Il y a quarante ans, de
nombreux Américains célébraient la défaite de la présidence impériale avec la
résignation de Richard Nixon. Mais il devient évident aujourd’hui qu’ils ont célébré
trop tôt. L’idée que se faisait Nixon des pouvoirs présidentiels, qu’il a
lui-même résumés en décrétant que « lorsque le président le fait, ce
n’est pas illégal », est aujourd’hui embrassée par la majorité de la
classe politique. A dire vrai, les deux derniers présidents ont également abusé de leur pouvoir d’une manière digne
d’en faire rougir Nixon.
L’utilisation abusive par
Nixon des services fiscaux américains pour poursuivre ses opposants
politiques, par exemple, était le sujet de l’un des articles de son «empêchement »
votés par la Chambre des représentants. Aussi terrible que cet abus puisse puisse paraître, il n’était pas le premier à l’utiliser
de cette manière, et l’administration actuelle ne fait que poursuivre cette
tradition. La prise pour cibles des groupes du Tea
Party a fait l’objet de toute l’attention, mais il ne s’agit pas là de la
première fois que l’IRS
s’en est pris aux opposants politiques du président Barack Obama. L’IRS a par
exemple demandé à l’une de mes organisations, Campaign
for Liberty, de lui fournir des informations quant à ses principaux
donateurs.
Nixon a peut-être abusé des
pouvoirs fédéraux pour espionner ses ennemis, mais ses abus des libertés
civiles ne pèsent pas lourd par rapport à ceux de ses successeurs.
Aujourd’hui, n’importe qui peut être espionné, détenu indéfiniment ou inscrit
sur une liste d’assassinat fondée sur rien de plus qu’un ordre politique.
Malgré tous ses défauts, Nixon n’a jamais pris le pouvoir de demander
l’assassinat ou la détention de quiconque.
Beaucoup font aujourd’hui
l’apologie de la présidence impériale. L’une des raisons à cela est que de
nombreux hommes politiques placent la politique partisane au-dessus de la
Constitution. Ils défendent donc ouvertement, célèbrent même, l’abus de
pouvoir de la branche exécutive lorsqu’il est commis par un président de leur
propre parti.
Une autre raison en est le
consensus bipartisan qui supporte l’Etat providence. De nombreux politiciens
et intellectuels supportent une présidence impériale parce qu’ils
reconnaissent le fait que la vision des Pères fondateurs d’une branche
exécutive aux pouvoirs limités est incompatible avec une politique étrangère
agressive. Lorsque les Républicains sont au pouvoir, les
« néoconservateurs » prennent le dessus, alors que quand les Démocrates
sont au pouvoir, ce sont les « interventionnistes humanitaires »
qui prennent le dessus. Peu importe le parti ou le label idéologique, tous
ont le même objectif – protéger la branche exécutive de la contrainte qu’est
la demande de l’approbation du Congrès par le président lorsqu’il cherche à
faire la guerre.
La force du consensus
bipartisan repose sur l’idée que le président devrait être le seul capable de
décider du déploiement de ses troupes, et est illustrée par l’échec de la
tentative d’ajout d’un article concernant le « bombardement
secret » du Cambodge par Nixon aux articles d’empêchement. Même lorsque
seule une minorité du public supportait encore une présidence impériale, le
Congrès refusait de régner sur les pouvoirs guerriers du président.
Abroger l’héritage de Nixon
suggère la construction d’une nouvelle coalition bipartisane en faveur de la
paix et des libertés civiles, qui rejetterait ce que
l’écrivain Gene Healy appelle le « culte de la
présidence » et place le respect de la Constitution au-dessus des
attitudes partisanes. Il nous faut restaurer la suprématie du Congrès pour ce
qui est des questions de guerre et de paix.