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Êtes-vous
à gauche ou à droite? La question est populaire et pour cause,
car elle en sous-entend une autre, plus importante, à savoir:
où se situe la justice? Se contenter de répondre à
gauche ou à droite contient sa part de risque, car si la justice se présente
par ce type d’opposition, force est d’admettre que la gauche et
la droite couvrent plus d’une réalité.
Droite religieuse vs
gauche progressiste
La droite religieuse
tend à considérer certaines pratiques comme étant
inacceptables en s’appuyant sur les Écritures saintes. De
manière générale, elle proscrit
l’homosexualité, l’avortement, l’enfant conçu
hors du mariage, etc. Au contraire, la gauche progressiste non seulement
accepte ces pratiques, mais demande à l’autorité
gouvernementale – et généralement obtient d’elle
– que les coûts qui résultent de ces pratiques soient
à la charge des contribuables.
Dans les sociétés démocratiques l’autorité
gouvernementale a le dernier mot. Cependant, avoir le dernier mot ne signifie
pas avoir raison. La gauche démontre peut-être une plus grande
ouverture que la droite religieuse envers ces pratiques, mais malheureusement
elle ne se contente pas de les autoriser. En obligeant les contribuables
à payer pour celles-ci et ses conséquences, la gauche impose sa
loi. Son ouverture d’esprit envers ces pratiques est
contrebalancée par deux refus: celui de ne pas accepter des points de
vue différents des siens à ce sujet et le refus de
considérer que des gens puissent ne pas vouloir aider par
l’entremise de la taxation, malgré qu’ils n’aient
rien contre ces pratiques.
Cette façon de procéder démontre non seulement de
l’intransigeance, mais conduit à des effets indésirables.
Par exemple, en obligeant le contribuable à payer pour
l’avortement d’un foetus ou à subvenir aux besoins
d’une mère monoparentale prestataire d’aide sociale,
l’État finit par encourager indirectement ces pratiques, car
elles ne sont plus assumées entièrement par les premiers
concernés. Que celles-ci soient reconnues comme légitimes ou
non, il n’y a rien de progressiste à forcer les contribuables
à les financer. De son côté, la religion, dans la mesure
où l'on y adhère et l’on peut s’en retirer
volontairement, a le mérite, malgré son conservatisme, de ne
contraindre personne à ses points de vue.
On accuse souvent les morales religieuses d’être
d’arrière-garde; pourtant, elles ne font pas qu’interdire,
elles prescrivent également la charité et la compassion. Ces
prescriptions ne sont que des suggestions, car on ne peut forcer personne
à être charitable ou à éprouver des sentiments
d’amour envers la personne souffrante. Cependant, à voir la
gauche prétendre instaurer la morale par des lois, en
établissant par exemple des « prestations de compassion
», on jurerait le contraire.
Ces prestations, au Canada, sont versées aux gens éligibles
à l’assurance emploi qui vivent un deuil. Dans cette situation,
le gouvernement leur accorde quelques semaines additionnelles de prestations.
La gauche progressiste prétend donc que la compassion se mesure en
argent. Si Jésus a transformé l’eau en vin, les
gouvernements, eux, ont transformé la taxation en morale.
La morale, dont la compassion est une partie intégrante, ne se
retrouve que dans les moyens utilisés pour aider quelqu'un. Elle ne
s’identifie pas au résultat d’une action. Le gouvernement
impose les contribuables pour ensuite donner cet argent aux groupes
qu’il favorise. Dans ce cas-ci, il redistribue notre argent aux
prestataires d’assurance emploi qui vivent un deuil. Cela prend du
culot pour qualifier cette procédure de compassion.
En réalité, le gouvernement ne fait pas qu'imposer les gens, il
les trompe. À moins de croire que le gouvernement ait commis une
erreur en qualifiant de compassion des prestations, on a d’autre choix
que de conclure à la fraude. Que celle-ci soit légale n’y
change rien.
Ainsi, lorsqu’on qualifie les religions comme étant à
droite, on n'a à l’esprit que les interdictions qu’elles exigent.
Toutefois, puisqu’on retrouve, dans l’ensemble de leurs
prescriptions, autant de suggestions que d’interdits, on ne peut
conclure que les morales religieuses soient uniquement à droite.
