L’Italie pourrait
avoir déposé plus de 1.000 tonnes d’or dans les coffres de la Fed
Ecrit par Ronan Manly pour Goldcore
La banque centrale italienne, Banca d’Italia, a récemment
publié un important document détaillant la composition et le lieu de dépôt
des réserves de son pays. Le document confirme que l’or de l’Italie est
déposé dans quatre coffres, dont trois se trouvent hors des frontières du
pays.
Il s’agit là d’une déclaration
significative, puisque Banca d’Italia
détient la troisième plus grosse réserve d’or du monde après les Etats-Unis et
l’Allemagne. Les réserves officielles de l’Italie s’élèvent à 2.451,8 tonnes
d’or, d’une valeur de plus de 72 milliards d’euros aux prix actuels [1].
Dans le rapport détaillé de
trois pages qui se concentre exclusivement sur les réserves d’or italiennes
(qui n’a été publié qu’en italien), la banque d’Italie révèle que 1.199,4
tonnes d’or, soit près de la moitié de ses réserves, sont déposées dans ses
propres coffres sous Palazzo Koch, sur la Via Nazionale, à Rome. Une grande partie de l’autre moitié de
ses réserves est quant à elle déposée auprès de la Réserve fédérale de New
York. Le rapport indique également que de petites quantités d’or italien ont
été déposées auprès de la Banque d’Angleterre à Londres, et de la Banque
nationale suisse à Berne.
L’or de Rome
Parmi les 1.199,4 tonnes d’or
conservées à Rome, 1.195,3 tonnes prennent la forme de barres d’or, et 4,1
tonnes prennent la forme de pièces d’or (ce qui représente 871.713 pièces).
Il y a 95.493 barres d’or dans les coffres de Rome, dont une majorité est de
forme trapézoïdale, bien que certaines soient des barres en forme de briques
produites par l’US Assay Office, et d’autre des
barres auxquelles Banca d’Italia
fait référence sous le nom de « panetto »
(ou « pain »), qui sont des barres anglaises.
Comme c’est aussi le cas pour
l’or de nombreuses autres banques centrales européennes, l’or de Banca d’Italia a principalement
été accumulé à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Bien que
l’Italie disposait déjà à l’époque d’importantes
réserves d’or au début du XXe siècle, elle ne possédait que 402 tonnes de
métal jaune en 1957. A partir de 1958 et jusqu’à la fin des années 1960, les
réserves de la banque d’Italie ont augmenté de 600% pour excéder 2.560 tonnes
en 1970 [2].
Depuis 1970, les réserves d’or
de l’Italie sont restées plus ou moins identiques, bien que de temps à
autres, de l’or ait été utilisé dans le cadre de transactions financières
variées telles qu’une garantie en or contre un prêt allemand dans les années
1970, et en tant que contribution au Fonds de coopération monétaire européen
(FCME) et plus récemment à la Banque centrale européenne (BCE).
La diffusion de RAI,
la BRI et Berne
Bien que le rapport de Banca d’Italia semble être la
première confirmation officielle de l’emplacement des réserves d’or du pays,
les quatre coffres dans lesquels se trouve cet or ont déjà été confirmés par
la chaîne télévisée italienne RAI en 2010, après qu’un présentateur de RAI et
des membres de son équipe aient été autorisés à filmer l’intérieur des
coffres de la banque à Rome.
Dans l’épisode de l’émission
« Passaggio a Nord Ovest »,
le présentateur Alberto Angela explique que l’or italien n’est pas uniquement
déposé à Rome, mais aussi auprès de la Réserve fédérale de New York, de la
Banque d’Angleterre à Londres, et de la BRI en Suisse. Le présentateur
utilise les mots « Banca dei Regolamenti Internazionali ».
L’implication de la BRI a été
confirmée en août 2009 par le journal italien La Republica
suite à la publication d’un article au sujet de l’or de l’Italie, selon
lequel cet or se trouverait à Rome, à New York, à Londres et dans les coffres
de la BRI, à Bâle.
Cette apparente contradiction
entre RAI et La Republica d’une part, qui citent
tous deux qu’une partie de l’or italien se trouve auprès de la BRI en Suisse,
et du document de Banca d’Italia
de l’autre, qui stipule que son or déposé en Suisse se trouve dans les
coffres de la Banque nationale suisse à Berne, n’en est pas vraiment une. La
BRI ne dispose en effet pas de ses propres coffres en Suisse, et utilise ceux
de la BNS à Berne.
