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Je venais juste de finir "The Curse of Cash" quand la crise de la démonétisation a éclaté en Inde. Ce livre de Kenneth Rogoff défend l’interdiction de l'argent liquide (papier, plastique ou pièces).
Le 8 novembre, jour de l’élection présidentielle américaine, Narendra Modi, premier ministre de l’Inde, a annoncé que les billets de 500 et 1 000 roupies n’auraient plus valeur de monnaie légale dans les 24 heures. Cette réforme surprise est restée secrète, même pour certains membres du gouvernement indien. Pour justifier son action, le premier ministre a invoqué le besoin de combattre la corruption. La suppression des billets de 500 et 1 000 roupies engendre la démonétisation de 86% du cash en circulation. La moitié des citoyens indiens n’ont pas de compte en banque, et le quart n’ont pas de pièce d’identité. 97% de l’économie indienne est basée sur le cash. Cette décision fait que 88% de la monnaie émise n’est plus utilisable.
Le premier ministre Modi a essayé de minimiser l'interdiction des billets de 500 et 1 000 roupies en disant que, même si les Indiens ne peuvent plus utiliser ces billets, ils pourront les déposer sur leurs comptes bancaires et dans les bureaux de poste du pays au cours des 60 prochains jours, ou les échanger contre les nouveaux billets de 500 et 2 000 roupies. Cependant, il est compliqué d'échanger les anciens billets, car les banques ne possèdent pas assez de nouveaux billets pour satisfaire la demande, ce qui crée de longues files d’attente. Dans certains cas, les banques ont même été forcées d’utiliser des pièces de monnaie pour effectuer certains échanges.
Les Indiens convertissent tout ce qu’ils peuvent en or, argent ou devises fortes comme le dollar US qui, cependant, s'échange avec des primes élevées. L’or en Inde a grimpé jusqu’à 2 800 $ l’once – si disponible – tandis qu’il était à 1 285,35 $ à Londres (fix p.m. du LBMA). Le prix de l’or au détail a grimpé de 15-20% en moins de dix heures, le 9 novembre. Le soir où Narendra Modi a annonçé son intention de lutter contre l’argent noir, Mumbai a acheté des métaux précieux pour 16 crore roupies, soit 23 fois les ventes totales de la ville de 69 lakh roupies du jour précédent. Au moins 250 kilogrammes d’or furent vendus dans les heures suivant l’annonce. N’oubliez pas, non plus, qu’à cause des taxes et des restrictions, la majeure partie de l’or qui entre en Inde est importée par des contrebandiers.
Comme le disent Rogoff et Willem Buiter, économiste chez Citi, l'objectif principal de l’interdiction du cash est d’éliminer la monnaie physique et de forcer les gens à utiliser une carte de débit liée à un compte bancaire contrôlé par le gouvernement pour toutes les transactions, ce qui permettrait une planification centrale efficace. Cependant, pour que cette décision soit acceptée par la population, il est nécessaire d’expliquer qu’elle est prise pour combattre des activités criminelles qui nuisent à la société. Peter Bofinger, économiste allemand, grand adepte de Keynes, dit : "Les pièces et les billets sont obsolètes et ne font que réduire l’influence des banques centrales." Il s’agit bien là du plan directeur auquel l’auteur Jim Rickards fait allusion dans son dernier livre, The Road to Ruin. Rickards prétend que les élites (G20 et leaders du FMI) ont pour projet d'accumuler de l’or et d'instaurer les DTS comme devise pour le commerce mondial et la finance. Pour arriver à leur fin, ils doivent aussi interdire le cash et l’or. En Inde, cela ce matérialise avec la tentative de monétisation de l’or privé et des temples et, maintenant, avec l’interdiction des grosses coupures. Mais ce n’est pas un phénomène propre à l'Inde. Aux États-Unis et au Canada, le plus gros billet est celui de 100 $, en Angleterre celui de 50 £, et dans l’Union européenne, celui de 200 €. Les Suisses, eux, ont toujours leurs billets de 1 000 francs.
Kenneth Rogoff ne propose même pas d’interdire la détention privée d’or, car il juge que cela n’est pas nécessaire. Selon lui, l’or a une si grande valeur qu’il n’est pas pratique pour les petites transactions. Il semble oublier l’argent, "l’or du pauvre". Il propose de conserver, pendant une période, les petites coupures de monnaie papier/plastique et les pièces, mais de fabriquer des pièces suffisamment grosses pour qu’elles ne soient pas pratiques à utiliser. Son but ultime étant, bien sûr, de supprimer complètement l'argent liquide. Cela dit, il ne tient pas compte de l’ingénuité humaine. La crise indienne démontre à quelle vitesse les gens peuvent réagir et trouver des alternatives. Aux prises avec des dettes publiques excessives, cette solution extrême d’interdire le cash est la seule qui reste encore aux gouvernements.