De son côté, la gauche « progressiste »
s’arroge la morale sous le prétexte d’aider des gens en
particulier, mais elle passe rapidement sur les moyens utilisés pour
ce faire. Elle utilise la coercition pour prendre l’argent des
contribuables et la manipulation pour leur faire croire qu’il
s’agit de morale. Dans la mesure où l'on considère
l’aspect contraignant de sa libéralité, on doit conclure
que les progressistes utilisent des moyens régressifs et sont autant
à droite qu'à gauche.
Droits individuels vs
droits sociaux
La gauche se dit
indignée du fait que beaucoup de gens ne pensent qu’à
l’argent. Elle prétend avoir de plus nobles idéaux, alors
qu’elle n’a de cesse de revendiquer une plus grande
redistribution des richesses. C’est qu’elle aussi pense à
l’argent, mais particulièrement à celui des autres. Sa
conception de la justice est l’égalité économique
ou, à tout le moins, des droits sociaux plus nombreux. Cette
conception s’oppose à la liberté et aux droits
individuels.
Les droits sociaux (collectifs, économiques, démocratiques,
etc.) sont des pouvoirs accordés aux uns ou aux autres, parfois
à tous, d’obtenir d’autrui ou bien de l’argent ou
bien des services. Ceux qui payent n’ont pas le choix, mais selon la
gauche il s’agit de « solidarité » et
de « compassion ». Tous les programmes sociaux sont
inclus sous ce vocable. On fait allusion notamment au système de
santé public, à l’obtention d’une pension,
d’un logement « social », de l’aide
sociale, etc.
Sur cette
échelle, où les droits sociaux se trouvent à gauche par
convention, on peut se situer complètement à droite sans se
considérer égoïste pour autant. En effet, il n’y a
rien d’égoïste à refuser tout compromis avec la
coercition. À l’inverse, il n’y a rien
d’édifiant à obliger les gens à aider les autres.
Obtenir des soins de santé ou de l’aide sociale est une chose,
être obligé d’y contribuer en est une autre.
Les droits sociaux n’ont pas la même origine que les droits
individuels. Ces derniers sont d’abord des libertés,
c’est-à-dire qu’ils sont inhérents à
l’homme. L’homme est libre par nature. Il possède la
liberté de s’exprimer, de se mouvoir, de s’associer, etc.
Ces libertés deviennent droits individuels sous le sceau de la légalité.
Au contraire, les droits sociaux ne constituent pas des libertés
inhérentes à l’homme. Ils sont établis par la
force coercitive de l’État. Ils visent à remplacer ce que
l’échange volontaire accomplissait déjà. Ils
transgressent nécessairement les choix de plusieurs hommes sans que
ces derniers aient commis le moindre crime. On prétend qu’il
s’agit là d’un mal pour un bien; que le bien collectif, parce
que collectif, est plus important que les droits «
égoïstes » des individus. Tout cela n’est que
démagogie.
De l’emploi du mot collectif ou commun (comme dans « bien
commun ») on tend à faire croire à
l’universalité ou, plus précisément, à la
légitimité sous-entendue sous ce principe. Or, le principe
d’universalité ne tire pas sa légitimité du fait
qu’on sert tout le monde, avec des services publics de santé par
exemple, mais du fait de ne pas utiliser la coercition envers autrui. Les
impôts sont coercitifs; par conséquent rien qui ne
découle d’eux ne peut être qualifié
d’universel sans en brimer la légitimité. Seuls les
droits individuels respectent ce principe.
De l’emploi du mot démocratique on tend également
à faire croire à une légitimité, mais c’est
oublier que la démocratie elle-même est soumise au respect des
droits individuels. Le respect des droits individuels constitue la raison
d’être du politique et ces droits sont de nature éthique.
Ces droits – c’est-à-dire ces libertés –
existent sans l’État. Ils lui sont antérieurs du fait
qu’ils décrivent la nature même de l’homme. Ce
n’est pas l’État qui donne une légitimité
aux libertés, mais le respect des libertés qui donne une
légitimité à l’État.
Ne pas respecter ces libertés constitue la principale raison de
renverser un gouvernement. La tendance à considérer aussi
fondamentaux les droits sociaux que les droits individuels pourrait nous y
conduire. Faisons attention de ne pas mésestimer cette
possibilité. Le « progressisme » a
effectivement un prix, celui de bafouer la propriété des gens
et de réduire leur niveau de vie.