La BRI le confirme sur son
site internet, lorsqu’elle précise à ses clients qu’elle offre des
« infrastructures de stockage à Londres, Berne ou New York » [3].
En confirmant qu’une partie de
ses réserves d’or se trouve dans les coffres de la Banque nationale suisse à
Bern, Banca d’Italia a
également confirmé que les coffres de la Banque nationale suisse se situent à
Bern. Bien que ce soit quelque chose que beaucoup savaient déjà, la BNS a jusqu’à
présent refusé de le confirmer et se contente de déclarer qu’elle possède de
l’or « en Suisse comme à l’international », en des lieux
« délocalisés » [4].
En revanche, le journal
bernois « Der Bund » a publié un article en 2008 selon lequel les
coffres de la BNS se trouveraient à Berne, spécifiquement sous la Bundesplatz, qui est adjacente au siège de la banque, au
numéro 1 Bundsplatz. La SNB dispose de deux sièges,
l’un à Berne, et l’autre à Zurich.
Il semblerait donc que l’or
italien déposé en Suisse auprès de la BRI (sur un compte affecté ou sur un
dépôt à vue) soit également déposé dans les coffres de la BNS. Ainsi, les
rapports de RAI, de La Republica et de Banca d’Italia sont tous
corrects, puisqu’ils ne font que dire la même chose de différentes manières.
Une autre possibilité est que le dépôt à vue de la BRI ait été converti en
dépôt d’affectation dans les coffres de la BNS après l’émission de RAI
diffusée en 2010.
La confusion est liée au fait
que Banca d’Italia refuse
de préciser le titre de son or déposé à Berne, et a précisé la semaine
dernière ne pas être capable de commenter sur les informations publiées en
avril dernier.
Certains détails publiés dans le
document ont été confirmés une semaine avant sa publication, lorsque trois
sénateurs italiens du parti politique de Beppe
Grillo, Movimento 5 Stelle
(Mouvement cinq étoiles), nommément Giuseppe Vacciano,
Andrea Cioffi et Francesco Molinari,
ont visité les coffres de Rome en mars 2014.
Le rapport des sénateurs
indique qu’en plus des 1.199,4 tonnes d’or déposées dans les coffres de Rome,
« le reste de l’or italien se trouve majoritairement auprès de la
Réserve fédérale de New York », ainsi qu’auprès de la Banque
d’Angleterre et de la « Banca Centrale
Svizzera » (la Banque nationale suisse). Les sénateurs ont ajouté que
« pour des raisons de confidentialité, ils ne sont pas autorisés à
indiquer quelles quantités d’or sont déposées auprès de ces pays ».
L’or italien à New
York
Comme l’ont indiqué les
sénateurs, le document publié par Banca d’Italia ne stipule pas quelles quantités d’or sont
déposées à New York, Londres et Berne, et se contente de dire qu’une majorité
de la moitié des réserves d’or italiennes déposées à l’étranger se trouve à
New York. Le document indique que le plus gros des réserves italiennes
déposées à l’étranger se trouvent à New York, et que de plus petites
quantités se trouvent à Londres et à Berne. Londres et Berne n’ont donc pas
la garde de beaucoup d’or italien.
Parmi les 1.252,4 tonnes d’or
italien qui ne se trouvent pas à Rome, 626,2 tonnes ou plus se trouveraient
donc à New York. Grâce à ce simple calcul, nous pouvons dire que plus de
626,2 tonnes d’or italien se trouvent à New York. Mais comme le document
précise bien que « le plus gros des réserves italiennes qui ne sont pas
à Rome » se trouvent à New York, il pourrait aussi bien y avoir 1.000
voire 1.200 tonnes d’or italien dans les coffres de la Réserve fédérale.
A dire vrai, 522 tonnes de l’or
italien envoyé à la réserve fédérale de New York en septembre 1974 ont été
utilisées comme garantie contre le prêt de la Bundesbank à l’Italie entre
1974 et 1976. Cette garantie est passée à 543 tonnes entre 1976 et 1978.
Londres – la Banque
d’Angleterre
Il est possible, grâce aux
données historiques et aux déplacements de l’or italien, d’estimer la
quantité d’or italien déposé à Londres.
Il semblerait que la banque
centrale italienne ne dispose pas d’importantes quantités d’or à Londres. A
la fin des années 1960, principalement entre 1966 et 1968, Banca d’Italia a rapatrié une
majorité de son or déposé auprès de la banque d’Angleterre à Londres. Des
livraisons régulières ont été organisées vers les coffres de la banque
d’Italie à Rome et Milan. A la fin de l’année 1969, Banca
d’Italia disposait de moins de 1.000 barres d’or à
Londres, soit moins de 400.000 onces (approximativement 12 tonnes).
