In the same category

La grande bataille des mots

IMG Auteur
 
Published : September 14th, 2011
1062 words - Reading time : 2 - 4 minutes
( 6 votes, 2.8/5 ) , 1 commentary
Print article
  Article Comments Comment this article Rating All Articles  
0
Send
1
comment
Our Newsletter...
Category : Editorials

 

 

 

 

Alors que le krach boursier bancaire européen s’amplifie, une courageuse bataille de mots est engagée par les autorités européennes. Le terme même de « krach » est proscrit, ainsi que la reconnaissance de l’insolvabilité des banques, potentielle si l’on veut être prudent, mais déjà avérée pour certaines d’entre elles. L’ineffable Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, déclare imprudemment que : « Quel que soit le scénario grec et donc quelles que soient les provisions à passer, les banques françaises ont les moyens d’y faire face ». Eric Besson, le ministre de l’industrie l’a depuis contredit en affirmant que la question d’une recapitalisation « était totalement prématurée et à côté du sujet aujourd’hui ».


Dans la foulée, François Baroin, ministre français des finances, se lance et ose évoquer les euro-obligations depuis Bruxelles, avec comme précision restrictive qu’elles sont « un objectif final et non pas un point de départ ». La nouvelle d’une rencontre à Rome la semaine dernière entre Giulio Tremonti, le ministre italien, et le président de China Investment Corp., Lou Jiwei, ravive l’espoir d’une intervention salvatrice de la Chine sur les marchés, alors que selon le Financial Times, si les discussions se poursuivent, rien n’a été conclu. Les dernières rumeurs font état d’un refus des Chinois d’acheter de la dette italienne dans l’immédiat. La Chine réaffirme sa confiance dans l’euro mais veut discuter business plus avant. En raison de son énorme exposition à la dette italienne, BNP Paribas, prenait ce mardi matin la tête des pertes en bourse devant la SocGen.


Depuis Berlin, Angela Merkel et José Manuel Barroso mettent l’accent sur la finalisation du Fonds européen de stabilité financière, qui devrait selon eux intervenir à la fin du mois, et qui pourrait prendre le relais de la BCE sur le marché obligataire. Il pourrait également ouvrir des lignes de crédit à l’Italie et à l’Espagne, la première venant de se rendre sur le marché et de s’y brûler les doigts en raison des taux qu’elle a du consentir. La course d’obstacles que représente la mise en œuvre des nouvelles missions du FESF ne sera pas terminée pour autant, l’épreuve des ratifications par les parlements nationaux devant se poursuivre.


C’est à Washington que les mots les plus forts ont été prononcés. Parlant des Européens et de la Grèce, Barack Obama a déclaré que « ils sont en train de prendre des mesures pour ralentir la crise, mais pas pour l’arrêter ». Prévoyant que le G20 de novembre prochain devra travailler sur cette question et envoyant son secrétaire d’État à la réunion de l’Ecofin (les ministres des finances européens) qui débutera vendredi à Wroclaw, en Pologne. Car, a-t-il continué, « Un problème plus grave est ce qui se passerait en Espagne et en Italie si jamais les marchés continuaient à s’en prendre à ces deux très grands pays ».


Le président de l’Autorité des marchés financiers française, Jean-Pierre Jouyet, a de son côté été moins langue de bois en estimant que le risque actuel était une « restructuration plus poussée » de la dette grecque, sans aller jusqu’à en évoquer toutes les conséquences pour les banques.


Car il se confirme que les fonds monétaires américains continuent de fermer le robinet de leurs financements à court terme, plaçant certaines banques européennes dans une situation de plus en plus inconfortable. Celles-ci font assaut de déclarations à propos de leur solidité mais oublient d’évoquer les montants de leurs engagements, qui nécessitent des refinancements continuels. La crise de liquidité qui en résulte peut être combattue par la BCE, qui a ouvert un crédit illimité, mais elle se combinerait avec leur crise de solvabilité, si un nouveau défaut grec devait intervenir, ne permettant plus l’habillage actuel de leurs comptes (une dévalorisation des obligations de seulement 21 %).


Plus la valorisation des banques diminue en bourse, plus leur recapitalisation va diluer les actionnaires actuels, ce qui explique que les solutions discrètement à l’étude privilégient la mise en place d’un dispositif de garanties, comme il avait été déjà déployé, et que le FESF pourrait octroyer.


Cela doit se comprendre dans le contexte bancaire mondial, marqué aux États-Unis par la crise de Bank of America (BoA), conséquence à retardement de celle des subprimes. 30.000 emplois sont supprimés, des cessions d’actifs sont engagées à la hâte et des apports financiers recherchés, Warren Buffet s’étant déjà précipité sentant la bonne affaire comme a l’accoutumée. Les achats par BoA de Countrywide et de Merrill Lynch ne passent pas.


Les déclarations du Pdg de JP Morgan Chase, Jamie Dimon, recadrent la situation réelle des mégabanques américaines. Il estime « anti-américaines » les dispositions du Comité de Bâle et déclare dans le Financial Times: « Je suis très près de penser que les États-Unis ne devraient pas être dans [les règles de] Bâle », estimant par ailleurs qu’il faudrait au secteur bancaire « de trois à dix ans » pour sortir des poursuites judiciaires entamées à propos des pertes dues aux produits structurés qu’il a vendus, et que leurs conséquences financières pour les banques soient absorbées. Les banques, a-t-il conclu, ne devraient pas être placées devant un telle double péril.


Au Royaume-Uni, la décision de George Osborne, le ministre des finances, était attendue. Il repousse à 2019 les mesures de séparation des activités bancaires (banque d’affaires et banque de dépôt) étudiées par la commission Vickers, qui sont déjà largement édulcorées puisqu’il est question de donner aux banques une grande latitude de manœuvre dans leur application. Des chiffrages exorbitants du coût des réformes sont avancés – jusqu’à 7 milliards de livres annuelles – afin de justifier ce report, tandis que les obligations convertibles (les CoCos) font leur retour attendu, afin de faciliter le renforcement financier des banques, en contradiction avec les recommandations de Bâle III.


Le secteur financier est sorti prématurément des soins intensifs et, ne parvenant toujours pas à régler par lui-même ses problèmes, demande qu’il lui soit accordé plus de temps avant de faire intervenir les mesures de régulation prévues. Au final, aucune des dispositions ne leur conviennent, y compris le renforcement de leurs fonds propres décidées par le Comité de Bâle.


Le mot de la fin revient à Angela Merkel, non pas en raison de son intervention sur les bad banks allemandes – sujet tabou – mais pour avoir proclamé que « la priorité absolue est d’éviter un défaut incontrôlé [de la Grèce] ».


On attend les actes avec impatience.





 

 



<< Previous article
Rate : Average note :2.8 (6 votes)
>> Next article
Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
Comments closed
  All Favorites Best Rated  
il faut bien dire qu' en matière de baratin, Jorion en connait un rayon !...
Latest comment posted for this article
il faut bien dire qu' en matière de baratin, Jorion en connait un rayon !... Read more
fredbob - 9/15/2011 at 12:20 AM GMT
Top articles
World PM Newsflow
ALL
GOLD
SILVER
PGM & DIAMONDS
OIL & GAS
OTHER METALS
Take advantage of rising gold stocks
  • Subscribe to our weekly mining market briefing.
  • Receive our research reports on junior mining companies
    with the strongest potential
  • Free service, your email is safe
  • Limited offer, register now !
Go to website.