Le rapprochement qu’établissent les « progressistes »
entre la morale et ce qui est qualifié de social (droits et logements
sociaux, justice, solidarité et économie sociales, etc.)
relève ou bien d’une incompréhension de la morale ou bien
d’une autre tentative de tromper les gens. Un besoin ne peut être
satisfait de manière légitime qu’à la condition
que les moyens utilisés soient eux-mêmes légitimes.
La justice ne se
contente pas de l’État, ni à gauche, ni à droite
En somme, la gauche
progressiste voit la morale à travers l’État. Elle se dit
plus ouverte que la religion à certaines réalités
sociales, ce qui semble vrai en ce qui concerne l’homosexualité
ou l’avortement, mais pour l’immigration ou la langue
d’usage cela le semble moins. C’est que son progressisme est
teinté d’un certain nationalisme, généralement
associé à la droite. Cependant, dans la mesure où on la
compare aux morales religieuses et l’on fait abstraction des moyens
qu’elle utilise pour rendre compte de sa libéralité, on
la maintiendra à gauche sur le plan de l’interdiction et de
l’ouverture aux pratiques susmentionnées.
Elle prétend pratiquer la compassion et la solidarité, mais en
considérant celles-ci en termes de dollars accordés à
ses bénéficiaires. Sa volonté d’aider
l’homme est louable, mais les moyens qu’elle utilise pour y
arriver sont inacceptables puisqu’elle contraint les autres à
financer ses points de vue. On doit conclure qu’elle est plus
intransigeante qu’elle n’y paraît. Toute morale contient
ses interdits et ce n’est sûrement pas la morale de gauche qui en
contient le moins. Au contraire, en considérant son recours constant
à la coercition de l’État pour imposer sa vision de
l’aide, on doit conclure qu’elle se situe davantage à
droite qu’à gauche.
Du point de vue économique elle favorise le secteur public, qui
s'appuie sur des impôts. On la classera donc de nouveau du
côté de la coercition, mais puisqu’on a l’habitude
de ranger à droite le marché, on laissera la gauche à sa
place.
Puisqu’elle n’a de cesse de recourir à l’État
pour l’établissement de nouveaux pouvoirs (« droits
sociaux »), il convient également, du point de vue
juridique, de la ranger du côté de la coercition. Ici encore, on
laissera la gauche à sa place par convention.
Dans l’ensemble, se qualifier à gauche ne cause aucune
difficulté, mais se qualifier de progressiste alors qu’on exige
la coercition de l’État est inacceptable puisqu’il
s’agit d’une altération du sens du mot. La gauche
prétend utiliser la coercition de l’État à de
bonnes fins. Cela est non seulement présomptueux mais tout à
fait injuste, car on ne peut d’aucune façon justifier un mal
pour établir un bien. La justice, comme la morale, ne se trouve pas
dans les résultats d’une action, mais dans les moyens
utilisés pour la rendre. Qualifier de moraux des résultats
s’apparente à une tentative de tromper les gens.
L’échelle qui résume les positions avancées par la
gauche est celle de la coercition et du respect d’autrui. Sur ce plan,
malgré son pacifisme en ce qui concerne les conflits hors de son
territoire, la gauche se retrouve en compagnie de la droite militariste. Ces
extrêmes se rejoignent, car tous deux préfèrent la
coercition à la véritable coopération et la
véritable solidarité, qui ne peuvent être que
volontaires.
Suite à l’analyse des positions tenues par la gauche dite
progressiste on constate donc que celles-ci se rapprochent d’une droite
coercitive et intransigeante. Ses intentions sont peut-être nobles,
mais les bonnes intentions ne suffisent pas à la justice. La
légalité n’y suffit pas non plus, car il lui faut encore
la raison et l’éthique.
La justice ne se trouve donc pas à gauche comme les gauchistes le
prétendent, mais elle ne se trouve pas plus à droite. En
imposant son idée de la justice la gauche cherche à changer
l’homme, à en faire un être amélioré. Or, la
justice ne cherche à changer personne et elle ne se contente pas des
mots. Il ne suffit pas de nommer une chose pour qu’elle le devienne. La
justice cherche à protéger l’homme de l’agression,
y compris de celle qui prétend être pour son bien. Elle exige la
non-agression, non un portefeuille.
Alors! Êtes-vous
à gauche ou à droite?
André Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal.
Les vues présentées par l’auteur sont
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