Des rumeurs courent selon lesquelles que le gouvernement indien songe aussi à interdire l’importation d’or. Tout comme les restrictions sur les importations, je m’attends à ce que cette interdiction soit un échec. Contrairement aux monnaies papiers/plastiques, le gouvernement a très peu de contrôle sur l’or. On estime qu’il y a environ 186 200 tonnes d’or en surface dans le monde. Environ 10-16% de cet or en surface est détenu à titre privé par les Indiens et les temples. À titre de comparaison, l’ensemble des banques centrales en détient 18%.
La banque centrale de l'Inde (RBI), en juillet 2013, avait imposé de sévères restrictions à l’importation d’or afin d’arrêter le déficit courant et la baisse de la roupie, ce qui avait entraîné un déclin de 26% de la demande officielle d’or, à 190,3 tonnes, au cours du premier trimestre 2014. Cependant, les importations d’or en contrebande se sont multipliées de façon alarmante depuis que le gouvernement a imposé ces restrictions à l’importation, il y a deux ans. Tous les aéroports du pays ont vu les cas de contrebande d’or augmenter fortement. L'or est acheminé en grande quantité par avion depuis Singapour, le Sri Lanka et les pays du Moyen-Orient.
Les primes sur l’or en Inde confirment que la demande d’or n’a pas beaucoup diminué malgré les restrictions – elles n’ont fait que donner un nouveau souffle à la demande sur le marché noir. Selon Reuters, un officiel haut-gradé impliqué dans les politiques sur l’or du gouvernement a déclaré qu’il n’y avait pas eu de débat sur les restrictions à l’importation, mais que l’offre a augmenté par le biais des "voies non officielles". "Quand vous voyez ces primes, vous savez que la demande est là," a-t-il ajouté, en souhaitant garder l’anonymat. Selon ce même article de Reuters, sur le marché intérieur, les bijoutiers imposent des primes allant jusqu'à 50%, sans être disposés à acheter de nouveaux stocks d’or. En panique, les gens ont commencé à acheter de l’or mardi soir, juste après que le premier ministre Narendra Modi soit apparu à la télé pour annoncer la démonétisation des billets de 500 et 1 000 roupies.
De plus en plus d'articles nous parlent d’études académiques ou gouvernementales en faveur de l’interdiction du cash. En fait, ces études suggèrent d’interdire la monnaie papier/plastique et les pièces de métal et de forcer tout le monde à utiliser les devises électroniques. Pourquoi ? Cela serait-il plus efficace, mieux ? C’est ce que les gouvernements et leurs partisans veulent bien nous faire croire. Mais, en réalité, leur motivation est bien plus sordide : avoir le contrôle absolu sur la monnaie afin qu’elle puisse être plus efficacement dévaluée, taxée ou purement confisquée.
Les pièces d’or et d’argent ont déjà été confisquées, mais cela a été très peu efficace, dispendieux et compliqué. Pour générer de l’inflation, il a fallu que l’Empire romain se réapproprie les pièces et les refrappent avec moins d’or ou d’argent. Avec la monnaie papier, cela a été plus facile, vu que l’État pouvait en imprimer autant qu’il le voulait, mais ce n’était pas encore parfait. Ce qui est parfait pour les pays souverains, avec la monnaie électronique, est qu’elle n’est plus en votre possession physique et qu’ils peuvent, avec un simple clic, limiter l’accès à cette monnaie. Il y a déjà des limites en place sur les retraits en cash aux guichets automatiques.
La performance de l’or en roupies indiennes confirme que l’or, pour les Indiens, est une excellente protection contre l’inflation et la dévaluation de leur monnaie fiduciaire. Depuis 2000, l'or en roupies a quasiment été multiplié par dix et, malgré la récente chute, il est toujours huit fois plus haut qu'en 2000. Le récent fiasco – la démonétisation de 86% du cash en circulation – encouragera encore plus les Indiens à acheter et détenir de l’or hors du système bancaire.
Rien n’aurait pu autant renforcer le manque de confiance dans le système bancaire et pousser le marché "noir" financier à subsister que le chaos engendré par la suppression des billets de 500 et 1 000 roupies. Cela confirme le statut de l’or comme base du système de "l’argent noir" en Inde, à l'abri du gouvernement. Achat d’or avec Gold Broker | |