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La ligne de leur plus grande pente

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Published : September 08th, 2011
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Dans le capharnaüm ambiant – certains parlent même de chaos, exagèrent-ils ? – ils se raccrochent à ce qu’ils peuvent. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, ils auraient plutôt tendance à attendre de la Fed et de la Bank of England des miracles, espérant sans trop y croire un nouveau round de création monétaire en guise de viatique. La zone euro est pour sa part le rendez-vous des coincés, qui peaufinent un mécanisme de « discipline budgétaire », plus ou moins automatique selon les versions. A l’arrivée, le monde est boiteux !


En Europe, un grand soupir de soulagement a accueilli la décision de la cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe de ne pas retoquer les aides allemandes aux Fonds de stabilité financière (FSFE), car le contraire aurait précipité sans appel l’effondrement du château de cartes.


Aux Etats-Unis, puisqu’il faut toujours être suspendu à une échéance, qui se révèle à chaque fois décevante, les pundits (commentateurs politiques) attendent l’annonce du plan de Barack Obama en faveur de l’emploi – de 300 milliards de dollars dit-on – aujourd’hui jeudi. S’interrogeant sur son efficacité vu les résultats du précédent, alors que le ministère de l’agriculture vient de révéler que 17 millions de foyers américains font face à l’insécurité alimentaire, et que 46 millions d’Américains, soit un sur six, vivent grâce à des food stamps, des tickets alimentaires.


Somme toute, ils en sont toujours les uns et les autres à la recherche des petites pousses vertes qu’ils croyaient apercevoir au loin, du temps où ils espéraient encore le retour de la croissance comme les châtelaines leurs croisés de maris, et qui malheureusement « ne voyaient rien venir… ».


Dans ce dernier rôle, mais un peu à contre emploi, le président de l’Union européenne Herman van Rompuy vient pour la ennième fois de proclamer qu’un accord était proche avec les Finlandais, à propos des garanties qu’ils réclament, et que, si nous ne l’avions pas compris auparavant, l’adoption du plan de sauvetage de la Grèce était la priorité. Il en ajoutait dans la foulée d’autres, comme la croissance et le chômage, de telle sorte que l’on se demandait laquelle il fallait choisir.


La Slovaquie choisissait le même jour pour annoncer qu’elle ajournait à décembre toute décision à ce propos, bloquant un mécanisme qui réclame l’unanimité. Enfin, Jean-Claude Junker, toujours président de l’Eurogroupe, avertissait les Grecs qu’ils ne devaient pas « tenir pour acquis » le versement de la sixième tranche de leur premier prêt (on s’y perd), soufflant le froid après que son collègue ait soufflé le tiède. A se demander toutefois qui tient l’autre par le bout du nez dans cette histoire, car la Grèce ferait immédiatement défaut si ce versement n’intervenait pas.


Pendant ce temps, le FMI, qui ne perd décidément pas une occasion, employait des périphrases embarrassées pour avertir que la Grèce risquait ne de pas être la seule à ne pas honorer sa dette – on n’ose pas dire faire défaut – et que l’Irlande était bien partie pour en faire autant. Une Irlande qui ne risque pas de retrouver de sitôt un accès aux marchés obligataires et qui épuise à ce jeu ses prêts, qu’il faudra un jour renouveler.


Le tout dans le contexte de nouvelles prévisions de croissance à la baisse, selon des fuites survenues à propos du rapport annuel du FMI et révélées par l’agence italienne ANSA, tandis que, selon un scénario qui tend à devenir un peu répétitif, les prévisions de croissance des Britanniques et des Américains étaient également baissées, afin sans doute de ne pas laisser les Européens seuls dans la peine. On ne parle même plus du Japon, toujours aussi sinistré.


Les banques battaient en ce début de semaine record sur record, cette fois-ci pas pour dégringoler à la bourse, mais pour se précipiter aux guichets de la BCE afin de déposer nuitamment leurs petites économies et les mettre à l’abri, soit 169 milliards d’euros mardi soir, presque la moitié des montants déposés lors de la chute de Lehman Brothers.


