Dans un essai intitulé
‘Lincoln, the Declaration, and Secular Puritanism : a Rhetoric for Continuing Revolution’, l’érudit
littéraire moderne Mel Bradford présente la genèse
idéologique des politiques militaire et étrangère
Américaines qui ont prévalu depuis 1863. ‘La mauvaise
interprétation qu’avait Lincoln de la Déclaration
d’Indépendance des Etats-Unis, et qu’il a lui-même
présentée lors de son discours de Gettysburg, a permis l’établissement
d’une rhétorique de révolution continue qui
aujourd’hui encore nous force à piétiner les
vaincus’.
Ce que Bradford veut dire par
là est que la phrase ‘tous les hommes sont égaux’
inscrite dans la Déclaration est interprétée par Lincoln
comme traduisant le devoir des Américains d’éradiquer les
péchés du monde, ou qu’ils soient, afin que tous les
Hommes puissent jouir du même degré de liberté –
c’est pourquoi il utilise les termes ‘rhétorique de
révolution continuelle’. ‘Le Chant de Guerre de la
République’, qui fait référence à la mort
de quelques 850.000 Américains (estimation la plus récente du
nombre de morts causées par la guerre civile) comme ‘la gloire
de la descente divine’, a très largement favorisé le
développement de cette idée dans les esprits Américains.
Il en a été de même (et c’est encore le cas
aujourd’hui) pour la déification de Lincoln par le parti
Républicain – avec l’aide du clergé de Nouvelle
Angleterre - qui a duré plus d’une décennie après
sa mort.
Avant 1863, la politique
étrangère Américaine était principalement
basée sur l’idéologie Washingtonienne/Jeffersonienne qui
privilégiait les relations commerciales avec les autres nations sans
jamais s’allier à elles. Il était considéré
comme une vertu de conserver une attitude neutre lorsque deux nations
entraient en guerre. Comme Murray Rothbard
l’a écrit dans son essai intitulé ‘Just War’, à cette époque, ‘la
neutralité était non seulement justifiable mais
également considérée comme une vertu’. ‘Il
n’a pas mené de guerre’ était la meilleure chose
dont on pouvait se souvenir d’un dirigeant, et ne pas intervenir
lorsque deux nations entraient en guerre était vu comme un signe de
sagesse. Lincoln et ses descendants politiques des deux partis – et
tout particulièrement du parti Républicain – ont
changé tout cela en appliquant leurs fantaisies impérialistes
et transformant le reste du monde en terre de croisade des idées
politiques Américaines.
Seule une personne croyant
à de telles fantaisies rédigerait les discours du président
George W. Bush en utilisant des termes tels que
‘l’élimination du Diable de la surface de la Terre’
pour justifier la ‘guerre contre le terrorisme’. En effet, les
organes de propagande du parti Républicain tels que le Claremont
Institute se sont dévoués des décennies durant à
répandre la propagande de Lincoln en prétendant connaître
la signification réelle de la Déclaration
d’Indépendance telle que l’entendait Thomas Jefferson, qui
serait selon eux la rhétorique de l’agression militaire
continuelle - et qui bien entendu est la raison pour laquelle les membres du
Claremont Institute Donald Rumsfeld, Dick Cheney et
le propagandiste Victor Davis Hanson ont récemment été
nommés ‘Homme d’Etat de l’Année’.
Cette rhétorique Lincolnienne est la pierre d’angle
idéologique des guerres menées par les Etats-Unis depuis la
Guerre Civile. Elle est généralement utilisée pour
dissimuler le fait que la guerre n’est autre qu’une forme de
racket, comme le proclame le Général Smedley
Butler dans son livre War is a Racket. En
réalité, une guerre repose toujours sur des raisons
économiques qui vont dans l’intérêt de ceux qui ont
des connexions avec le gouvernement. Comme l’indique Rothbard, ‘les interventionnistes étaient
autrefois considérés comme des adeptes du despotisme, du
génocide, de la guerre perpétuelle, des porte-paroles de
groupes aux intérêts particuliers, ou encore des agents des
‘marchands de la mort’. Ils étaient donc loin
d’être bien vus’.
Mais aujourd’hui,
armé de cette idéologie, l’empire Américain
‘poursuit sa croisade et nous force à prendre
l’épée pour imposer l’Utopie au reste du
monde’. Isabel Patterson, dans son livre The
God of the Machine, écrit que les
Américains sont des ‘humanitaires armés de guillotines
cherchant à imposer la liberté et l’égalité
aux autres nations du monde, et étant prêts pour cela à
tuer des milliers de personnes et mettre des civilisations à feu et
à sang. Celui qui est humanitaire en théorie est un terroriste
dans la pratique’.
Ce qui nous amène
à la dernière interprétation en date de
l’humanitaire à la guillotine : le récent discours
d’Obama aux Nations-Unies. Son discours pourrait avoir
été écrit par Harry Jaffa, membre du Claremont
Institute, en personne ! Jaffa prêche l’idolâtrie de
Lincoln et reste très politiquement correct dans son
interprétation de la Déclaration d’Indépendance.
Dans son discours du 25 septembre dernier devant les Nations-Unies, Obama a
fait l’apologie du représentant Américain en Lybie, Chris
Stevens, qui a été assassiné par des manifestants
anti-Américains. Il a fait l’apologie de Stevens en le
décrivant comme son représentant personnel en Lybie, comme un
homme ayant donné au Lybiens l’espoir
d’un futur meilleur. Mettez-vous dans la peau d’un Lybien. Un gouvernement étranger déclenche
une révolution, vous impose un gouvernement fantoche et vous
présente les principes sous lesquels vous devriez vivre pour le reste
de votre vie. Vous et vos concitoyens n’ont bien entendu rien à
voir avec cette ‘vision’ de la liberté ou avec sa mise en
application par le gouvernement fantoche…
Obama s’est ensuite
lancé dans l’énumération des récentes
interventions militaires des Etats-Unis au nom de l’Humanité et
n’a pas manqué de citer les guerres menées en Irak,
en Afghanistan, en Egypte, au Yémen et en Lybie et de menacer
d’intervenir en Syrie et en Iran (‘Je me répèterai
une fois de plus en déclarant que le régime de Bashar al-Assad doit être
renversé’).
Il a ensuite justifié
cet interventionnisme militaire grâce à la rhétorique
toute Lincolnienne de révolution continuelle :
Obama a ensuite promis plus de
guerre perpétuelle pour promouvoir la paix perpétuelle en
déclarant que ‘les Etats-Unis ne se retireront jamais des
affaires du monde’, et ‘qu’aucun gouvernement, aucune société
ni aucune école ne peut fonctionner correctement dans un pays dont la
population est en danger… Nos citoyens doivent être en
sécurité et nos efforts doivent être reconnus’.
Cela signifie que, puisque les
Américains travaillent et voyagent tout autour du monde, à
chaque fois qu’ils détectent une forme de danger, ils pensent
qu’ils ont le droit d’envahir le pays ou d’envoyer la CIA y
orchestrer une révolution qui pourrait entraîner la mort de
milliers de personnes. Tous les Hommes doivent être égaux,
sinon…
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