La rentrée devait être chaude, elle l’a été au-delà de toutes les craintes de nos gouvernants. Et alors que les tensions continuent de monter dans la société française, difficile de passer sous silence le rôle prépondérant des syndicats dans cet accroissement des raideurs sociales, surtout après leur démonstration de force récente dans le conflit à Air France par exemple.
Après quatorze jours de grève chez la compagnie aérienne, le constat est sans appel : le développement de Transavia, la compagnie low-cost qu’entendait étendre Air France, est franchement remis en question. De ce point de vue, on peut assez facilement qualifier de réussite pour les syndicats l’abandon de toute velléité par la direction de créer une filiale organisée différemment de la maison mère et régie par des conventions et des contrats plus souples et plus à même de concurrencer les autres compagnies du secteur. Youpi. Malheureusement, tout le monde, depuis les pilotes jusqu’à la direction en passant, bien évidemment, par les clients eux-mêmes, s’est bien rendu compte qu’il s’agissait d’une victoire à la Pyrrhus : Air France va payer lourdement ces jours de grève et son avenir est sérieusement remis en cause.
À tel point que même les syndicalistes, sentant le vent de la consternation puis de la colère gronder chez à peu près tous ceux qui sont concernés par la compagnie française, ont envoyé leur représentant pleurnicher des explications à la presse. En substance, la direction aurait acculé les gentils pilotes syndiqués à l’arme ultime de la grève, à leur corps défendant, et n’aurait cédé sur rien, obligeant les malheureux salariés à repartir bredouilles, au travail, avant qu’il ne soit trop tard pour leur compagnie.
Discours touchant qui a un peu de mal à passer alors que les conditions d’emplois dans les autres compagnies ne sont que difficilement qualifiables d’esclavagisme, et que celles d’Air France, compagnie connue pour être trop généreuse, donnent à toutes ces revendications un entêtant parfum de foutage de gueule. En outre, on peut parier que la démonstration atterrante du manque de courage de la direction, qui a finalement à peu près tout cédé (et négocie maintenant le paiement des jours de grève), tient beaucoup aux pressions quasi-certaines qu’elle a subies de la part des politiciens, trop heureux de rappeler que l’État est, après tout, actionnaire de l’entreprise.
Chose intéressante : ce conflit social fut d’autant plus médiatisé qu’il touchait une entreprise emblématique de la « marque France », et aura certainement eu un impact (négatif) sur le tourisme et l’image du pays à l’étranger. Or, tant que ce genre de péripéties est rare, on imagine sans mal pouvoir encaisser la déconvenue. Malheureusement, cela tend à se répéter trop souvent, et à se savoir en dehors de nos frontières.
Par exemple, le récent « débrayage syndical » décrété au débotté par des agents SNCF de la fine équipe des syndicats CGT, Sud-Rail et UNSA, entraînant plusieurs lignes de Gare du Nord et Gare Saint Lazare à Paris dans le chaos habituel des jours de grève, a plongé dans la perplexité puis l’indignation un paquet de voyageurs puis — chose plus rare — de journalistes, consternés de découvrir le motif de la grève : soutenir deux agents qui passaient cet après-midi-là en conseil de discipline pour avoir bu du punch un dimanche soir de février 2013 à leur poste de travail, un poste d’aiguillage très sensible du réseau Paris-Ouest et que nos fiers agents alcoolisés avaient quitté pour se rincer le gosier, oubliant dans la manœuvre de « clignoter » un train qui entrait sur un quai occupé. Décontraction, punch pimenté et trains qui roulent font rarement bon ménage, sauf, apparemment, à la SNCF, qui se remet très bien des accidents ferroviaires qui émaillent régulièrement son histoire.
Et lorsqu’on voit que même la presse étrangère s’était fait l’écho de ce fait divers plus que navrant, difficile d’imaginer ensuite que ces journées « d’action » syndicales pourront être mises au crédit du système social français, ou même du pays dans son ensemble tant ce genre de publicité ne peut que lui être néfaste.
