir. Le
souci, ici, est que cette vision est si éloignée de toute réalité tangible,
nécessite de tels efforts d’ajustement intellectuel, et, pragmatiquement, de
telles réformes pour le pays qu’on sait pertinemment qu’il ne pourra rien se
passer tel que décrit. L’analyse des ministres, joyeusement hémiplégique,
déclenche une avalanche de bisous qui ne parvient pas à camoufler l’absence
totale de capacité de nos dirigeants à se projeter au-delà du mois prochain.
En effet, comment ne pas s’étonner qu’ils sortent des prédictions douze
ans en avance alors que les mêmes personnes se sont étonnées des chiffres de
croissance à +0.5% ce trimestre ? D’ailleurs,
lorsqu’on comprend comment cette croissance fut obtenue, on voit bien
l’aspect parfaitement artificiel de la performance. Autrement dit, alors que
nos ministres n’avaient pas de mots assez durs pour la précédente majorité
qui était responsable du marasme de la France, alors que nos ministres sont
maintenant agréablement surpris par ce regain de croissance, alors qu’ils
sont en train de se badigeonner tous les orifices et les babines de cette
magnifique réussite en s’auto-congratulant des beaux efforts qu’ils firent
pour en arriver là, et alors donc qu’ils montrent leur parfaite et totale
candeur voire naïveté, … ils veulent nous faire croire que leurs petites
dissertations de vacance, maladroites et sur sujet imposé, sont crédibles ?
Allons. À d’autres. Mais le plus gênant, c’est que s’ils n’arrivent même
pas à embobiner les journalistes, ils ne pourront espérer attendrir le reste
du monde et les marchés.
La rentrée promet d’être agitée.