Bien qu’en pleine forme, les banques faisaient à nouveau savoir par la voix très autorisée de l’Institute of International Finance, le représentant des mégabanques, que, décidément, les règles édictées par le Comité de Bâle devaient être assouplies. A chacun son élégant petit chantage, les banques britanniques menacent de se délocaliser si un équivalent du Glass-Steagall act séparant les activités de dépôts et d’investissement sur fonds propres des banques leur est imposé. Le même Institute of International finance, préfère chiffrer l’incidence à la baisse sur le PIB du coût de la régulation des banques. L’addition se monte à 3,2 % de leur PIB d’ici à 2015 pour les Etats-Unis, l’Europe (Royaume Uni compris) et le Japon, et l’on aimerait connaître le savant calcul qui a permis de l’évaluer, qui n’a pas été rendu public. Bien entendu, cela ne sera pas sans incidence sur l’emploi, dont le compte diminuera de 7,5 millions, à période et périmètre identique.


Mais revenons au dispositif de renforcement de la discipline budgétaire européenne, à propos duquel des « progrès importants » ont été faits, selon le Parlement européen qui est à la manœuvre. Toute la difficulté pour conclure était de trouver un compromis à propos de l’automaticité d’éventuelles sanctions contre les pays laxistes, y compris à titre préventif lorsque le déficit budgétaire risque de dépasser le seuil fatidique de 3% du PIB. Certains, dont les Français, préférent que l’automaticité en question le soit le moins possible. On s’achemine vers un compromis dont le respect sera soumis dans l’avenir au bon vouloir des signataires, qui n’ont pas manqué de déjà renier leur parole, Allemands puis Français en tête du peloton.


Sans surprise, les dirigeants européens s’en tiennent au seul plan dont ils disposent, tout en n’ignorant pas son extrême fragilité. On n’épiloguera pas davantage.


L’adoption de la règle d’or étant la seule garantie que les Etats peuvent proposer aux marchés pour les convaincre dans l’immédiat de leur bonne volonté, à défaut de leur solvabilité, l’Espagne adopte toutes affaires cessantes une loi organique à ce sujet et l’Italie ne devrait pas manquer de suivre. Une palinodie de plus.


Les commentateurs, eux, rivalisent sur le thème du moment : le décalage entre le temps de la politique et de la démocratie et celui du marché. Une hardie comparaison qui a permis à François Baroin, ministre Français des finances, de trouver une justification au train de retard systématique qu’ont les autorités européennes, tout en leur donnant le beau rôle.


Mario Draghi enfourche le même thème, l’illustrant par le caractère déjà « insuffisant » des décisions du sommet du 21 juillet, alors qu’elles ne sont pas encore ratifiées, considérant indispensable une « large révision du Traité de Lisbonne ». Il souligne ainsi « la contraction du temps dévolu aux politiques », dont il fait l’un des premiers enseignements de la crise. Décodé, cela signifie que le futur président de la BCE voudrait raccourcir les délais et ne pas s’embarrasser de trop de formalités et de ratifications par les parlements. Ce qui ne va pas précisément dans le sens des conclusions du Conseil constitutionnel allemand, qui réclame le contraire. La vie est compliquée.


A l’inverse, le président de la Fondation Maurice Schuman, Jean-Dominique Guiliani, considère que « le temps politique est à la remorque des marchés », regrettant si l’on comprend bien que ceux-ci aillent trop vite, comme du temps où il officiait au Sénat. Heureusement, il nous sera épargné pour ce florilège qu’il faut donner du temps au temps, déjà pris.


Il rode des intentions pas catholiques autour de ces réflexions, qui alimentent celles qui portent sur la nouvelle gouvernance économique en gestation. Ce sera la prochaine étape, car aujourd’hui a été une folle journée de plus.






 

 



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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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