On comprend d’autant mieux l’ampleur du problème lorsqu’on redécouvre que le syndicalisme mène à tout, notamment à la magouille, le détournement de fonds, les emplois fictifs et tout ce qui constitue, finalement, la panoplie habituelle du mafieux trempant dans la politique. Et si j’écris « redécouvre », c’est simplement pour rappeler que cet épisode ne fait que s’ajouter aux 400 précédents qui pointent tous dans la même direction, celle d’une corruption même de l’idée de syndicalisme en France.
Comment ne pas voir que cette affaire, dans laquelle une douzaine de personnes (huit physiques et quatre morales) ont été condamnées pour des détournements de fond, d’abus de confiance, de complicité ou de recel, n’est que la partie émergée d’un iceberg monstrueux de collusions, de corruption et d’affaires mafieuses dans toute l’acceptation du concept ? Comment ne pas noter le silence feutré qui aura accompagné ces condamnations pourtant graves de la CGT (en tant que personne morale) ou de l’épave journalistique L’Humanité ? Comment ne pas voir la clémence ahurissante de cette justice lorsqu’il s’est agi de rendre un verdict (sérieusement, de 2 à 18 mois de prison, toujours avec sursis, pour des faits de cette nature, c’est particulièrement clément) ?
Pourquoi la presse a-t-elle été aussi discrète dans cette affaire sur la condamnation à 10 mois de prison avec sursis de la sénatrice PCF Brigitte Gonthier-Maurin, reconnue coupable d’avoir occupé un emploi fictif au sein de la Caisse centrale des activités sociales d’EDF (son Comité d’Entreprise) ? Encore une fois, ce nouvel avatar d’un repris de justice dans les rangs des élus du peuple corrobore la thèse maintenant solide d’une représentation nationale pleine de tricheurs, de menteurs et de sociopathes, et elle ajoute plus qu’il n’en faut de l’eau au moulin de la collusion entre ces criminels élus et ceux des syndicats.
Tout ceci n’a malheureusement rien de nouveau. La France est malade de son syndicalisme depuis longtemps, et la multiplication des exemples, parfois relatés dans ces colonnes ou ailleurs, montre l’état d’avancement de la gangrène qui ronge le pays, au point que même les rapports parlementaires soient purement et simplement étouffés.
Et lorsqu’on apprend que, suite à une décision de la Cour Européenne de Justice, la France va devoir organiser la possibilité d’un syndicalisme au sein des armées, une inquiétude pointe rapidement à l’horizon : alors que les budgets de la Grande Muette sont en constante diminution au point que nos opérations extérieures tiennent de plus en plus de l’aventure bricolée, pourra-t-on empêcher que le syndicalisme ainsi introduit soit teinté des mêmes corruptions que celui qui sévit, finalement, partout ailleurs dans le pays, et notamment dans les administrations et les grosses entreprises anciennement nationalisées ?
La France est malade de son syndicalisme dont l’unique but est d’obtenir puis conserver des avantages de plus en plus exorbitants pour ses adhérents les plus influents (la base n’ayant généralement pas son mot à dire au-delà du moment où la cotisation doit être renouvelée). C’est ce syndicalisme qui a, très largement, corseté les relations entre les salariés et les employeurs au point de rendre le code du travail illisible. C’est aussi ce syndicalisme qui a muselé les médias, écrasé toute protestation ou tout renouvellement sérieux dans l’offre politique du pays. C’est aussi ce syndicalisme qui a donné les clefs de la contestation, du blocage et de la paralysie à tous les corporatismes du pays. C’est enfin ce syndicalisme qui a construit la forteresse de la Sécurité sociale dont l’impact est tous les jours plus fort et plus néfaste sur le niveau de vie des Français.
La France a de multiples problèmes, économiques, sociaux, politiques et ce n’est certainement pas l’équipe en place qui pourrait les résoudre. Mais s’il y en a bien un qui ne sera jamais abordé, jamais touché, jamais même envisagé dans les plus profonds replis des têtes gouvernantes du pays, c’est bien celui que pose le syndicalisme français, sa représentativité, son mode de financement, ses pouvoirs et ses dérives, nombreuses et récurrentes.
Partant de là, ce pays est foutu.
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