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Les
origines du fascisme
La
dernière fois que nous nous sommes inquiétés du
fascisme, nous étions en pleine seconde guerre mondiale. C’est
pourquoi nous avons à l’époque décidé
d’aller combattre cet ennemi diabolique sur ses propres terres. Les
Etats-Unis ont vaincu les Etats fascistes, mais leur philosophie de
gouvernance n’a pas disparu. Très peu de temps après
cette guerre, une autre éclata. Ce fut la Guerre Froide qui opposa,
pour la première fois, le capitalisme au communisme. A
l’époque, le socialisme était considéré
comme une forme douce de communisme, et était toléré tant
qu’il était associé à un Etat démocratique
– et donc au système ayant légitimé et
légalisé le pillage d’une population par son
gouvernement.
C’est
à ce moment-là que tout le monde semble avoir oublié
qu’il existe de nombreuses autres formes de socialisme, toutes
n’étant pas forcément de gauche. Le fascisme est
l’une d’entre elles.
Son origine ne
fait aucun doute. Elle est liée à la politique Italienne
d’après 1914-1918. En 1922, Benito Mussolini remporta les
élections démocratiques et imposa le fascisme dans son pays.
Mussolini était un membre du parti socialiste.
Les plus
importants détracteurs du mouvement fasciste appartenaient au
départ au parti socialiste. C’était là une menace
pour les socialistes, dans la mesure où le fascisme était le
véhicule politique le plus attrayant de leur mouvement. Les
socialistes ont été très nombreux à joindre les
rangs fascistes.
C’est la
raison pour laquelle Mussolini a pu profiter d’un tel succès
médiatique jusqu’à dix ans après son
élection. Il fut célébré par le New York Times
à de nombreuses reprises, et fut évoqué dans
les livres scolaires comme étant un chef d’Etat modèle
à l’époque de la planification de la
société. Entre les années 1920 et les années
1930, les journaux Américains florissaient d’éloges au
dictateur Italien.
Souvenez-vous
qu’à la même période, la gauche Américaine
se divisait. Entre 1910 et 1920, la gauche Américaine était
connue pour son anti-corporatisme. La gauche s’opposait
généralement à la guerre, à la gestion du
système pénal par l’Etat, à l’interdiction
de l’alcool et à toute forme de violation des libertés
civiles. Elle n’était pas l’amie du capitalisme, mais
n’était pas non plus alliée à la forme
d’Etat-entreprise mise en place par Roosevelt sous le New Deal.
En 1933 et
1934, la gauche Américaine dût faire un choix : embrasser
le corporatisme et la discipline excessive imposée par le New Deal, ou
se cantonner à ses vieilles valeurs libérales. En
d’autres termes, déciderait-elle d’accepter le fascisme
comme alternative à son utopie socialiste ? Une bataille
gigantesque eut lieu à cette époque, et le New Deal en sortit
vainqueur. La gauche se retrouva alors à deux pas de
l’économie fasciste et de l’Etat guerrier ayant
été mis en place par le New Deal.
Il ne
s’agissait là que d’une répétition de ce
qu’il s’était passé en Italie une dizaine
d’années auparavant. En Italie aussi, la gauche avait
réalisé que son agenda anti-capitaliste pourrait plus
facilement porter ses fruits si elle embrassait le modèle d’un
Etat autoritaire. Notre vieil ami John Maynard Keynes a bien entendu
joué un rôle critique dans la rationalisation
pseudo-scientifique de l’abandon du bon vieux laissez-faire au profit
de la société planifiée. Keynes n’était
aucunement un socialiste de la vieille école. Comme il l’a
lui-même indiqué dans l’édition Nazie de sa Théorie
Générale, ses idées correspondaient bien mieux
au nazisme qu’à l’économie de marché.
La vision
de Flynn
L’étude
sur le fascisme la plus complète ayant été écrite
à l’époque est sans aucun doute As
We Go Marching, de John T. Flynn. Flynn était un journaliste
libéral, et est l’auteur d’un grand nombre de best-sellers
des années 1920. Dans les années 1920, il pouvait
aisément être considéré comme étant un
progressiste. C’est le New Deal qui a changé sa manière
de voir les choses. Tous ses collègues ont suivi Roosevelt et
adhéré au fascisme, dans le même temps que Flynn se
cantonnait à ses idéaux. Il a combattu chacune des décisions
de Roosevelt, et pas seulement ses plans domestiques. Flynn était
à la tête du mouvement America First, et fut l’un des
premiers à apercevoir la déclaration de guerre de Roosevelt
comme une simple extension du New Deal, ce qu’elle était
très certainement.
Parce que
Flynn appartenait à ce que Murray Rothbard surnomma plus tard la
Vieille Droite – Flynn était opposé à la fois
à l’Etat militaire et à l’Etat providence –,
son nom fut oublié après la guerre, avec l’ascension du
conservatisme et de la CIA.
As We Go
Marching fut
publié en 1944, a l’époque où l’économie
de guerre contrôlait le monde. Le fait que cet ouvrage ait
été autorisé à la publication tient du miracle.
