Des billets précédents ont déjà
fourni des illustrations claires de la tragédie des biens communs des biens environnementaux : la diminution des espèces sauvages et la dégradation de la qualité de
l’air. Ce billet
étudiera les ressources halieutiques.
Comme dans beaucoup de domaines, la situation actuelle de ces ressources est
malheureusement le résultat de décisions politiques
contradictoires consistant à distribuer des privilèges à
différents groupes d’intérêts. Par exemple, la
Commission de l’Union européenne (UE) s’attache (sous la
pression croissante des ONG environnementalistes) à limiter la
pêche dans le cadre de la Politique commune de la pêche (PCP). En
même temps, le Fond européen pour les affaires maritimes et la
pêche (FEAMP) contribue à stimuler l’industrie
européenne de la pêche à travers des subventions pour la
modernisation des navires ; les dernières négociations en
date entre les ministres européens de la pêche parlent
d’une enveloppe de 6,5 milliards d’euros à cet effet.
La conséquence directe de ces politiques est la
raréfaction exponentielle des ressources halieutiques, un fait souvent
souligné dans des articles scientifiques ou encore des études
menées par des ONG environnementalistes comme Greenpeace et Pew Environment. Des phrases-choc sont
régulièrement répétées pour attirer
l’attention sur ce sujet: « il y a plus de thon rouge dans
les congélateurs des japonais que dans les zones de pêche de
l’UE » ou encore « à ce rythme de
pêche, en 2048 il n’y aura plus de poisson dans nos
océans ».
Ainsi, la tragédie des biens communs trouve des
applications dans l’exploitation des ressources aquatiques.
L’absence de responsabilité individuelle dans la gestion des
ressources communes conduit inévitablement à leur
raréfaction. Quant aux solutions envisagées, la prochaine
Politique commune de pêche (2014-2020) semble prête à
reconduire dans les grandes lignes l’agencement institutionnel actuel
qui a justement provoqué cette raréfaction, en apportant
seulement quelques amendements aux quotas et aux montants des subventions.
Il devrait pourtant être clair que la démarche
visant à conserver ces ressources par des limitations légales
n’est pas une solution durable car la pêche illégale aura
toujours une longueur d’avance, voir tableau ci-dessous concernant la
pêche au thon dans l’Atlantique. Aussi exigeantes fussent-elles,
ces limitations sont rendues obsolètes par la pêche
illégale.
Cicat (Commission
Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique)
Source : Pew Environment Group, 2011.
Comme dans le cas des éléphants ou de la pollution aérienne, la privatisation des ressources
halieutiques n’est pas non plus une panacée. Toutefois,
l’institution de prix de marché fournira à tous les
consommateurs (et non pas seulement à ceux qui
s’intéressent au sujet) une image beaucoup plus exacte de la
raréfaction de ces ressources naturelles. Ainsi, des prix élevés
rationnaliseraient d’une manière plus efficace et juste les
produits devenus rares et limiteraient implicitement leur consommation.
En outre, les propriétaires de ces ressources
seraient ainsi incités à investir davantage dans leur
renouvellement. Les fermes de poissons prouvent qu’elles sont une
alternative viable pour répondre à la demande croissante des produits de
la mer. En effet, comme le tableau ci-dessous l’indique, la diminution
des ressources halieutiques à l’état sauvage a
été progressivement substituée depuis les années
70 par une croissance exponentielle de l’aquaculture.
La précision avec laquelle on parvient à
délimiter aujourd’hui les zones de pêche et les eaux
territoriales nous montre qu’il ne devrait pas y avoir
d’obstacles techniques à la privatisation des mers. Les seuls
véritables obstacles sont aujourd’hui politiques et
idéologiques.
Source : FAO FishStat Data Base, 2011
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