La gauche est en désarroi depuis qu'elle a perdu son monopole

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Published : February 17th, 2008
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Voilà un sujet de thèse intéressant pour un doctorant en sociologie des idées: pourquoi est-ce dans deux des sociétés où des élites intellectuelles de gauche jouissent de l’ascendant le plus important sur leurs continents respectifs, nommément le Québec et la France, que l’on entend le plus souvent ces mêmes élites se plaindre de la prétendue domination de la pensée « ultralibérale »? Depuis qu’Ignacio Ramonet a popularisé la notion de « pensée unique » dans les années 1990, les gauchistes déplorent constamment ne plus avoir voix au chapitre dans un discours économique ambiant caractérisé par une absence de pluralisme.


C’est ce que répétaient encore une fois les signataires du manifeste Pour une autre vision de l’économie dans Le Devoir du 9 février dernier, accusant au passage « l’appareil de propagande idéologique » que constitue l’Institut économique de Montréal de se faire la courroie de transmission de cette vision dominante au Québec.

          En tant que directeur des publications de l’IEDM pendant sept ans jusqu’à l’année dernière, et directeur de la seule publication québécoise qui défend systématiquement la liberté individuelle et le libre marché depuis une décennie, je suis certes un peu flatté qu’on nous prête, à moi et à mes collègues, autant d’influence. Mais on ne sera pas surpris que mon constat soit complètement différent.

          De mon point de vue, nos idées sont au contraire encore très minoritaires dans le paysage médiatique et politique québécois. Évidemment, on observe des étincelles de bon sens qui relèvent du libéralisme économique ici et là, y compris dans les propos de la chef péquiste lorsqu’elle déclarait ces derniers jours qu’il fallait «rendre attrayant l'investissement privé» en abolissant la taxe sur le capital et en diminuant le fardeau fiscal des entreprises.

          Mais mettez de côté ces exceptions, qui ne sont qu’une reconnaissance du fait qu’il faut bien permettre au secteur privé de créer de la richesse si le gouvernement veut ensuite pouvoir la siphonner plus allègrement, et tous les débats ne portent que sur des variantes de solutions interventionnistes. Année après année, nous débattons de la dernière proposition de réforme bureaucratique pour régler la « crise de la santé » et la « crise de l’éducation », sans vraiment remettre en question la nationalisation de ces secteurs. Chacun y va de sa méthode la plus efficace pour subventionner les régions sinistrées, les petites entreprises, les grosses entreprises étrangères qui viennent s’installer chez nous, l’économie sociale, la nouvelle économie, la culture, et quoi encore. Rien ne se passe au Québec sans que l’État y soit impliqué d’une façon ou d’une autre.

          La philosophie libertarienne, l’héritière du libéralisme classique, a tellement peu droit de cité dans les médias que la plupart du temps, lorsqu’on en parle (pour décrire par exemple le candidat à l’investiture républicaine Ron Paul), on traduit le terme par « libertaire », ce qui signifie plutôt anarchiste de gauche.


Les idées de gauche dominent tellement les débats qu’on fourre tout ce qui semble différent sous le vocable pratique de « néolibéral » sans prendre la peine de distinguer entre les courants d’idée. Ainsi, les signataires du manifeste prétendent que le néolibéralisme cible certaines formes d'intervention publique mais que « d'autres interventions sont toujours bien prisées: par exemple, les subventions aux entreprises et les dépenses militaires ». Ils confondent toutefois les défenseurs cohérents du libre marché avec les parasites subventionnés du monde des affaires et avec les néoconservateurs pro-guerre.

          La réalité est que l’IEDM n’a jamais émis d’opinion favorable à ces deux types de dépenses, et a au contraire publié en 2006 une Note économique sur l’inefficacité des subventions aux entreprises. Dans mon magazine Internet, je dénonce depuis longtemps tout type d’interventionnisme étatique, y compris les subventions et les guerres inutiles du président le plus étatiste et interventionniste des 40 dernières années, George W. Bush.

          Ce qu’expriment les signataires est en réalité moins leur exclusion des débats que leur désarroi devant la perte du monopole idéologique dont eux et leurs prédécesseurs jouissaient encore jusqu’à ce que leurs solutions étatistes frappent un mur à partir des années 1970. Et, plus important encore, leur incapacité à adapter leur discours pour le rendre plus pertinent dans le monde où nous vivons aujourd’hui.

          Selon eux, il n’existe pas de lois économiques, l’économie n’est qu’une « construction sociale ». Ce qui signifie qu’il suffit de vraiment vouloir collectivement quelque chose – un système de santé gratuit et universel où il n’y a aucune file d’attente par exemple – pour que nos valeurs et représentations se concrétisent dans des « arrangements sociaux » correspondants. Mais les sceptiques et les rabat-joie qui soulèvent les problèmes que cela pose viennent semer le doute et la pagaille au sein du bon peuple et empêchent la réalisation de cette « vision partagée ». Dans d’autres sociétés moins démocratiques, on envoyait ces empêcheurs de tourner en rond au goulag; ici, on les accuse de monopoliser le débat!

          Que les partisans de cette « autre vision de l’économie » le veuillent ou non, l’ère de l’enthousiasme populaire envers la social-démocratie triomphante est bel et bien terminée. Nous vivons aujourd’hui les effets pervers de l’étatisation de l’économie et de la société qui s’est poursuivie pendant tout le 20e siècle. Les critiques de ce phénomène ne vont pas disparaître. Au contraire, la mondialisation nous permet de plus en plus de trouver des alternatives aux monopoles étatiques qu’on nous impose et de miner la légitimité de ces derniers. Et Internet permet de contourner le quasi monopole sur les idées qu’exerçaient jusqu’à récemment les diverses variantes de collectivisme.

          Nous sommes dans une ère de concurrence de plus en plus forte non seulement entre les producteurs de biens et services, mais aussi les producteurs d’idées. Et je suis tout à fait optimiste: à terme, les meilleurs vont finir par l’emporter!


* Un groupe de quelques centaines d’illettrés économiques de gauche, dont plusieurs qui se prétendent économistes, ont récemment lancé un vaporeux manifeste « pour une autre vision de l’économie », dont un long extrait était publié le samedi 9 février dans le quotidien Le Devoir. À chaque deux ou trois ans depuis une douzaine d’années, je soumets naïvement un article d’opinion à ce journal ou à La Presse, me fiant à leur prétention d’être ouverts à tous les courants d’idée et de vouloir encourager les débats. Me sentant directement visé par certaines affirmations de ce manifeste, j’ai donc proposé la réplique suivante au Devoir au début de la semaine. Sans surprise cette fois encore, la direction du journal n’a toutefois pas jugé pertinent de le publier dans sa page Opinion. Un refus qui vient toutefois confirmer mon propos et qui contredit les prétentions absurdes des signataires du manifeste.




Martin Masse

Le Quebecois Libre


Martin Masse est né à Joliette en 1965. Il est diplômé de l'Université McGill en science politique et en études est-asiatiques. Il a lancé le cybermagazine libertarien Le Québécois Libre en février 1998. Il a été directeur des publications à l’Institut économique de Montréal de 2000 à 2007. Il a traduit en 2003 le best-seller international de Johan Norberg, Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste, publié au Québec par l'Institut économique de Montréal avec les Éditions St-Martin et chez Plon en France.



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Martin Masse est le fondateur et l'éditeur du Québecois Libre.
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