Il présente une étude complète du fascisme, en
théorie comme en pratique. Flynn savait précisément vers
quoi menait le fascisme : vers le militarisme et la guerre comme
éléments clés du budget de l’Etat. Lorsque vous
n’avez plus rien sur quoi dépenser de la monnaie, vous pouvez
toujours dépendre de la ferveur nationaliste pour injecter toujours
plus d’argent dans le secteur militaire.
Dans le passage
de son livre portant sur l’histoire de l’ascension du fascisme,
Flynn écrit :
‘La
caractéristique du fascisme la plus étonnante est la
collaboration qu’il fait naître entre les hommes
d’extrême gauche et ceux d’extrême droite. La droite
et la gauche ont toutes deux accepté le fascisme, influencées
par leur désir commun de régulation. Leurs motivations sont
peut-être différentes, il n’en est pas moins que le
fascisme les conduit dans la même direction : le système
économique doit être contrôlé, et ce contrôle
doit être exercé par ceux qui gèrent les moyens de
production’.
S’il est
une chose sur laquelle la gauche et la droite ne sont jamais parvenues
à se mettre d’accord, c’est de qui devrait gérer
les moyens de production. La gauche tend à privilégier les
travailleurs, alors que la droite tend à privilégier les chefs
d’entreprise. Le compromis était alors – et il est encore
le même aujourd’hui – de carteliser les deux.
Dans une
nation fasciste, le gouvernement devient l’outil de cartelisation
à la fois des travailleurs et des détenteurs de capital. La
compétition entre les travailleurs et les employeurs est
observée comme étant insignifiante. Ce sont les élites
politiques qui décident de la coopération entre ces groupes
– sous sa supervision –, ce dans le but de favoriser la
création d’une nation toute puissante.
Les fascistes
ont toujours été obsédés par l’idée
de grandeur nationale. Pour eux, il ne s’agit pas de voir les habitants
de leur nation devenir prospères ni vivre des vies plus longues et plus
sereines. Non, la grandeur nationale fait référence à la
construction par l’Etat d’immenses monuments, de réseaux
de transports nationaux, ou encore de grands projets tels que le canal du
Panama.
En
d’autres termes, la grandeur nationale n’a rien à voir
avec la grandeur de votre famille ou celle de votre entreprise. Bien au
contraire. Vous devez être taxé, et la valeur de votre monnaie
doit être dépréciée. La grandeur nationale
nécessite que votre vie privée soit envahie et que votre
bien-être soit laissé de côté. Depuis la
perspective de la grandeur nationale, c’est le gouvernement qui doit
‘nous rendre grands’.
Malheureusement,
un tel programme a bien plus de chances d’aboutir à un
succès politique que le socialisme. Contrairement au socialisme, le fascisme
ne nationalise pas la propriété privée. Cela signifie
que l’économie ne s’effondre pas immédiatement. Le
fascisme ne pousse pas non plus à l’égalisation des
revenus, ne parle pas d’interdire les mariages, et ne fait aucune
mention de la nationalisation des enfants.
Sous un
régime fasciste, la religion n’est pas abolie, mais
utilisée comme un outil de manipulation politique. En ce sens, le
fascisme est bien plus astucieux que le communisme. Il allie religion et
étatisme, encourageant le culte divin en utilisant l’Etat comme
intermédiaire.
Sous un
régime fasciste, la société telle que nous la
connaissons demeure intacte, bien que tout soit contrôlé par
l’Etat. Bien que le socialisme traditionnel favorise une perspective
globale, le fascisme est explicitement nationaliste. Il embrasse et exalte
l’idée d’Etat-nation.
Le fascisme ne
recherche pas non plus l’expropriation de la bourgeoisie. A la place,
la classe moyenne obtient ce qu’elle désire en matière
d’assurance sociale, de bénéfices médicaux, et de
fierté nationale.
C’est
pour toutes ces raisons que le fascisme peut être qualifié de
mouvement de droite. Il n’attaque pas les valeurs bourgeoises
fondamentales. Il s’appuie sur la bourgeoisie pour supporter le
contrôle de l’Etat sur l’économie, la censure, la
cartelisation, l’intolérance politique, l’expansion
géographique, le contrôle exécutif, l’Etat police
et le militarisme.
Pour ma part,
je n’éprouve aucune difficulté à faire
référence au programme fasciste comme étant une
théorie de gauche, même si certains de ses aspects correspondent
plus au rêve de gauche. Le problème, c’est qu’il
attire un public qui serait généralement plus attiré par
la politique de droite.
En y
réfléchissant un peu, il est facile de se rendre compte que
l’étatisme de droite est d’une couleur totalement
différente de celui de gauche. Chacun d’entre eux attire des
électeurs aux intérêts et aux valeurs très
différentes.
Ces divisions
ne sont cependant pas strictes. Nous avons pu observer plus haut la
manière dont un programme socialiste de gauche peut être
adapté à un programme fasciste de droite sans que quasiment
aucune modification n’y soit apportée.
A
suivre…
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