Pourquoi les Allemands
veulent-ils rapatrier leur or ?
Il faut avouer que la monnaie
physique a quelque chose de réconfortant.
Par Matthew Lynn
MarketWatch.com
Mercredi 31 octobre 2012
http://www.marketwatch.com/story/why-do-the-germans-want-their-gold-back...
LONDRES – Où
l’Allemagne conserve-t-elle ses réserves d’or ?
Cela pourrait sembler
être une question idiote. L’or Allemand se trouve probablement au
fin fond d’un coffre-fort, quelque part sous la ville de Frankfort,
entouré des meilleurs systèmes de sécurité que
soit capable de créer le génie Teutonique.
Eh bien, croyez-le ou non,
cette réponse n’est pas la bonne.
Une majeure partie de
l’or Allemand, représentant la deuxième plus importante
réserve d’or de la planète, est stockée à
New York, à Londres et à Paris. Et une pétition vient
d’être lancée pour appeler à un rapatriement de cet
or vers l’Allemagne.
Cela nous indique trois choses
à propos du système monétaire global, et aucune
d’entre elle n’est rassurante.
Les réserves
d’or de l’Allemagne comptent parmi les plus importantes de la
planète. Le pays possèderait 3396 tonnes de métal jaune.
C’est certes bien moins que les 8133 tonnes des Etats-Unis, mais
l’Allemagne est un plus petit pays et sa devise n’a jamais servi
de référence internationale. Ses réserves sont
également bien plus importantes que les 2451 tonnes des Italiens et
les 2435 tonnes des Français.
Une majeure partie de cet or a
été accumulée sous le système de Bretton Woods qui a
été en vigueur entre la fin de la seconde guerre mondiale et
1971. Les déficits et surplus de balance commerciale étaient
équilibrés par les banques centrales grâce à leur
or, et puisque la balance commerciale de l’Allemagne était
toujours en surplus, le pays a fini par posséder beaucoup de
métal.
L’intégralité
de son métal ne se trouvait cependant pas forcément à
l’intérieur de ses frontières. Une grande partie de son
or était en effet stockée à l’étranger, en
particulier aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en France. On estime
à 66% la part de ses réserves stockées à New
York, à 21% la part de ses réserves placée à
Londres, et à 8% la part de son or stocké à Paris.
L’ancienne Allemagne de l’Ouest était à la
frontière de la Guerre Froide, et si les Russes avaient
décidé d’envahir, leurs chars auraient
immédiatement été lancés vers les coffres-forts
Allemands. Il n’y avait donc aucune raison de prendre un tel risque.
La Guerre froide
n’étant aujourd’hui rien de plus qu’un souvenir
lointain, de nombreux Allemands voudraient que l’or de leur pays leur
soit rendu. La récente campagne de rapatriement de l’or Allemand
attire de plus en plus d’adhérents. Certains hommes politiques
et corps médiatiques ont eux-aussi pris le train en marche.
Au début du mois, la
Cour Fédérale des Auditeurs demandait à ce que la
Bundesbank organise l’audit de ses réserves d’or
placées à l’étranger, et rapatrie 150 tonnes
d’or depuis New York au cours de ces trois prochaines années
afin d’en contrôler la qualité. Comme toute personne qui a
déjà acheté des bijoux en or le saura certainement, il
existe de nombreuses manières de contrefaire du métal –
un lingot qui brille n’est pas forcément composé que
d’or.
Bien qu’il faille avoir
une imagination débordante pour penser que les employés de la Réserve
fédérale ou de la Banque d’Angleterre aient pu
s’infiltrer dans les coffres et remplacer les lingots Allemands avec
des lingots achetés sur le souk du Caire, la controverse autour des
réserves de l’Allemagne prend aujourd’hui une ampleur
telle qu’un audit est plus que nécessaire.
Il n’est pas dans
l’habitude de la Bundesbank que de se plier à la pression
populaire – elle ne fait pas partie de ce genre d’institution. La
semaine dernière, elle a cependant déclaré qu’elle
auditerait son or stocké à l’étranger afin de
rassurer les citoyens de son pays.
Les avions cargos n’ont
pas encore été chargés, mais d’ici ces cinq
prochaines années, il sera probablement nécessaire de
construire de nouveaux coffres-forts à Frankfort pour y stocker
l’or rapatrié de New York et de Londres.
Que nous apprend la campagne
de rapatriement de l’or Allemand à propos de
l’économie ? Trois choses.
1) La génération
actuelle comprend bien mieux que ses parents quels sont ses
intérêts nationaux. Durant 50 ans, les Allemands ont
cherché à se présenter comme étant des citoyens
du monde. Ils ont prouvé de leur mal-être
d’après-guerre en s’engageant dans toute organisation
internationale qui leur ouvrait ses portes. Aujourd’hui, ils sont
heureux d’être des citoyens Allemands et s’allient en
fonction de leurs propres intérêts.
2) La confiance portée
aux institutions financières ne cesse de diminuer. Les banques
centrales ont développé un système de débits et
de crédits parce qu’il est bien plus simple de déplacer
de l’or sur des registres que par camion. Il faut dire qu’il
n’existe pas beaucoup de cibles plus tentantes pour les voleurs que des
camions remplis de lingots d’or.
Il a donc longtemps
été préférable de conserver l’or de
l’Allemagne à l’étranger. Mais aujourd’hui,
les citoyens ne croient plus en cet ancien système. Ils ne se
contentent plus d’actifs inscrits sur des bilans papier, ils veulent
quelque chose de concret qu’ils puissent voir et toucher. C’est
vrai pour les réserves d’or, mais également pour de
nombreux autres actifs.
3) Plus important encore, plus
les mois passent, et plus le sentiment Allemand envers la devise unique
devient dédaigneux. Après tout, à quoi sert l’or
stocké au fond des coffres des banques centrales ? A mettre en place
une nouvelle devise, bien sûr. Et à rien d’autre !
Il n’existe rien
d’autre qui puisse être fait avec cet or. Dans les circonstances
les plus extrêmes, si l’euro venait à s’effondrer et
que de nouvelles devises nationales devaient être mises en place en l’espace
d’une nuit, la seule chose qu’observeraient les marchés
pour évaluer les nouvelles devises serait les réserves
d’or qui les soutiennent. Et cet or aurait une valeur bien plus
importante s’il était stocké au sein des frontières
de son pays plutôt qu’à l’étranger.
La campagne de rapatriement de
l’or Allemand n’est autre qu’une campagne de rapatriement
de la seule monnaie en laquelle ont confiance les gens.
L’établissement politique ne semble pas encore avoir compris
cela, mais l’opinion publique pense que l’euro n’est
qu’une arnaque et attend avec impatience de pouvoir se
débarrasser de sa responsabilité que sont les plans de
sauvetage de ses voisins.
Et
cette situation ne concerne pas uniquement l’Allemagne. Une
méfiance envers les banques centrales se développe dans de
nombreux pays. Nombreux seront les acteurs qui feront entendre leur voix sur
le long chemin vers un retour à un système de devises soutenues
par l’or – et la campagne Allemande n’en est que le
commencement.
Matthew Lynn est un
journaliste financier basé à Londres. Il est l’auteur de
‘Bust : Greece,
the Euro and the Sovereign Debt
Crisis’, et écrit également des
romans à suspense sous le nom de Matt Lynn.
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