Ainsi, puisque les réserves
d’or italiennes ont très peu fluctué depuis 1969, il serait réaliste
d’imaginer que les réserves d’or italiennes déposées auprès de la Banque
d’Angleterre à Londres n’ont pas beaucoup fluctué depuis 1969, à moins que de
l’or ait été renvoyé à Londres (suite à un swap) après 1969. Cela n’aurait du
sens que si cet or avait été renvoyé à Londres pour une raison spécifique,
comme par exemple pour permettre à l’or italien d’être prêté sur le marché de
Londres. Les prêts en or n’ont vu le jour à Londres qu’au milieu des années
1980, et rien n’indique que l’Italie se soit adonnée à des opérations de
prêts sur ce marché.
Berne, Suisse
Les rapports historiques de la
BRI stipulent qu’il n’y avait plus aucune once d’or italien dans les coffres
de Berne après la seconde guerre mondiale. Ce qui s’y trouve aujourd’hui y a
donc été déposé après 1945. Il est intéressant de noter que la Suède et la
Finlande ont toutes deux publié il y a peu de temps des informations quant
aux lieux de dépôt de leur or, et révélé qu’un petit pourcentage de leurs
réserves se trouve actuellement dans les coffres de la banque nationale
suisse à Berne. 2,8 des 125,7 tonnes d’or de la Suède se trouvent là-bas [5].
7%, ou 3,4 tonnes, des 49 tonnes d’or de la Finlande y seraient aussi
déposées [6].
En appliquant une allocation
similaire, entre 2 et 7%, à l’or italien déposé auprès de la Banque nationale
suisse, nous obtenons entre 25 et 87,6 tonnes. En estimant à très peu les
quantités d’or italien déposées à Londres (environ 12 tonnes), nous pouvons
imaginer que près de 1.200 tonnes d’or italien se trouvent dans les coffres
de la Réserve fédérale, à New York.
Audits et
rapatriements
Banca d’Italia
stipule que des audits externes ont lieu chaque année à Rome, en conjonction
avec des visites de ses propres auditeurs. Les auditeurs externes vérifient
également l’or déposé auprès de banques centrales étrangères grâce à des
certificats émis par ces dernières.
Voilà qui semble familier avec
l’audit des réserves d’or allemand déposées à l’étranger, qui n’est en
réalité pas audité du tout (bien que la Bundesbank ait récemment déclaré qu’une
partie de son or déposé a New York a récemment été
audité par ses propres représentants).
Compte tenu du tapage qu’a
fait le rapatriement de 300 tonnes d’or allemand depuis New York dans les
médias, il sera intéressant de voir si l’opinion publique italienne poussera
la banque d’Italie à présenter une demande similaire à la Fed de New York.
Le fait que l’or rapatrié
depuis New York par la Bundesbank ait dû être fondu indique que la banque
centrale italienne puisse faire face au même problème.
Sources (en italien) :
Rapport de Banca d’Italia, avril2014
http://www.bancaditalia.it/media/chiarimenti/riserve-auree.pdf
Diffusion de RAI http://www.youtube.com/watch?v=4u4iSEQOxyk&sns=em
Article de La Republica: http://www.repubblica.it/2009/07/sezioni/economia/scudo-fiscale-1/lingotti-italiani/lingotti-italiani.html
Article de Movimento 5 Stelle: http://www.latina5stelle.it/vacciano_riserveauree_bankitalia/
Vidéo de la visite de la
banque par Movimento 5 Stelle:
https://www.youtube.com/watch?v=RNbGc2P677s
[1] A l’exclusion du FMI, l’Italie
détient la troisième plus grosse réserve d’or du monde.
[2] Central Bank Gold Reserves, An Historical
perspective since 1845, Timothy Green, Recherche
No. 23, novembre 1999, Conseil mondial de l’or
[3] http://www.bis.org/banking/finserv.htm
[4] http://www.goldcore.com/goldcore_blog/swiss-gold-stored-“decentralised-locations”-–-snb-does-not-disclose-where
[5] http://www.thelocal.se/20131029/51064
[6] http://www.suomenpankki.fi/en/suomen_pankki/ajankohtaista/tiedotteet/pages/tiedote26_2013.aspx